@ffinités

5 septembre 2010
[Auto-promo-radio — Avis aux auditeurs & -trices.]

Du lundi 6 septembre au vendredi septembre, vers midi moins dix [11h50], sur France-Culture, une série de micro-fictions radiophoniques [6mn, chaque épisode], très librement adaptées de mes Portraits crachés [éd. Verticales, 2003].

Six comédiens remixés ensemble – soit au total, un quatuor des deux sexes, une paire d’impairs et sa bande de voix-off – alternent les récits de bribes d’existence contemporaines.
Quelques extraits ici même… et à bon entendeur, salut.

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3 septembre 2010
[Papiers recyclés & mémoire sélective — Qui que quoi… quiz.]

Sauvé in extremis d’un tas de vieilleries scolaires promises à la poubelle, un maigre classeur datant de ma dernière année de lycée. Des notes éparses prises pendant un cours, de philo sans doute, vu les majuscules des sommités ronflantes, les citations définitives entre guillemets et deux trois concepts surlignés de rouge par page. Et, se détachant soudain du lot, une feuille volante où figure cette liste énigmatiquement numérotée :

1. En s’armant d’un autre corps.
2. En s’improvisant un passé.
3. En devenant n’importe qui.
4. En ôtant les aiguilles de toute montre.
5. En prenant un risque ultime.
6. En souriant à contresens.
7. En y perdant l’empreinte de l’argent.
8. En distribuant des rôles muets.
9. En rêvant d’un monde jamais clos.
10. En se

La dixième tentative s’avérant inachevée, restent ces neuf réponses à un questionnaire inconnu, à moins qu’il s’agisse de neuf façons de répondre à une seule et même interrogation – et pourquoi pas celle raturée au feutre noir dans la marge, mais dont la lisibilité demeure sujette à caution : Comment taire ?

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2 septembre 2010
[Lexicomanie — Chômage à tous les étages.]

Dans la plupart des langues européennes, ledit «chômeur» ne se nomme que par défaut, lacune ou carence. En italien, il est «désoccupé» (disoccupato); en anglais il est «inemployé» (unemployed) ou «non-travailleur» (nonworker); en allemand, il est «sans-travail» (arbeitslos), tout comme en polonais (bezrabotni) ou en espéranto (senlaboreco); en serbe, il n’y a pas de mot, alors on fait une phrase complète, on dit «une personne qui ne travaille pas» (lice koje ne radi); en portugais, il est «désemployé» (desempregado), en espagnol idem (desemplado), même si, exception remarquable, une appellation alternative coexiste, «oisif sur pied» (parado)…

Mais en français, c’est chômeur qui s’est imposé à l’usage, selon une étymologie qui ne présuppose aucun manque, ni privation ou contrariété, puisque le mot provient du latin caumare, «se reposer pendant la chaleur», descendant lui-même du grec kauma, «chaleur brûlante», et par extension «calme» au sens figuré. Comme si l’esprit méditerranéen de la sieste s’était réfugié dans notre vocabulaire, y maintenant une zone d’ombre ambiguë, complexe, équivoque… entre farniente et usage de soi, sans avoir besoin de stigmatiser chez le supposé «demandeur d’emploi» un non-travailleur par antiphrase. En se remémorant plutôt ces temps anciens où les rares jours chômés se marquaient d’une pierre blanche sur la saint calendrier.

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29 août 2010
[Texticules et icôneries — Béatitude volontaire.]

Chacun sa croix… profil de l’emploi.

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28 août 2010
[Portraits crachés — Suite sans fin.]

Suite aux expatriations successives de ses père & mère – tôt divorcés et chacun chacune remariés aux antipodes l’un de l’autre –, Alexis s’est retrouvé quadrilingue au sortir de la maternelle. Depuis lors, il rêvasse, bouquine et cause alternativement en français, brésilien, flamand et russe, selon une gymnastique mentale du plus grand naturel. À ceci près, que dans aucune de ses quatre langues, il n’est arrivé à abolir un reste d’accent parasite, jamais le même d’ailleurs. En français, il nasille un arrière-goût de brésilien ; en portugais d’Amazonie, il a des relents moscovites ; en flamand, il dérape francophone ; en russe, lui reviennent des bribes de néerlandais. Quant à l’américain de base, négligé en famille puis pendant ses études, il ne l’a appris que sur le tard, de la bouche de sa compagne jamaïcaine, entre pigeon english et tournures rasta. Il lui aura donc fallu presque trente ans pour brouiller définitivement les pistes, créoliser toutes ses origines et parvenir à ce prodige idiomatique : étranger de naissance.

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27 août 2010
[Portraits crachés — Suite sans fin.]

Depuis son plus bas âge, Judith se sait dotée d’un odorat surdéveloppé. Ses proches, elle les flaire de très loin, par association d’idées : amande douce pour sa mère, tabac froid du soir et after-shave matinal chez papa, lavande éventée sur les lainages de sa tante, purin d’herbe grasse dans la piaule des petits cousins de vacances et saucisses au barbecue dès que, Wanda, sa chienne, rapplique dans les parages. Bien sûr, depuis la fin du collège, elle s’est familiarisée avec des odeurs plus âcres ou capiteuses – lampées, suées, giclées, resucées qui vous lèvent le cœur longtemps après. Surtout Judith, avec sa sensibilité spéciale, quand les baisers profonds lui font remonter ces effluves-là, ça envahit totalement le reste de ses pensées, et ensuite sous les draps pire qu’une cloche à fromages au frigo. Et pourtant, difficile de dire le contraire : plus ça pue, mieux ça lui plait.
Par contre, ce qui la dégoûte à plein nez, ce sont ces gens bizarres, les « sans rien » comme elle les appelle. Eux, ils sentent vaguement quelque chose, un genre de truc pas net, sauf que la fadeur, justement, y’a pas de mot précis: zéro parfum, ni naturel ni de synthèse. Sa prof de Math en seconde était comme ça, feu le collègue de bureau de son père aussi, le fils de l’ancien concierge pareil, bien foutu en débardeur mais bon, dommage, et même le demi-frère de Judith, avant qu’il ne parte en pension, bon débarras. C’est peut-être pas de leur faute, s’excuse-t-elle en grimaçant, chacun ses préjugés débiles mais moi je supporte pas, c’est des espèces de personnes… sans personne à l’intérieur. On dirait presque, à l’entendre, qu’ils embaument déjà le néant.

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26 juillet 2010
[Texticules et icôneries — Survie en kit.]

Téléphonie immobile, exemplaire de démonstration…

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20 juillet 2010
[Bribes d’auteurs posthumes: Raymond Queneau –
Cultiver l’obsession du presque rien
en-deçà du train-train quotidien.]

De source aussi sûre qu’incertaine – l’ami d’ami d’un ami d’ami de Raymond Queneau –, il se raconte que l’auteur de Zazie faisait une brève halte chaque matin & soir par la salle des coffres d’une banque située non loin de son bureau éditorial chez Gallimard. Qu’allait-il donc planquer là jour après jour sans exception ? Ce rituel énigmatique s’étant ébruité, ses proches et collègues du milieu littéraire se perdaient en conjectures.

Début novembre 1976, peu après la mort de Queneau – en présence de son légataire Jean Lescure et d’autres rares témoins – on procéda devant notaire à l’ouverture de la dizaine de coffres – pas moins – réservée de longue date par l’illustre défunt. Et qu’y trouva-t-on? Aucun dossier secret ni manuscrit posthume ni correspondance à scandale ou codicile testamentaire. Juste plusieurs milliers de tickets de métro ou d’autobus, tous dûment poinçonnés depuis plusieurs décennies.

La preuve par l’absurde d’un clandestin rapport entre écriture solitaire et transports en commun.

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14 juillet 2010
[Texticules et icôneries — Point de mire.]

Visiteuse exposée à sa propre disparition…

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8 juillet 2010

[Allergie à l’air du temps — Les petites balles perdues…]

Ce même 8 juillet de l’année dernière, un repas collectif s’était improvisé dans la rue piétonne de Montreuil (métro Croix-de-Chavaux), en soutien aux occupants du squat La Clinique, expulsés manu militari deux semaines plus tôt. Apéritif et gnocchi à la louche, suivis d’une balade festive et vaguement pyrotechnique (quelques pétards en technicolor dans les nuages). Intervention immédiate des cow-boys de la BAC sur le terre-plein de la place du Marché : flash-ball aussitôt braqués, tirs à volonté sur le petit attroupement, sans aucune sommation, ni respect des distances minimum ou des zones d’impact. Bien au contraire, ils ont visé sciemment les nuques, les épaules… et déjà cinq blessés dans leur tableau de chasse. Quant à l’ami Joachim Gatti, une balle en plein visage… éborgné à vie. Les victimes ayant une certaine habitude de la défense militante, ça s’est ébruité bien au-delà du quartier. Et comme ce n’était pas le premier œil crevé par le même calibre, ça a choqué quelques consciences journalistiques, une enquête interne a donné tort aux flics, on a glosé sur la dangerosité des nouvelles armes. Du coup, la routine sécuritaire a fait le gros dos, profil bas et silence dans les rangs pendant l’été.
Mais l’escalade répressive a vite repris ses couleurs habituelles : bleu horizon. Contrôles vexatoires, expulsions et opérations «coup de poing» dans les angles morts des périphéries urbaines. Il y a un mois ce sont les polices municipales qui se son vus doter de Taser électriques, sans parler des Drones et autres projecteurs héliportés survolant au moindre incident le Far-East de la banlieue parisienne. Dans cette logique de guerre implicite contre «l’ennemi intérieur», les habitants des Cités sont présentés comme les «boucliers humains» de leurs chefs de gang locaux, et l’interminable liste des bavures quotidiennes comme de simples «dégâts collatéraux». En des temps plus incertains que jamais, quand la colère manque d’issue collective, la paix sociale est à ce prix, relégation urbaine, mise en quarantaine budgétaire et militarisation desdites zones sensibles… Et la disproportion des moyens sécuritaires mis en œuvre – une enclume sur chaque fourmilière de banlieue, de Clichy à Villiers-le-Bel –contamine notre imaginaire géopolitique de proximité, fabrique jour après jour la figure de l’ennemi intérieur, ravive la grande peur du péril barbaresque en la personne forcément barbue du trafiquant islamiste. Comme toutes les prophéties auto-réalisantes, pas facile à déconstruire ce scénario cauchemar qui nous rejoue l’éradication des Talibans dans une série-tv de proximité.

Alors, sans tomber dans le piège de la riposte primaire – parce que l’esprit de vendetta permanente participerait d’une politique du pire –, ni sombrer dans l’amnésie générale du pardon ou de l’oubli – qui ne ferait que banaliser le monopole étatique de la violence légitime –, cette affichette a fleuri ces derniers jours un peu partout dans Montreuil.

Et des tags qui trouvent les mots justes pour se souvenir que l’avenir reste à inventer…



Et, sur les décombres de l’ancien squat La Clinique, une fresque en forme de point d’interrogation…

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