2 septembre 2010
[Lexicomanie — Chômage à tous les étages.]

Dans la plupart des langues européennes, ledit «chômeur» ne se nomme que par défaut, lacune ou carence. En italien, il est «désoccupé» (disoccupato); en anglais il est «inemployé» (unemployed) ou «non-travailleur» (nonworker); en allemand, il est «sans-travail» (arbeitslos), tout comme en polonais (bezrabotni) ou en espéranto (senlaboreco); en serbe, il n’y a pas de mot, alors on fait une phrase complète, on dit «une personne qui ne travaille pas» (lice koje ne radi); en portugais, il est «désemployé» (desempregado), en espagnol idem (desemplado), même si, exception remarquable, une appellation alternative coexiste, «oisif sur pied» (parado)…

Mais en français, c’est chômeur qui s’est imposé à l’usage, selon une étymologie qui ne présuppose aucun manque, ni privation ou contrariété, puisque le mot provient du latin caumare, «se reposer pendant la chaleur», descendant lui-même du grec kauma, «chaleur brûlante», et par extension «calme» au sens figuré. Comme si l’esprit méditerranéen de la sieste s’était réfugié dans notre vocabulaire, y maintenant une zone d’ombre ambiguë, complexe, équivoque… entre farniente et usage de soi, sans avoir besoin de stigmatiser chez le supposé «demandeur d’emploi» un non-travailleur par antiphrase. En se remémorant plutôt ces temps anciens où les rares jours chômés se marquaient d’une pierre blanche sur la saint calendrier.

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