8 juillet 2010

[Allergie à l’air du temps — Les petites balles perdues…]

Ce même 8 juillet de l’année dernière, un repas collectif s’était improvisé dans la rue piétonne de Montreuil (métro Croix-de-Chavaux), en soutien aux occupants du squat La Clinique, expulsés manu militari deux semaines plus tôt. Apéritif et gnocchi à la louche, suivis d’une balade festive et vaguement pyrotechnique (quelques pétards en technicolor dans les nuages). Intervention immédiate des cow-boys de la BAC sur le terre-plein de la place du Marché : flash-ball aussitôt braqués, tirs à volonté sur le petit attroupement, sans aucune sommation, ni respect des distances minimum ou des zones d’impact. Bien au contraire, ils ont visé sciemment les nuques, les épaules… et déjà cinq blessés dans leur tableau de chasse. Quant à l’ami Joachim Gatti, une balle en plein visage… éborgné à vie. Les victimes ayant une certaine habitude de la défense militante, ça s’est ébruité bien au-delà du quartier. Et comme ce n’était pas le premier œil crevé par le même calibre, ça a choqué quelques consciences journalistiques, une enquête interne a donné tort aux flics, on a glosé sur la dangerosité des nouvelles armes. Du coup, la routine sécuritaire a fait le gros dos, profil bas et silence dans les rangs pendant l’été.
Mais l’escalade répressive a vite repris ses couleurs habituelles : bleu horizon. Contrôles vexatoires, expulsions et opérations «coup de poing» dans les angles morts des périphéries urbaines. Il y a un mois ce sont les polices municipales qui se son vus doter de Taser électriques, sans parler des Drones et autres projecteurs héliportés survolant au moindre incident le Far-East de la banlieue parisienne. Dans cette logique de guerre implicite contre «l’ennemi intérieur», les habitants des Cités sont présentés comme les «boucliers humains» de leurs chefs de gang locaux, et l’interminable liste des bavures quotidiennes comme de simples «dégâts collatéraux». En des temps plus incertains que jamais, quand la colère manque d’issue collective, la paix sociale est à ce prix, relégation urbaine, mise en quarantaine budgétaire et militarisation desdites zones sensibles… Et la disproportion des moyens sécuritaires mis en œuvre – une enclume sur chaque fourmilière de banlieue, de Clichy à Villiers-le-Bel –contamine notre imaginaire géopolitique de proximité, fabrique jour après jour la figure de l’ennemi intérieur, ravive la grande peur du péril barbaresque en la personne forcément barbue du trafiquant islamiste. Comme toutes les prophéties auto-réalisantes, pas facile à déconstruire ce scénario cauchemar qui nous rejoue l’éradication des Talibans dans une série-tv de proximité.

Alors, sans tomber dans le piège de la riposte primaire – parce que l’esprit de vendetta permanente participerait d’une politique du pire –, ni sombrer dans l’amnésie générale du pardon ou de l’oubli – qui ne ferait que banaliser le monopole étatique de la violence légitime –, cette affichette a fleuri ces derniers jours un peu partout dans Montreuil.

Et des tags qui trouvent les mots justes pour se souvenir que l’avenir reste à inventer…



Et, sur les décombres de l’ancien squat La Clinique, une fresque en forme de point d’interrogation…

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