22 novembre 2018
Loin des camisoles pub-liminales,
petit patchwork d’affichisme mural.
Aujourd’hui, en rase-campagne, en zone d’activité périphérique ou en hyper-centre-ville, la pub tient partout le haut de l’affiche, avec ses encarts XXL en surplomb et autres réclames vitrifiées sur les trottoirs (qui, à Paris intra-muros, ont connu un chouette passage à vide au printemps dernier). On est cernés par les Beaux-Arts de la propagande : natures mortes marchandes, mots d’ordre citoyens et signes de piste culturels. Sitôt qu’on sort de chez soi, à pieds, en vélo, en bus, en métro ou sur quatre roues à réservoir pétrolivore ou à batterie au lithium, on entre dans leur ligne de mire, rétines ciblées en plein dans le mille. Et à force de se faire obstruer chaque perspective du paysage urbain ou de la ligne de l’horizon champêtre, entre racolage promotionnel et caméras de bienveillance, ça prend la tête…
en étau.
Du coup, au moindre hectare zadifié, espace urbain en friche, il suffit d’emprunter tel passage dérobé, de s’aventurer au-delà d’une palissade de chantier, de pousser un peu plus loin la curiosité. Et lorgner du côté des imageries iconoclastes, des posters encollés de traviole, des incitations au farniente visuel. Le temps de se reposer les yeux, hors champ…
Histoire de partager mes trouvailles récentes, ci-dessous, un rapide panorama de quelques posters hors normes photographies par mes soins ou quelques comparses, à mi-chemin du ready-made loufoque & de l’attentat poétique, du coup de gueule & de l’ironie contondante mais sans œillères militantes ni égotisme arty. Aux limites fluctuantes d’une tradition subversive sérigraphiées. À ces rares occasions où, entre sensibilités disparates, parfois incompatibles, ça se met à coller vraiment.
En attendant que s’auto-organise un mouvement de SANS-GILETS, prenant toute la place d’une vraie discorde et sortant des alliances ambiguës avec nos pires faux-amis: les notables & autres profiteurs de la rengaine anti-fiscaliste. D’accord pour critiquer frontalement la taxation, par essence inégalitaire, des esclaves malgré eux de la bagnole (à ne pas confondre avec les pseudo-révoltés en 4X4 flambant neuf). De même, faudrait se demander si la hausse aveugle de la TVA sur le tabac sauve vraiment des vies ou n’asphyxie pas surtout de pauvres fumeurs pauvres, tout en multipliant contre eux les injonction culpabilisantes et anxiogènes, sans d’ailleurs que cette hausse du paquet fasse tousser pareil les fumeurs de Havane des quartiers chics. Ultime détail à prendre en compte, les taxes sur les clopes (14 milliards) plus celles sur les carburants (67 milliards) dépassent à elles deux le montant de l’impôt sur le revenu (73 milliards), celui qui justement tient compte des revenus et patrimoines de chacun, bref comporte un garde-fou social d’esprit mutualiste et coopératif. A ruminer à tête bien reposer, non?
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31 octobre 2018
Face à la glu du libéralisme autoritaire,
quelques Adages Adhésifs & autres stickers.
Avec l’ami graphiste Philippe Bretelle, on a conçu une vingtaine d’autocollants, de dix centimètres sur quinze, en noir sur blanc… et inversement. Ça s’appelle des «Adages adhésifs», par goût de l’euphonie dadaïste. Avec trois quatre cinq mots maximum dessus, et pas mal de sous-entendus en suspens, puisque ces bribes de phrases n’attendent que ça, se glisser discrètement dans le décor urbain, pour y semer la discorde textuelle ou générer d’infimes associations d’idées.
Ces messages express n’ont rien à promouvoir, aucun blaze à mettre en relief, ni logo à faire buzzer. Ils ne prennent leur sens qu’in situ, en plein air (de rien), au moindre recoin de la rue, n’importe où mais pas n’importe comment… Avant de les ficher quelque part, faut repérer que ça colle vraiment entre brève de style et fragment de réalité. Histoire d’inventer de petites légendes à la vie quotidienne, de la sous-titrer à rebours de la routine consensuelle, de lui trouver des raccourcis scotchants, incongrus, subliminaux, et de délimiter par-ci par-là des zones de polysémie clandestine, des lapsus visuels, bref, très littéralement des lieux-dits.
Alors, pour donner le mauvais exemple, ci-dessous, quelques photos de ces aphorismes urbains & autres parasites verbaux pris en flagrant délit de dégradation sur la voie publique, cet espace commun aujourd’hui privatisé par tant de placards municipaux ou publicitaires.
Pour suivre à la trace la dissémination urbaine de ces stickers, il suffit d’aller mater le diaporama complet, c’est ici même.
Pour terminer en beauté, quelques stickers photographiés au de mes flâneries, avec ou sans scooter. Ces trouvailles très attachantes n’ont sont garanties sans but lucratif ni nombrilisme geek ni message de délation ou de duplicité nationale-populiste – si si, ça existe encore. Petit passage en revue, en attendant de remettra à jours mes autres collections d’affiches et de pochoirs.
Et après avoir dévoré Sorcières, la puissance invaincue des femmes de Mona Chollet (éd La Découverte), précipitez-vous sur La société ingouvernable, une généalogie du libéralisme autoritaire de Grégoire Chamayou (éd. La Fabrique).
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23 octobre 2018
Faurisson, piège à cons ! —
Retour aux sources « littéraires »
d’un pseudo-historien faussaire.
Bien avant de devenir l’éminence grise du négationnisme, l’ancien élève du petit séminaire de Versailles puis khâgneux au lycée Henri IV Robert Faurisson a commencé par défrayer la chronique… littéraire au début des années 60. Et, malgré les apparences, ses coups d’éclat en ce domaine étaient loin d’être anodins ; ils portaient en germe une torsion du raisonnement qui annonce, dans son hiatus logique initial, ses dénis ultérieurs concernant le gazage massif des Juifs sous le IIIe Reich ainsi que l’idée même d’une planification génocidaire du régime hitlérien. D’où l’intérêt de revenir plus en détail sur ces premiers travaux, sur leur axiome méthodologique, pour mieux comprendre la suite.
En 1961, l’agrégé de lettres, alors enseignant dans le secondaire à Vichy, sort de l’anonymat en publiant dans la revue Bizarre, éditée par Jean-Jacques Pauvert, un long article polémique, A-t-on lu Rimbaud ?, censé renouveler de fond en comble la lecture du sonnet « Voyelles ». Sans jamais dévier de sa ligne interprétative, Faurisson prétend démontrer que ce poème, renouant avec les arts du blason corporel hérités du Moyen-Âge, a très consciemment caché dans ses vers un mode d’emploi symbolique qui indiquerait la disposition dans l’espace de chaque lettre (après rotation d’un demi-tour ou d’un quart de tour). Ainsi, une fois remise dans le bon sens, la forme typographique des cinq voyelles épouserait successivement les zones érogènes et d’expositions sensibles d’une femme nue : A renversé du triangle pubien ; E couché des deux seins ; I couché de la bouche; U renversé de la chevelure; quant à l’oméga final… une paire d’yeux extasiées. Et puisque ces cinq clefs héraldiques semblent ouvrir un même trou de serrure, on peut enfin y reluquer le secret si bien gardé du texte : un tableau vivant, reconstitué pièce par pièce, du plaisir au féminin… Et pourquoi aucun glosateur n’en avait eu l’idée auparavant ? Pour la bonne raison, toujours selon Faurisson, que cet insoupçonnable poème orgasmique était crypté à dessein… par Arthur Rimbaud lui-même.
Cette analyse univoque, censée mettre au jour le sens caché que l’auteur aurait enfoui au plus profond de son sonnet, reçoit hélas l’élogieux soutien d’André Breton et de Pierre de Mandiargues, tous deux sans doute fascinés par l’aspect érotico-transgressif de cette révélation, tandis que le rimbaldien émérite Etiemble, traité dans « sorbonagre » dans le texte, y décèle déjà une tendance « aux interprétation paranoïaques-critiques si chères à Salvador Dali ». Toujours à l’affût du scandale, et de sa rentabilité possible, au printemps 1962, J.-J. Pauvert consacre le numéro suivant, L’Affaire Rimbaud, aux pièces à conviction de cette polémique relayée par la presse nationale.
Au mois de mars de cette même année, Faurisson est interpelé à Riom, pour « offense au chef de l’État », en l’occurrence la général de Gaulle, accusé d’avoir lâché l’Algérie française et traité de traîtres au même titre que Léon Blum et Ferhat Abbbas. Cet anti-gaulliste de droite ne s’en cache donc pas. D’ailleurs, c’est dès 1964 qu’il entame une correspondance régulière avec le transfuge Paul Rassinier –pacifiste intégral, passé par la SFIO et la Fédération Anarchiste, avant d’écrire sous pseudo dans Rivarol et de rallier la cause dite alors « révisionniste » du néofasciste Maurice Bardèche. Dans Le Mensonge d’Ulysse, édité en 1950 puis réédité en 1961, Rassinier, qui a été prisonnier une année à Buchenwald, relativisait le rôle répressif des SS dans les camps pour mieux charger les pires responsables à ses yeux : les kapo communistes. Mais plus grave encore, il semait le trouble en déclarant : « des chambres à gaz, il y en eut, pas tant qu’on le croit. Des exterminations par ce moyen, il y en eut aussi, pas tant qu’on ne l’a dit. » Et cette prétendue mystification se met soudain à passionner le donneur de leçon littéraire, Faurisson, exerçant depuis 1963 dans un lycée de Clermont-Ferrand. Sa traque unilatérale du sens caché dans le sonnet « Voyelles » ne lui suffit plus, c’est aux vérités sacrées de l’Histoire qu’il veut désormais s’attaquer avec les mêmes outils méthodologiques. En 1968, la publication au PUF de la thèse de Doctorat d’Olga Worsmer – Le Système concentrationnaire nazi (1933-1945) – attire son attention. Sans rien nier, bien évidemment, de l’ampleur et des modes opératoires de l’extermination des Juifs par les hitlériens, elle émet des doutes sur l’usage avéré des chambres à gaz à Mauthausen et Ravensbrück – erreurs d’analyse corrigées dans un ouvrage de Pierre Serge Choumoff dès 1972, mais puisque le diable gît dans le détail, ce doute va être le premier os à ronger de l’autoproclamé pourfendeur de mensonges Faurisson, qui va bientôt rendre visite à Olga Worsmer, fonder ses premières arguties sur ses recherches malgré les démentis de l’intéressée, qui le traitera d’ailleurs de « falsificateur » et « d’esprit perverti » dans Le Monde en août 1974.
Entre-temps, une décennie après L’Affaire Rimbaud, Robert Faurisson, devenu maître assistant de littérature française à Censier (Paris III), publie un premier article dans la NRF sur les « Divertissements d’Isidore » en janvier 1971, avant de soutenir l’année suivante, son Doctorat d’État sur La Bouffonnerie de Lautréamont, sous la direction de Pierre-Georges Castex, en 1972. Le redresseur de tort s’attaque aux Chants de Maldoror, où il ne voit qu’un montage parodique de références potaches, bref un vaste canular indument pris au sérieux par ses pairs académiques, pauvres dupes de quelques pastiches sans aucun intérêt poétique. Le scandale fait long feu. Pierre Albouy n’y voit que « poujadisme intellectuel », mais sa thèse obtient cependant la consécration suprême sous la griffe Gallimard.
Sans lâcher son autre fer au feu – prouver l’inexistence des chambres à gaz et de la « solution finale » en instrumentalisant quelques lacunes et contradictions annexes dans les témoignages des survivants –, il ajuste dans sa ligne de mire une autre figure du poète fin-de-siècle : Gérard de Nerval. Son manuel de docte décryptage, publié par le boutiquier récidiviste Pauvert, s’intitule : La clé des Chimères nervaliennes, où il réduit les célèbres oxymores du génial mélancolique à un pur et simplifié sous-texte ésotérique. De prime abord, l’érudition du déchiffrage a de quoi bluffer. On se laisserait presque gagner par le défi maniaque qu’offre ce puzzle géant à reconstituer, tel le rébus parcheminé d’une chasse au trésor. Bref, on risquerait tout bêtement de se prendre au jeu, si ce casse-tête n’était piégé d’avance, miné dès l’origine par d’étranges présupposés.
Premier postulat de Faurisson : un texte ne saurait vouloir dire qu’une seule chose à la fois, à l’exclusion de toute autre signification, rangée au magasin de l’accessoire. Face à ceux qui s’attachent à faire surgir d’un objet littéraire des possibles hétérogènes, des contradictions intestines, des ambivalences profondes, des zones d’indécidabilité, des rapports de force ou de fragilité, et même une dissolution du sens dans sa pure musicalité, l’exégète fait l’hypothèse d’une univocité absolue. Sa démarche part de ce principe aussi naïf que retors : tel poème ou telle prose porte en soi un message qu’il suffit ensuite de distinguer parmi d’autres niveaux de lecture bientôt rendus à leur quantité négligeable au regard de le résolution définitive de l’énigme.
Un deuxième postulat découle du précédent : si chaque œuvre recèle un sens unique, c’est parce qu’un démiurge en a ajusté la cible, coordonné les énoncés. Autrement dit, l’écrivain serait maître en tout points – et virgule – du but à atteindre ou du message à délivrer. En lui, prime une intentionnalité absolue. Et là encore, sous-entend Faurisson, on se tromperait à imaginer tel poète débordé par sa plume, sinon pire encore, à demi inconscient de ce qui se trame dans le flux en cours d’élaboration. Pas de work in progress, à tâtons ou à l’aveuglette, ni de confusion brouillonne en son esprit – surtout pas de « ça ». Non il est seul concepteur et responsable de ses causes et effets. Rien ne lui échappe ni n’outrepasse sa pensée. Le contenu livresque ne fait qu’appliquer un programme préconçu d’avance. Du coup, notre ressenti subjectif n’a plus aucune raison d’être, puisque l’important c’est de traquer entre les lignes des indices tangibles, les pièces éparses de la conviction initiale de l’auteur.
Mais à ce stade-là, un troisième postulat vient aussitôt compliquer la tâche de l’investigateur littéraire. Car par nature, l’écrivain avance masqué, d’autant qu’il doit parfois déjouer la censure ou réserver sa science occulte à quelques initiés et plus généralement prendre plaisir à tromper son monde. D’où cette ruse de la raison littéraire : ne dévoiler jamais ses intentions sans avoir au préalable brouillé les pistes et codé ses énoncés. Comment faire pour s’y retrouver? D’abord en se méfiant du contenu trop manifeste, tout ce qui est mis en évidence est suspect. Pour Faurisson, il y a invisibilité a priori de la nature profonde d’un texte, non parce qu’il serait polysémique ou que son auteur ignorerait partiellement où il veut en venir, mais bien au contraire parce que l’œuvre est forcément le tombeau muet d’une intention inavouable, cachée dans le jeu de miroir du fond et de la forme, travestie pour faire illusion, mise sous clefs symboliques. Et tout le reste n’est que mensonge du ressenti subjectif.
Avec de telles œillères, c’est la littérature elle-même qui est tarie à la source et son imaginaire réduit à sa plus simple expression : un leurre émotif qui camouflerait la transmission d’un message secret. Comme si la fameuse invocation de Rimbaud à «être voyant» renvoyait aux prophéties cryptées d’un Nostradamus ; et son «La vraie vie est ailleurs » se confondait avec le slogan de la série X files : «La vérité est ailleurs…» Quand les légendes séculaires de l’ésotérisme rejoignent les modes opératoires des services de renseignement… et surtout les traits dominants du complotisme, ce faux ami de toute pensée réellement critique, son ersatz le plus trompeur.
Inutile d’insister, dira-t-on, cette grille d’analyse sentait, dès 1961, la parano psychorigide à plein nez, aucun intérêt. Et le précoce goût du scandale de Faurisson, cantonné à des cercles académiques assez restreints, aurait dû finir aux oubliettes. Sauf que le 29 décembre 1978, Le Monde – qui savait pourtant depuis 1974 à quoi s’en tenir sur ce personnage, manipulateur et procédurier – lui offre ses colonnes – « Le problème des chambres à gaz » ou « la rumeur d’Auschwitz » – et s’en justifie dans un incroyable préambule : « Aussi aberrante que puisse paraître la thèse de M. Faurisson, elle a jeté quelques troubles parmi les jeunes générations notamment peu disposés à accepter sans inventaire des idées reçues. Pour plusieurs de nos lecteurs, il était indispensable de juger sur pièces. Nous publions donc le texte qui diffuse inlassablement le maître de conférence de l’université de Lyon-II, avec son titre et ses notes. » Bien sûr, la rédaction précise : « Il ne pouvait être question de le faire sans contrepartie. Aussi avons-nous demandé à deux éminent spécialistes de l’histoire de la déportation de mettre les choses au point : M Georges Wellers, maître de recherches honoraire au CNRS (…) et Mme Olaga Wermer-Migot [qui] a soutenu une thèse et publié un ouvrage sur les camps de concentration qui font autorité. ».
Paroles d’un « maître de conférence » contre paroles d’un « maître de recherche » ou d’une thésarde, et le tour est joué : le petit procureur des Lettres modernes est consacré historien iconoclaste par le grand quotidien du soir. D’où cette mise en regard tronquée : « cinq minute pour les Juifs, cinq minutes pour Hitler », comme le disait Jean-Luc Godard à propos de la démocratie médiatique.
Ça y est, le vers solitaire Faurisson est dans le fruit, et ses chiens-loups négationnistes dans la bergerie. De fait, quelques rares idiots utiles de l’utra-gauche se laissent berner par aveuglement bordiguiste, avant de se rétracter pour la plupart, à l’exception de Pierre Guillaume, libraire-éditeur de la Vieille Taupe et son comparse Serge Thion, sociologue anticolonialiste émargeant à l’université Paris-8. Reste un cas à part, le transfuge du PCF converti à l’islam rigoriste Roger Garaudy qui a hélas popularisé la fausse révélation négationniste dans le Moyen-Orient. Pour le reste, les faurissoniens se recrutent en leur immense majorité dans toutes les branches de l’extrême-droite : suprématiste, catho intégriste, païenne, skin oï, identitaire, etc. Et si, une génération plus tard, l’ex-parrain de SOS racisme Dieudonné et l’ancien boxeur stalinien Soral le promeuvent en sous-main, ce n’est pas au nom d’un quelconque « islamo-gauchisme », mais comme les nouveaux poissons pilotes des eaux troubles de la fachosphère.
En guise d’épilogue, notons que Faurisson, entame sa carrière de négationniste officiel par la publication en 1980 à la Vieille Taupe, aussitôt traduit en anglais, d’un nouveau scandale para-littéraire : Le Journal d’Anne Frank est-il authentique ? Pauvre petit traité de graphologie amateur, conjugué à une contestation de l’emplacement de « l’annexe » où se cachait la gamine.
Ici, on voit comment les deux obsessions convergent : dénoncer telle supercherie littéraire ou telle duperie historique. Et cela en usant d’une méthodologie similaire : comme on doit soupçonner une vérité cachée derrière les leurres ambivalents d’un poème, on doit déchirer le voile mensonger du «génocide» et remonter aux intentions secrètes du peuple juif, censé avoir usé de ce leurre victimaire pour créer et consolider l’État d’Israël. Il aura donc suffi à Faurisson de considérer les faits historiques comme de pures fictions pour remettre en branle ses vieux réflexes d’inquisiteur lettré. Partir en quête d’un secret inavouable, supposer un démiurge à cette œuvre au noir (le complot «judéo-sioniste») et inventer de toute pièce une lecture rétrospectivement auto-satisfaisante… réfutant d’un tour de passe-passe sophistique la solution finale mise en œuvre par la machine d’extermination nazie.
Difficile de ne pas ajouter à cette modeste antidote aux balivernes de l’imposteur Faurisson, une drôle de coïncidence qui m’est arrivé en 2011 et que j’ai consigné dans mon livre Souviens-moi.
Le hasard fait que j’ai retrouvé depuis un enregistrement dudit colloque, dont j’ai extrait l’altercation mentionnée ci-dessus.
colloque Celine Beaubourg-2fevrier2011-QuestionFaurisson
Et comme les réminiscences s’attisent l’une l’autre, il me revient aussi qu’en mai 1980, alors que, jeune lycéen perturbateur, je participais à la grêve sur le campus de Jussieu – (à moins que ce ne soit en novembre-décembre 1986 lors du mouvement contre la loi Devaquet, impossible de trancher sur la date) j’ai surpris un certain Pierre Guillaume (qui s’est en tout cas prétendu tel) et deux trois complices (dont le plus âgé était peut-être Faurisson, mais comment aurais-je pu le savoir), en train de tracter leur prose négationniste devant l’entrée de la fac. Leur ayant demandé d’aller « fourguer ces saloperies ailleurs », avec l’aide active de quelques éléments incontrôlés (comme on appelait alors les autonomes & libertaires), de jeunes syndicalistes de l’UNEF, alertés par l’esclandre, ont fait barrage et offert leur protection non pas amicale, mais de principe, au nom de la liberté d’expression. Vieux débat qui fut tranché à mains nus, sans coups portés, mais par la fuite de ces imposteurs militants et ennemis mortels de tout esprit critique.
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17 octobre 2018
[Images arrêtées & idées fixes —
Huit clichés raccords
avec leur temps mort.]
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10 octobre 2018
[Souviens-moi, et cætera —
De ne pas oublier… la suite.]
Et voilà que ça continue, quatre ans et demi après la sortie de Souviens-moi, d’autres lacunes fragmentaires qui me reviennent en mémoire, alors autant mettre en partage ces pièces manquantes quelque part, là où tout a commencé, sur ce pense-bête, non pour préméditer un tome 2, juste pour laisser ce chantier à ciel ouvert…
De ne pas oublier que plus de trente ans après la catastrophe de Tchernobyl, les gros mammifères (élans, cerfs, sangliers, loups) ont proliféré, donnant à cette zone d’exclusion radioactive, un faux air de réserve naturelle, même si, à y regarder de plus près, outre la raréfaction des hirondelles au printemps, décimées par les effets du césium 137, on observe que les toiles d’araignées d’ordinaire tissées selon la distribution homogène de leurs fils de soie suivent désormais une trame décalée, irrégulière, incomplète, comme dans les expositions d’Art Brut ces dessins reproduisant à l’infini un certain désordre psychique.
De ne pas oublier que j’ai attendu plusieurs décennies avant de me pencher sur le sens du mot procrastination qui m’avait toujours fait penser, selon une intuition homophonique, au bruit d’une mâchoire mastiquant une crevette non décortiquée.
De ne pas oublier que, posé sur la chaudière trônant au milieu de la cuisine, le petit tonneau en céramique où gisait une mer de vinaigre m’a inspiré depuis la nuit des temps de mon enfance un effroi mêlé de fascination face à ce semblant de méduse sanguinolente flottant en surface, sitôt le bouchon ôté, spectacle qui par association de hantises s’apparentait à mes yeux au reliquat d’une fausse couche maintenue là, au secret.
De ne pas oublier que lors d’un voyage familial au Mexique, l’ingestion d’un tacos renfermant des huîtres déjà mortes sous une sauce suspecte m’avait valu huit jours de tourista carabinée et allégé de quelques kilos au retour de ce périple archéologique d’une toilette l’autre.
De ne pas oublier qu’écrire ça revient à interrompre son propre flux de conscience pour mieux en imiter le cours détourné.
De ne pas oublier que lors du même séjour familial à Mexico, nous avions été contraints de suivre toutes les étapes d’un pèlerinage politico-muséal, devant telle fresque de Diego de Rivera, puis tel tableau de Frida Kahlo, puis face à la maison rouge de Trotski , ce fameux exilé bolchevique assassiné d’un lâche coup de piolet par un ignoble agent double missionné par l’odieux despote Staline, etc., alors que partout sur les murs je voyais fleurir des affiches ou des slogans majuscules vantant les mérites d’un Partido Revolucionario Institucional qui semble-t-il monopolisait ici le pouvoir depuis des décennies, d’où cette question posé à notre guide suprême, alias mon père, si fier d’avoir été dissident trotskiste au début des années 40 : « Ben dis, papa, ça a l’air super-chiant ta révolution permanente ? »
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5 octobre 2018
[Images arrêtées & idées fixes —
Ni fleurs ni couronnes…
se préparer à l’automne.]
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28 septembre 2018
[Souviens-moi, et cætera —
De ne pas oublier… la suite.]
Et voilà que ça m’a repris quatre ans et demi après la sortie du livre, quelques oublis marquants remontés à la surface, des Souviens-moi qui manquaient à l’appel, par-ci par-là. Alors pourquoi les laisser en friche, déshérence ou lévitation ? autant les mettre en partage quelque part, là où tout a commencé, sur ce pense-bête, non pour préméditer un deuxième volume, juste pour laisser le chantier ouvert, sans chercher à savoir, comme au premier jour, ce qu’il en adviendra…
De ne pas oublier le sale garnement, sinon le petit merdeux que j’ai dû être à bien y repenser quarante ans plus tard : moi, au sortir du collège, avisant une rombière en manteau de fourrure, dans la rame d’un métro bondé, et l’approchant pour demander d’une voix de fausset « Votre truc c’est du synthétique ou du vrai poil d’animal », tout en sortant de ma poche un zippo dont la mollette crissait sous mes doigts, prêt à enflammer sa peau de bête, ou pas.
De ne pas oublier cette fillette métis perchée sur un tabouret qui, pieds ballants face à l’objectif du photographe, ne peut s’empêcher de se mordre les lèvres, d’ébaucher un sourire ou une moue de travers, puis de chercher sa maman des yeux, la bouche bée ou carrément boudeuse, toutes poses interdites selon les normes d’une carte d’identité, comme la dame du guichet d’État-Civil leur en a déjà fait la remarque au vue d’une série de portraits délivrés par la flasheuse automatique du Monoprix à côté, fillette impossible à figer sur place donc, et pourtant si, in extremis, maintenant que, assis sur le même siège, je me tiens bien droit et du premier coup conforme au cadre légal, et deux minutes plus tard une gueule de repris de justice validant dix ans de liberté supplémentaire sur mon prochain passeport.
De ne pas oublier que le tire-comédon, outil familier de mon adolescence acnéique, doté d’un nom rare qui faisait penser à quelque animal exotique ou de pure invention, m’a permis d’extraire préventivement un tas de points noirs, mais donné à saisir aussi, par analogie du concret et du poétique, une phrase à mes yeux fétiche de Paul Valéry : « Ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau. »
De ne pas oublier le reportage de Paris-Match lu chez ma grand-mère deux mois après l’élection de Mitterrand, ces double-pages consacrées à l’empalement mortel du fils de Romy Schneider sur les grilles d’une propriété cossue à Saint-Germain-en-Laye, chez la famille de son beau-père je crois, et combien cela m’a marqué de façon indélébile, sous le poids endeuillé des mots, le choc granuleux des photos, tandis que la fraternité ressentie envers le petit Didier, Denis, non c’est plutôt David je crois, ce martyr de quatre ans mon cadet, nourrie par la terreur rétrospective d’avoir échappé au même sort lors des diverses escapades nocturnes, finirait par supplanter dans ma mémoire l’abolition de la peine capitale et la mise au rencart de la guillotine à l’issue des vacances de l’été 1981.
De ne pas oublier que, à deux-trois semaines des oraux du bac français, celui qui m’avait prêté main forte en décryptant les signes de la dégénérescence bureaucratique dans le poème Les Assis de Rimbaud, un père dont les conseils éclairés m’ouvraient des horizons tout en m’encombrant de sa lourdeur doctorale, ce foutu géniteur omniscient deviendrait un jour l’archétype du vieillard goitreux, ventru, claudiquant la tête basse d’une chaise à l’autre, cloîtré entre les murs de livres de sa retraite clochardisée, avait tout les symptômes de l’assis perpétuel décrit par ses soins un quart de siècle auparavant.
De ne pas oublier que je n’ai pas encore trouvé la force – mais s’agit-il d’une force ou d’un point faible à respecter ? n’importe – disons le courage glaçant ou l’insouciance réflexe d’effacer sur mon téléphone portable les numéros de certains de mes proches trop tôt décédés : Laurent Massenat, François Keen, Adrien Tronquart ou Solveig Anspach.
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27 août 2018
[Images arrêtées & idées fixes —
Quelques photogrammes
dénichés loin de Paname.]
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21 juin 2018
[Tiens ils ont (encore) repeint !, la suite –.
ce n’est qu’un (d)ébat, continuons les abus.]
Dans Tiens ils ont encore repeint ! 50 ans d’aphorismes urbains, avec l’ami graphiste Philippe Bretelle, on a voulu donner à voir la continuité mutante et hybride des écritures sauvages nées lors de mai 68, mais aussi faire la nique aux embaumeurs commémoratifs de ce printemps-là. Car ce sont souvent les mêmes qui magnifient les graffitis contestataires de la fin des sixties, et qui prennent des airs scandalisés sitôt que des bombages ou des tags, ces indignes « dégradations », apparaissent dans leur centre-ville gentrifié, aux abords d’une ZAD ou dans une fac occupée ici et maintenant. Ces anciens jeunes repentis, à moins qu’ils ne soient d’emblée nés vieux, ont la mémoire sélective et horreur des troubles poétiques, existentiels, transgenres ou subversifs d’aujourd’hui. C’est des conflits du temps présent qu’ils cherchent à faire table rase, en abolissant toutes traces de discordance active dans l’immédiate actualité. Si ce livre a eu un mérite, c’est de leur saloper la bienséance nostalgique, en redonnant la parole à tous les « amateurs du désordre ».
Cette collecte m’a tenu en haleine une dizaine d’années durant, et si j’ai cru qu’avec sa publication l’obsédante glane murale tirait à sa fin, c’est raté. Tant que les inscriptions fleurirons dans la rue, j’aurais du mal à faire l’impasse. Alors, comme le printemps 2018 m’a donné de nouvelles matières, j’ai pris des photos ou noté sur mes carnets d’autre bribes textuelles. Et autant partager ces trouvailles dans un nouveau volume en ligne… à télécharger gracieusement ici en pdf.
Quelques extraits icono et typographiques…
sens dessus dessous.
L’OISIVETÉ C NOTR PROJET
Paris XIII, fac de Tolbiac, 11 avril 18
Plus de libido
Moins de lacrymo
Paris VI, rue de la Sorbonne, fac, 12 avril 18
UNE DRÔLE DE
FAÇON DE
LA MAIN…
Notre-Dame-des-Landes, bombage
sur caravane détruite, 12 avril 18
Et si vous pouviez
tuer le temps
sans blesser
l’éternité ?
Paris XIII, Le Lavomatik, pochoir, mi-avril 18
SAVE
OUR
SISTERS
Inde, Kathua, après viol d’une fillette, pinceau, mi-avril 18
J’ARRIVAIS PAS A DORMIR
Millau (près de), rouleau, mi-avril 18
LA NUDITÉ EST
UN VILAIN
DÉFAUT…
Pessac, fac Bordeaux-Montaigne, pochoir, mi-avril 18
mais qui selectionne
ceux qui selectionnent
ceux qui sont selectionnés ?
Paris XIII, bd Blanqui, bombage, 19 avril 18
merci d’exister
Paris III, passage du Pont aux Biches, pinceau, 19 avril 18
sous mes seins la grenade…
Paris XX, rue Clavel, bombage, 27 avril 18
BOUFFE À CHIER
VIE DE MERDE
Paris XIII, bd de l’Hôpital, bombage,
sur McDo saccagé, 1er mai 18
Ta mer
elle a
la cher
de poul
Arras, rue du Canon d’Or, 1er mai 18
ON TRAVAILLERA
QUAND ON SERA MORT
Paris XIII, bd de l’Hôpital, bombage, 1er mai 18
Normal si je pleure
je coupe des oignons
Paris X, rue des Petites-Écuries, 1er mai 18
Face au travail
tout feux
tout flemme
Paris XIX, Belleville, bombage, 2 mai 18
HABEMUS
PANAME
Paris XVIII, près Sacré-Cœur, bombage, 2 mai 18
Occupons l’opinion publique
Paris V, rue d’Ulm, ENS occupé, bombage, 3 mai 18
M’en
Ballecouille
J’SUIS MAJEUR
Marseille, bombage, 3 mai 18
Crier toujours
jusqu’à la fin
du monde
Paris III, rue du Vertbois, 3 mai 18
+ de pizza
pas de patriarcat
Lyon, allée d’Italie, ENS occupée, 4 mai 18
DEMAIN
ÇA COMMENCE
AUJOURD’HUI
et tous les jours
ça recommence
Paris IV, rue Pierre au Lard, 4 mai 18
Enfermer
dehors !
Montpellier, 5 mai 18
LA VITA È TROPPO STRANA
Naples, bombage, 5 mai 18
I will not control myself
Rennes, fac Rennes-2, bombage, 6 mai 18
Remets
une couche
frère !
Marseille, Le Panier, 9 mai 18
CONTRE
L’INDIVIDU MODERNE
Albi (près de’), bombage, 9 mai 18
Brulons nos forets
pour faire du profit
Tulle, bombage, 10 mai 18
Adict
au
sex
Paris X, rue Lucien Sampaix, 10 mai 18
Rend visite
à
ta mère
Montréal, Hochelaga, bombage, 12 mai 18
Detruire , dit-elle
Paris X, rue de Lancry, 12 mai 18
CE TAG
SERA
LÉGITIME
DANS 50 ANS
Nanterre, fac, bombage, mi-mai 18
YOU NEVER
LISTEN TO
ME
Sarajevo, mi-mai 18
VA TE
FAIRE INTÉGRER
TOI-MÊME
MELENCHON LE PLUS CON
DES FRANÇAIS PRO-BOLIVAR
Saint-Denis, fac Paris-8, bombage, mi-mai 18
je t’aime dans tous mes états
Paris X, rue des Récollets, mi-mai 18
J’haïs les hommes !
[moi aussi]
Montréal, Hochelaga, bombage, mi-mai 18
PA D’PROJET
QUE DES
PROJECTILES
Paris V, place de la Sorbonne, mi-mai 18
je suis
un platane
Paris XI, bd Jules Ferry, blanco sur platane, mi-mai 18
on est les
erreurs de
votre usine
à cerveaux
Marseille, près fac Saint-Charles, bombage, 16 mai 18
crois en toi
[qui peut t’en n’empêcher]
Paris III, passage du Pont aux Biches, bombage, 19 mai 18
God is Alive
He lives inside my
GameBoyColor
Paris IV, rue du Renard, papier collé, 19 mai 18
Vous ditent
que se sont des
nuissances mais
c’est le bruit de
notre libertée
Cheix-en-Retz, 20 mai 18
LA VIDA ES
TOMBOLA
Paris III, rue Quincampoix, 20 mai 18
OUI
au
“NI”
Sète, bombage, 20 mai 18
Ils font pousser les barbelés
cultivons les tenailles
Clavière (Hautes-Alpes), bombage, 22 mai 18
J’en ai laissées des plumes
A t’aimer pendant des Plombes
Marseille 2, montée St Esprit, « Artusa », 22 mai 18
certains sont
des esclaves
d’autres
pic-niquent
Paris IX, rue de Bellefond, pochoir, 24 mai 18
Un écureuil
ça trompe
énormémeuil !
Lyon, Croix-Rousse, 25 mai 18
J’AIME
BIEN LA VIE
ÇA REMPLIT
MES JOURNÉES
Paris XIII, rue Esquirol, bombage, 28 mai 18
Rêve pas,
Vole de tes ailes
Paris III, rue de Bretagne, pochoir, 30 mai 18
ou est
mon fils
Paris XVIII, rue de Chartres, 1er juin 18
#balance ta banque
Paris XI, bd Beaumarchais, bombage, 2 juin 18
TOUT LE MONDE
ADORE LA
MIÈVRERIE
PSEUDO-SUBVERSIV.
Bordeaux, rue Planterose, bombage, 5 juin 18
ôte tes
peurs
lèche mon
aisselle
Toulouse, 5 juin 18
LE RÉALISME
C’EST RÊVER
Paris X, rue René Boulanger, 6 juin 18
élève tes
mots, pas
ta voix
Nantes, bombage, 7 juin 18
“JE SUIS 4127eme
SUR LISTE D’ATTENTE
ET TOI?”
Paris XI, av. de la République,
lycée Voltaire, pochoir, 7 juin 18
MON EMPLOI
DU TEMPS
EST MON SEUL
EMPLOI
Lyon, Croix-Rousse, bombage, 9 juin 18
LA PERLE EST
L’AUTOBIO [graphie] DE
L’HUITRE
Nantes, bombage, 15 juin 18
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8 juin 2018
[Sous-ensembles flous (4) –
Enfer climatisé et grève du cœur.]
Sachant qu’en France ils sont 66% à avoir dans leur entourage au moins un proche frappé par la misère et 34% à s’être déjà trouvés dans une situation d’extrême précarité, les discours sur la pauvreté ont-ils mesuré toute la différence entre ceux qui dépendent de l’auxiliaire être ou avoir ?
***
Plus il y a de CO2 émis à l’air libre plus il y a de trous dans l’atmosphère respirable, et plus la couche d’ozone se fait miter plus ça se réchauffe en surface sur la croûte terrestre, jusque-là rien que de très naturel comme catastrophe annoncée, plus le ciel est obturé plus ça tombe sous le sens que les rayons solaires vont nous griller tout crus, sans filtre, et que la banquise va se fondre dans les profondeurs aquatiques et que ça fera remonter les eaux de quelques millimètres par an autour de la mappemonde, et que cette marée haute d’origine plus du tout lunaire, elle va pas aider les pauvres du Bangladesh à rester au sec, ni empêcher les désert, sous l’effet de la canicule, de gagner du terrain en d’autres coins du globe et en des temps pas si lointains, bref, moins y’aura d’atmosphère sans CO2, plus y’aura de zones inhabitables sur notre mère la Terre, et c’est à partir de là que ça devient irrespirable comme raisonnement, parce que plus y’aura partout des conditions de non-vie caniculaires plus on aurait besoin de clim pour rester à demeure dans son hémisphère, aux USA c’est déjà ventilé à plus de 90%, mais pour les deux tiers de l’humanité, ça va devenir urgent de faire pareil, pour préserver des espaces vitales, même parmi les clapiers de la banlieue mondialisée, en Chine ou au Nigéria, chez l’épicier du coin ou le méga-mole péri-urbain, et chacun chez soi dans sa bulle automobile, et d’ici la fin du siècle ça sera le cas presque partout, à 70% équipés sur la terre entière, sauf que l’air de rien ça rajoutera 23 milliards de tonnes de CO2 dans les nuées, soit presque moitié plus que nos émissions actuelles, et là c’est au-delà de ce qu’on peut à peine penser imaginable comme raisonnement, plus il fait chaud en ville plus y’a de clim à domicile, et plus ça demande d’énergie fossile plus ça intoxique la biosphère, ouais, plus on branche la clim plus l’odieux CO2 nous pompe l’air, et plus ça se réchauffe sous la voûte céleste plus faut qu’on génère du froid, pire ça fout la zone au-dessus de nos têtes, et plus ça dégénère le climat plus ça creuse notre tombe ici-bas, bref plus on rafraîchit l’air ambiant plus y’a de trou entre nous et l’au-delà, et plus on se creuse les méninges avec cette foutue usine à gaz moins on voit le bout du tunnel, vu que plus il fera chaud plus faudra rajouter du froid, chaud froid, chaud froid, et caetera et caetera.
***
Etant donné que 20% des automobilistes avouent s’être déjà endormis au volant de leur voiture et que 80 % des messages publicitaires sont ressenties comme « sources d’ennui », sinon d’assoupissement profond, ne seriez-vous pas tenté, à première lecture, d’en tirer certaines conclusions hâtives ?
***
Une fois attesté que 20% des arrêts cardiaques recensés sur la voie public à Paris ont lieu dans une des cinq gares de la Capitale et que 2% des pannes et retards de trains sont dus à des mouvement sociaux, pensez-vous qu’il vaudrait mieux ne plus s’émouvoir en commun ou entamer une grève du cœur illimitée ?
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