24 mai 2018
[Images arrêtées & idées fixes —
Tout baigne… la mer monte.]
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Parmi d’autres textes courts en chantier, il y a ce petit opuscule : Pseudo-Dico, idiot & logique, qui s’épaissit petit à petit, sans régularité ni finalité figées d’avance.
Dans sa «pseudo-intro», j’ai essayé de revenir sur le «Comment du pourquoi » de ce projet qui hésite entre le goût du fautif et la faute de goût.
« […] Seul défi minimal, commenter chaque mot par association d’idées, esprit de conflagration, étymologie intuitive, amalgame accidentel, contresens inopiné, déduction analogique, méprise significative, sinon par défaut mineur ou faute d’étourderie. Et surtout, lâcher la bride, perdre contrôle, laisser sortir les bouts d’énoncé à l’oreille, faire confiance aux courts-circuits intérieurs, aux paradoxes venus d’ailleurs. Projet impur et simple, trivial et mégalo. D’où son sous-titre – idiot & logique – qui me revient de loin, l’éternel adolescent jamais lassé de singer les sapiences de l’homo academicus, avec force grimaces et effets de manches. […]
Mon principe de base: mettre en relief des hiatus poétiques. J’ai dû croiser cette drôle d’intuition entre 15 et 16 ans, à force de dévorer du Nietzsche en n’y comprenant qu’une ligne sur trois, puis en laissant décanter ma lecture d’alors. Et j’y suis encore fidèle, à ma façon bâtarde. Une fois détrôné le surmoi littéraire, tout redevient permis: métaphores bancales, alexandrins boiteux, citation détournée, faux amis volontaires, coq-à-l’âne ou amalgame abusifs. Ça passe ou ça lasse, peu importe.
Bien sûr, j’aurais pu faire le tri au départ, chasser la blague facile, neutraliser le calembour dérisoire, ne garder que le meilleur du début à la fin. Mais quand on vide son sac de vocabulaire, il vous passe de drôles de couacs par les méninges, et c’est souvent d’assez mauvais goût, entre autres foutaises et débilités. J’aurais pu me cacher derrière mon petit doigt d’auteur, mais l’idiotie a sa logique implacable.»
ASCÈSE : faim de non-recevoir.
BUREAUCRATE : inspecteur des travaux infinis (y compris en ex-URSS ou chez Google & co).
CIRRHOSE : il était un foie.
DÉMIURGE: drone narratif.
EUTHANASIE : rien ne sert d’agonir, il faut périr à point.
GRIVOIS : sexplicitement parlant.
HUMAIN : made in ici-bas.
INSURRECTION : éternel retour à l’anormal.
LECTEUR (-TRICE) : évadé(e) de l’intérieur parti(e) se captiver ailleurs.
MÉCÉNAT : générosité défiscalisée (voir Dollar pour l’art & Retour sur divertissement).
NARRATOLOGIE : règlements du conte (voir Propp & Trope).
ORGASME : illusion cosmique.
PENDU : jeu devinatoire pour d’innocents enfants en mal de potence.
RÉSILIENCE : à quelques gloses malheur est bon.
STIMULACRE : carotte en forme de bâton.
TRANSGENRE : X Y Zen.
VIS-À-VIS : ouverture sur l’autre huis.
ZÈBRE : premier code-barre à l’état naturel (voir Design & Biométrie).
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Ceux qui brandissent l’éternel chiffon rouge du « désordre » contre les « agitateurs professionnels » de Tolbiac à Notre-Dame-de-Landes — ces prétendus aliens surgis de nulle part pour engorger « nos » amphis et « nos » campagnes —, ont leur propre zone (d’intérêt) à défendre, selon deux principes de base : la privatisation des espaces communs et leur soumission aux lois du Marché. Si tel écosystème ne peut être bituminé pour produire du flux de voyageurs et de kérosène, il ne faudrait pas que quiconque y cultive une autre façon de vivre, par l’entraide et le partage, bref tente d’échapper à l’impasse productiviste. De même, si telle fac ne veut pas se soumettre au tri algorithmique des bacheliers par bassin d’employabilité, il ne faudrait pas qu’en ces lieux académiques s’expérimente un usage critique des savoirs, sinon qu’on y ébauche par la palabre collective et son dissensus fécond une remise en cause radicale du dogme concurrentiel.
D’où le recours immédiat à une armada répressive, dont le monopole légitime de la violence est aujourd’hui d’une disproportion flagrante. Mais outre ce déséquilibre des forces en présence, sans cesse dénié sinon inversé par la propagande médiatique, ce qui frappe lors des confrontations de ces derniers jours sur la ZAD — au-delà des blessures et mutilations jamais comptabilisées officiellement concernant les manifestants —, c’est l’obstination des 2500 flics et gendarmes mobilisés à casser des cabanes, piétiner des semis, détruire les architectures précaires ayant fleuri sur place.
Faire table rase, mettre à bas des charpentes, démolir des chapiteaux, c’est le bras armé du régime qui, en reprenant provisoirement le dessus, montre sa vraie nature, nihiliste. Plutôt rien que ces habitats hors-la-loi. Remettre du vide à la place du moindre recyclage alternatif. Concasser les preuves matérielles de la créativité sociale en cours, tout en jurant n’avoir à faire qu’à une bande de casseurs extra-territoriaux, sinon extra-terrestres.
Ça rappelle bien sûr la révoltante destruction, sous d’odieux prétextes humanitaires, des lieux de vie qu’avaient érigés ensemble les migrants et leurs soutiens à Calais. Il fallait détruire leur « jungle », qui constituait pourtant l’amorce d’une réappropriation solidaire de leur dignité, pour les renvoyer dans l’invisibilité de la survie au cas par cas. En ces temps bêtement commémoratifs, on se souviendra qu’au cœur de Paris, au tout début des seventies, les dirigeants d’alors avaient préféré détruire les Halles qu’y laisser proliférer un début de ZAD contestataire.
Et dans un autre genre, selon la même logique, à Villeneuve-La-Garenne.
Quant à la Commune Libre de Tolbiac, les zombi(e)s qui la peuplent de jour comme de nuit y découvrent les plaisirs du passage à l’acte verbal. Et contrairement aux grincheux et bigleux qui ne veulent voir dans ces murs reprenant la parole que des dégradations, l’expression de ces discordes sèment une Zizanie À Développer.
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Contrairement aux apparences, 33% des femmes ont simulé l’orgasme lors de leur dernière relation hétérosexuelle, du moins est-ce ainsi qu’elles revoient les choses à tête reposée et confient la feinte extase qu’il leur a alors fallu mettre en branle, plaisir contrefait mais dont on ne saura jamais si leurs partenaires en ont été dupes, ni dans quelle proportion, faute d’avoir pris la peine de retourner la question auprès de cet amant d’un soir ou ce conjoint d’une vie, lors des mêmes ébats, pour sonder dans leurs pupilles dilatées et leurs cœurs battants, combien se sont sentis bernés par les fausses semblances de ces femmes âgées de 18 à 69 ans, et s’il y en a eu ne serait-ce qu’un sur cent à se l’avouer, un non-dupe du plaisir unilatéral pris au vol malgré tout, d’un Nirvana atteint en solitaire, tandis qu’en face c’était bidonné par une femme sur trois, ce qui ne signifie pas automatiquement que, parmi les deux tiers du panel restant, toutes ont joui chaque fois à l’unisson, mais on n’a pas cherché non plus à relativiser leurs réponses – un petit peu, mieux que rien, à la presque folie –, de peur des complications trop humaines qui s’ensuivraient, puisqu’en matière de sondage, l’extase c’est in ou out, yes or no, black ou white, pas de nuancier des humeurs, à question fermée réponse binaire, pourtant on aurait envie de savoir qu’est-ce qui pousse 33% des femmes à afficher un plaisir factice pendant l’étreinte, à en imiter la montée en puissance, singer sa pente douce puis raide, surjouer l’irrésistible crescendo, le font-elles par habitude, par ruse, par pitié, par devoir ?, se sentent-elles captives du rituel désincarné d’un amour usé jusqu’à la corde ? cèdent-elles au reliquat d’une complaisance attendrie ? s’offrent-elles en spectacle avec l’énergie d’un désespoir inavouable ? ou, pire encore, sous la contrainte d’un mâle dominant prêt à tout pour maintenir l’illusion de son sex-appeal ? sans négliger la part maudite du viol conjugal, mais tous ces cas de figure féminine, les sondeurs s’en contrefoutent, ils ont compté les brebis égarées du troupeau, celles qui font mine de jouir alors que c’est pour de faux, une bande de simulatrices, et là s’arrête leur enquête moutonnière, sans aller voir ce qui se passe de l’autre côté, chez les 100% de mecs en rut qui, eux, sont censés n’avoir rien à cacher, puisque par essence même leur plaisir tient du réflexe pavlovien, jet de semence à tous les coups, alors comment s’étonner que les échantillonneurs d’opinion n’y voient qu’un rapport comptable…
Et pourtant, ne leur en déplaise, l’amour par définition même ça se feint à deux, émulation spéculation, ça se plaît à complaire, ça se devance, anticipe, surenchérit l’un l’autre, bien au-delà de ce qui se joue ici-bas, simulation stimulation, on pressent que ça va aller de pair, dupe-moi encore et encore, plus c’est fictif plus c’est à vif, caresse-moi d’illusoires promesses, prends ta vessie pour ma lanterne, plus tu me feins mieux j’arrive à mes fins, déréalise-toi à mesure que je prenne feu, trompe-moi l’œil jusqu’au bouquet d’artifice, fais-toi croitre ce que tu veux, ma peau est firmament, ta langue torrent qui ravine, même s’il n’y a pas de rapport au sens propre, maintenant tout est figuré, deux oasis à leur yeux miroités, image mirage, tu ne me prendras que si tu lâches prise, sors de ton corps et entre en confusion, libido vertigo, donne-moi le change que je redouble la mise, paroles en l’air, inversion des gravités, oh hisse-toi jusqu’à ma chute libre, coup de bluff et strip-poker, toi et moi nous n’avons jamais fait que feindre, simili-mumures au pied du mur en attendant l’illusion cosmique, mais comment quantifier ce rapport, pauvres sondeurs de nos consciences, parce qu’au bout du compte à rebours, ça ne se mesure pas en taux de satisfaction, ça se joue à cache-cache, au comble d’un artifice mutuel, et ça manque si souvent sa cible, ça n’arrive peut-être qu’une fois sur mille dans le mille, coïtalement parlant, au diapason des mêmes leurres, pile ensemble à ce qu’il semble, feints prêts à la puissance deux, mais justement c’est fait pour ça l’amour, pour faire mentir les statistiques, l’exception qui ne confirme aucune règle, une contre-façon d’inventer un semblant de rapport humain.
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La publication de Tiens ils ont encore repeint ! 50 ans d’aphorismes urbains devait, entre autres, faire contre-point aux Pompes funèbres commémoratives du Printemps 68 mis sous cloche comme un astre mort ou entre deux parenthèses vite refermées. Dans ce bouquin, on voulait donner à voir la continuité mutante et hybride de l’expression la plus flagrante de ce mois de mai-là : les écritures sauvages sur la voie publique qui n’ont cessé de faire des petits jusqu’au plus immédiat aujourd’hui. Cette collecte m’a tenu en haleine une dizaine d’années durant, j’ai cru qu’avec sa parution ma collecte obsédante tirait à sa fin, sauf que non. Tant que les murs prendront la parole, j’aurais du mal à faire l’impasse. Alors, comme depuis cet hiver, j’ai pris en photo ou noté sur mes carnets d’autre bribes textuelles, autant entamer un nouveau volume en ligne… à télécharger gracieusement en pdf ici même.
Quelques extraits en images et lettrages… sens dessus dessous.
Je me régale
De toi
Montréal, Hochelaga, bombage, 24 octobre 17
CHÔMAGE
FAMILLE
SELFIE
Clermont-Ferrand, bombage, 29 octobre 17
DO-RÉ-MI-FA
SOL (ITUDE)
Paris III, rue du Vertbois, 6 novembre 17
J’emmerde Pôle
Emploi moi je veux
Etre pilote de pyrogue
Angers, bombage, 20 novembre 17
Tirez pas sur les
papillons
putain
Quimper, pochoir, 2 décembre 17
ses cils
quelle
miss
terre
Paris VII, près Champ-de-Mars, 2 décembre 17
BOLOSS TON BOSS
Lyon, bombage, 8 décembre 17
ON A K
SANG FOUTRE
Nantes, vers place du Commerce, bombage, 13 décembre 17
un jour
d’école par
jour
Lyon 6, rue Montgolfier, 24 décembre 17
je ne sais pas taguer
Paris V, rue Mouffetard, bombage, 25 décembre 17
Un chien à poil n’en a
pas l’air
Paris V, rue du Père Teilhard de Chardin, bombage, 2 janvier 18
L’amour n’est
que du sucre
avec de
l’eau…
Paris XI, rue Godefroy Cavaignac, blanco, 12 janvier 18
La seule façon
de s’en sortir
c’est de plonger dedans
Lyon, Croix-Rousse, pochoir, 1er février 18
Monogamy
is Dead
Rome, bombage, 5 février 18
PAS DE
MI-RAGE
Brest, bombage, 5 février 18
L’INACTIVITÉ ÇA PREND
UN TEMPS DE MALADE
Grenoble, bombage, 7 février 18
L’ÉCOLE NOUS
REND MALADES
Paris XX, av. Gambetta, craie sur école primaire, mi-février
Je t’aime encore plus qu’a 22h30
Paris XIII, Poterne des Peupliers, bombage, 21 février 18
TROUVE
TON
CALME
Marseille, 22 février 18
On
n’en peut
pub !
Rennes, pinceau sur panneau pub, « Rap », 24 février 18
Dinosaurs
are cool
Californie, Berkeley, Valley Life Sciences Building,
toilettes, 24 février 18
LA VÉRITIÉ EST AU
CORPS À CORPS
Marseille, bombage sur trottoir, 26 février 18
trust your struggle
Californie, Sacramento, peinture, 2 mars 18
ELECROCUTION
OFFERTE
ICI
Paris XI, rue Chanzy, armoire EDF, 2 mars 18
Le Perturbations
sont la RÈGLE
Marseille, bombage, 3 mars 18
JE CROQUE
TES FESSES
Paris III, rue Saint-Martin, 4 mars 18
Le système nous tape sur le système !
Marseille, 6 mars 18
Learn
To
Fuck
Paris III, rue Beaubourg, 6 mars 18
Tu me
Manques
Lyon, Croix-Rousse, craie, 8 mars 18
Les salaires
Bande de fumiers !
Paris XII, bd Soult, 10 mars 18
GARDEZ VOTRE VILLE PROPRE
MANGEZ DU PIGEON
Paris X, cour des Petites Écuries, bombage, mi-mars 18
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Parmi les migraineux des deux sexes, dans 60% des cas, ça se passe à leur insu, ils ont beau héberger ce syndrome entêtant nuit et jour, ça ne leur ait jamais venu à l’esprit de le faire diagnostiquer, et pour cause, ça occupe leurs méninges en toute discrétion, à bas bruit, telle la rumeur maritime logée au cœur d’un coquillage, et cette présence parasite leur est si naturelle qu’elle a fini par passer inaperçu, moins vibrante que des acouphènes, juste un fond de céphalée presque imperceptible, un très vague pointillé de douleur qui fait partie de leur flux de conscience, si bien que soixante personnes atteintes sur cent ignorent tout de cet insidieux mal de crâne, comme des canards qui, après avoir été décapités, n’en poursuivent pas moins leur course folle.
***
En dépit des nécessités du sommeil réparateur et du bon sens des aiguilles d’une montre, il arrive à 15% des collégiens d’Ile-de-France de textoter au milieu de la nuit, et parmi ces SMS envoyés à quelque camarade, on distingue deux questions récurrentes – Tu dors ? ou T la ? – et en cas de réponse : Presque ou Ta gueule ou Y’a koi ?
***
Ils ont beau avoir disparu du territoire français dans les années 30, puis ressurgi six décennies plus tard à la frontière franco-suisse et augmenté leur population de 23% au cours des deux dernières années, on ne saurait suivre à la trace leurs déplacements sur les pentes enneigés des Alpes, chacun empruntant pas à pas l’empreinte du congénère précédent, si bien qu’à l’œil nu, en hiver, leur multitude en migration n’en fait jamais qu’un, un indivisible individu, et pourtant ils ne sont pas moins de six ou sept par meute en moyenne à mettre une patte devant l’autre et, selon une ruse inspirée de la file indienne, à épouser la trajectoire de leurs semblables et revenir indénombrablement au même : un seul loup pour l’homme.
***
Pour des motifs d’ordre financier, combien de gens se sont sentis toisés de haut par leur supérieur, obligés d’assumer le lendemain qui déchante, empêchés de penser à autre chose, combien de gens, taraudés par cet argent qui manque, ont rationné leur espérance de vivre, ont remis l’essentiel aux calendes, ont suspendu un enfant en cours, combien se sont enfermés dans un cercle vicieux, aigris sur pieds, privés d’un luxe hasardeux par nécessité, combien de personnes sur cent, faute de liquidités immédiates, se sont bornés à, contentés de, voués à ne plus, soumis d’avance, combien ont tiré un trait sur, mis en berne leur, sacrifié tel ou tel, refoulé à jamais, combien se sont éloignés d’un centre-ville, endettés en nature et culture, vengés d’eux-mêmes sur eux-mêmes, combien ont perdu l’appétit des autres, failli attenter à leurs jours, puis abandonné l’idée in extremis, puis différé, puis renoncé, puis différé, puis renoncé, pour des motifs d’ordre financier, en tout cas, il en est 23% qui déclarent avoir différé un traitement ou renoncé à des soins.
***
Depuis la nuit des temps, chez les homo sapiens, on dénombre quatorze fois plus de déjà morts que d’encore vivants, soit près de 100 milliards d’êtres humains à avoir été ; et seulement 7% à faire perdurer la lignée.
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LE SAMEDI 11 MARS 1978, Claude François meurt d’électrocution dans sa salle de bain en milieu d’après-midi. La nouvelle est vite annoncée sur les ondes, provoquant un attroupement de fans inconsolables devant son domicile, 42 boulevard Exelmans. A l’écart de la foule en pleurs, quatre jeunes rockeurs, qui ont eu vite fait de rappliquer en bagnole pour se repaître du spectacle, lancent à la cantonade quelques sarcasmes, malséants à souhait. Décidément, l’idolâtrie ambiante les met en joie, à tel point que des agents de police, diligentés dans les parages pour contenir l’émotion populaire débordant sur la chaussée, enjoignent le quatuor de blousons noirs de déguerpir illico. Les voilà repartis vers la Bastoche et ses environs, leur terrain d’aventure depuis qu’ils sont gosses. Cette petite virée dans les beaux quartiers mérite quelques consolations sur le zinc et leur donne l’occasion d’afficher un mépris débonnaire pour ce « crevard du showbiz » à la voix nasillarde. On est tout juste la veille de premier tour des élections législatives, et comme le « programme commun » des socialo-communistes menace le parlement d’un raz-de-marée, ça fout la frousse aux bourgeois, raison de plus pour se sentir à la fête et improviser une brève de comptoir, parmi tant d’autres : « Claude François a volté ! » Sitôt dit, sitôt promis d’aller le faire savoir, à la bombe aérosol sur les murs avant de rentrer chez eux. Dont acte aux alentours de la mairie du XIIe arrondis-sement. En majuscules noires sur quelques façades en pierres
de taille.
L’anecdote m’a été rapportée récemment, par un des quatre loustics de l’époque, aujourd’hui bien propre sur lui, avec sa plaque de kiné ayant pignon sur rue, mais pas peu fier d’avoir commis un tel forfait scriptural. A ceci près, m’avoue-t-il, que le surlendemain, en page intérieure de Libération, après les gloses électorales sur le demi-échec de la gauche, figurait ce pied de nez nécrologique : Claude François : a volté.
ET QUARANTE ANS PLUS TARD, toujours la même interrogation sur ce point : le titreur de Libé a-t-il eu, à deux jours près, le même idée que ces soiffards satiriques ? Ou bien est-il tombé, entre-temps, de visu sur ce slogan graffité en sortant de chez lui ? Éternelle dilemme, faut-il privilégier la piste des hasardeuses confluences de l’inventivité, ou traquer partout une source première qui serait l’objet d’emprunts successifs ? Faute de pouvoir trancher, autant laisser en friche cette zone de non-droit d’auteur.
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