16 avril 2018
[Sous les bottes du nihilisme d’État
l’herbe folle de la ZAD repoussera.]

Ceux qui brandissent l’éternel chiffon rouge du « désordre » contre les « agitateurs professionnels » de Tolbiac à Notre-Dame-de-Landes — ces prétendus aliens surgis de nulle part pour engorger « nos » amphis et « nos » campagnes —, ont leur propre zone (d’intérêt) à défendre, selon deux principes de base : la privatisation des espaces communs et leur soumission aux lois du Marché. Si tel écosystème ne peut être bituminé pour produire du flux de voyageurs et de kérosène, il ne faudrait pas que quiconque y cultive une autre façon de vivre, par l’entraide et le partage, bref tente d’échapper à l’impasse productiviste. De même, si telle fac ne veut pas se soumettre au tri algorithmique des bacheliers par bassin d’employabilité, il ne faudrait pas qu’en ces lieux académiques s’expérimente un usage critique des savoirs, sinon qu’on y ébauche par la palabre collective et son dissensus fécond une remise en cause radicale du dogme concurrentiel.
D’où le recours immédiat à une armada répressive, dont le monopole légitime de la violence est aujourd’hui d’une disproportion flagrante. Mais outre ce déséquilibre des forces en présence, sans cesse dénié sinon inversé par la propagande médiatique, ce qui frappe lors des confrontations de ces derniers jours sur la ZAD — au-delà des blessures et mutilations jamais comptabilisées officiellement concernant les manifestants —, c’est l’obstination des 2500 flics et gendarmes mobilisés à casser des cabanes, piétiner des semis, détruire les architectures précaires ayant fleuri sur place.
Faire table rase, mettre à bas des charpentes, démolir des chapiteaux, c’est le bras armé du régime qui, en reprenant provisoirement le dessus, montre sa vraie nature, nihiliste. Plutôt rien que ces habitats hors-la-loi. Remettre du vide à la place du moindre recyclage alternatif. Concasser les preuves matérielles de la créativité sociale en cours, tout en jurant n’avoir à faire qu’à une bande de casseurs extra-territoriaux, sinon extra-terrestres.
Ça rappelle bien sûr la révoltante destruction, sous d’odieux prétextes humanitaires, des lieux de vie qu’avaient érigés ensemble les migrants et leurs soutiens à Calais. Il fallait détruire leur « jungle », qui constituait pourtant l’amorce d’une réappropriation solidaire de leur dignité, pour les renvoyer dans l’invisibilité de la survie au cas par cas. En ces temps bêtement commémoratifs, on se souviendra qu’au cœur de Paris, au tout début des seventies, les dirigeants d’alors avaient préféré détruire les Halles qu’y laisser proliférer un début de ZAD contestataire.

Et dans un autre genre, selon la même logique, à Villeneuve-La-Garenne.

Quant à la Commune Libre de Tolbiac, les zombi(e)s qui la peuplent de jour comme de nuit y découvrent les plaisirs du passage à l’acte verbal. Et contrairement aux grincheux et bigleux qui ne veulent voir dans ces murs reprenant la parole que des dégradations, l’expression de ces discordes sèment une Zizanie À Développer.

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