29 avril 2013
[Texticules & icôneries —
Mais où donc avais-je la tête?]
Legs-vitrine, corps & âmes.
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De ne pas oublier qu’en cette matinée du 14 juillet, place de la Bastille, une fois tapé mon code secret sur le clavier de l’automate bancaire, puis validé le retrait de plusieurs fois vingt euros, la machine ne m’a rien délivré du tout, sauf un ticket m’annonçant un solde débiteur de 1789 euros, oui, un découvert d’un montant comment dire, mnémotechnique, maintenant que je sortais des brumes ensommeillées d’une sieste commémorative.
De ne pas oublier cette comédienne qui, suite à un accident de vélo, est littéralement tombée sur la tête, puis dans un coma profond, et a dû pour retrouver l’usage réflexe de sa langue maternelle prendre en note d’anciennes expressions lui traversant l’esprit, on ne sait par quel détour, dont celles-ci parmi les toutes premières : Poser un lapin et Toucher au but.
De ne pas oublier que, le jour où mon fils, du haut de ses treize ans, m’a congédié sur le seuil de sa chambre d’un désinvolte «Salut les gens!», j’ai rajeuni d’un seul coup et vieilli d’autant, ravi de pouvoir partager son terrain de jeu verbal et aussitôt renvoyé hors champ à ma ringardise crasse.
De ne pas oublier qu’il y a soixante ans en France métropolitaine une femme allumant une cigarette dans la rue ou offrant aux regards mâles ses cheveux lâchés sans un carré de soie, un chignon tiré à quatre épingles, des double tresses sinon à la rigueur une queue de cheval, passait, comme sur les trottoirs d’Alger aujourd’hui, pour une fille de petite vertu, de mauvaise vie, de rien.
De ne pas oublier, ce lecteur d’une vingtaine d’années qui, lors d’une séance de dédicace, me confia que le centre de désintoxication lui avait accordé une permission de sortie exceptionnelle, en attendant que sa cure lui permette de choisir entre deux passions irréconciliables : l’envie de boire ou l’envie d’écrire.
De ne pas oublier la recette du pain perdu – tranches bien rassis à tremper dans un bol de lait où l’on aura battu un œuf, le tout mis à frire dans une poêle puis saupoudré de sucre –, cet art d’accommoder les restes, en l’occurrence ceux de ma défunte grand-mère.
De ne pas oublier que, croyant être le premier à user du mot «hontologie» pour moquer le sophisme culpabilisateur visant les «profiteurs de l’assistanat», j’étais loin de me douter que ce néologisme avait déjà fait l’objet, au début des années 70, d’une glose interminable par Jacques Lacan qui, lui, rajoutait un «h» à ontologie pour conceptualiser un «être-pour-la-mort».
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«Des façades d’églises et de liquor stores qui s’étendent à l’infini, des carcasses de poulets qui pourrissent dans la chaleur d’une nuit d’été, et selon Time magazine “plus de fils barbelés et d’immeubles abandonnés qu’au Kosovo”. Lieu de rencontre, entre le nord et le sud, où vit une population de 650.000 personnes, constituée majoritairement d’une classe ouvrière noire-américaine prise dans les contradictions de ces deux régions. Une “cité du désespoir”, où le “pauvre blanc” et le “pauvre noir” se disputent les “mêmes logements de béton gris,/ les mêmes boulots gris / pour lesquels ils sont tous deux venus dans le nord”, comme le dit le poème de Phil Levine sur cette ville ouvrière sur le déclin. Rue après rue des rangées de maisons comme des boîtes, toutes avec ces typiques marches de marbre blanc appelées des perrons, tout cela transpirant tellement la claustrophobie et l’oppression que B. Traven dans The Cottonpickers prête à la maison de Baltimore les mêmes qualités qu’au taudis mexicain. Remplies de ce type de logements, les avenues serpentent pour se transformer en rues de plus en plus petites et de plus en plus étroites, avant de finir par se perdre dans des allées aussi labyrinthiques que des terriers de lapins. Comme un reptile enroulé sur lui-même, ce quartier pauvre encercle – avant de déboucher sur – un quartier d’affaires éteint. On y trouve des rues comme Park Avenue, l’ancien Chinatown de Baltimore, maintenant délabré et plein de bars miteux, de salons de beauté, de soupes populaires, de centres d’hébergements et de magasins de discount. De l’autre côté du vieux centre se trouve l’Arrière-Port, un groupement de restaurants chics et de boutiques de luxe étalés au coeur du vieux front de mer. L’Arrière-Port est vraiment un monde à part du reste de la ville, une cour de récréation criarde, une fantaisie hors de prix que bien peu de gens des quartiers pauvres peuvent se permettre de fréquenter. (…)
État de la Santé publique, taux de criminalité et autres statistiques sociales sont la preuve de l’inégalité croissante et de la chute brutale du niveau de vie. Il y a encore peu de temps, Baltimore comptait un nombre d’homicides par habitant trois fois supérieur à celui de la ville de New York, et un taux d’homicides annuel aussi élevé que celui du Canada entier. Pendant des années, le taux d’admission aux urgences pour overdose de Baltimore était le plus fort du pays, conséquence de la présence estimée de 50.000 consommateurs de drogues dures. Dans les quartiers pauvres, cancers, alcoolisme, malaises cardiaques, sida sont endémiques. Avec une telle concentration de causes de mort prématurées dans le ghetto, il n’est pas surprenant d’apprendre, selon une récente étude de Santé publique, que l’espérance de vie pour un homme noir des quartier défavorisés de Baltimore n’atteint que 63 ans : la même que celle des indiens et des boliviens. Comme le firent remarquer les chercheurs, lorsqu’on replace ces chiffres dans le contexte du pays entier, cela équivaut à trouver des “parcelles de Sierra Leone au milieu du Japon”.
Avec presque un habitant sur dix consommateur de drogues dures, il n’est pas surprenant qu’à Baltimore une industrie répondant à la demande incessante de drogue prospère. Malgré cela, dans les cercles officiels, personne ne reconnaît publiquement l’influence de cette industrie sur l’économie de la ville dans sa globalité. Car pour les élites de Baltimore, reconnaître que la “dope”, sous une forme ou une autre, est un facteur clef de l’économie locale serait un aveux de défaite discréditant entièrement leur “guerre à la drogue”. Au lieu de ça, tout comme le toxicomane refusant d’admettre l’importance de sa dépendance, le sujet est minimisé, dissimulé, ou bien relégué à des actes d’une toute petite minorité. La police et les politiciens annoncent de nouvelles mesures de répression, toutes vouées à l’échec, comme les précédentes. Pendant ce temps, grâce à ce marché fleurissant, les rues de Baltimore sont presque aussi sauvages et incontrôlables que la campagne afghane.
Pour comprendre l’évolution du marché actuel, forme de capitalisme “sauvage” et parallèle, il faut revenir en arrière. Dans les années 40 et 50, la présence de l’héroïne à Baltimore était très discrète. Dans les années 70, au réveil des émeutes, elle explosa. Pour certains, ce phénomène fut la conséquence d’une politique délibérée de l’Etat consistant à abreuver les quartier noirs d’héroïne bon marché pour calmer le ghetto. Mais on pourrait aussi défendre la théorie inverse : ce seraient les défaites et les espoirs brisés du mouvement Black Power des années 60 qui auraient ouvert la voie à cette inflation de la consommation. Dans tous les cas, et quelle qu’en soit la raison, les rues furent bientôt inondées de dope.
Au début des années 80, le statu quo des cartels locaux qui régnait depuis les années 60 s’effondra avec l’intensification de la répression policière, laissant un vide vite remplacé par une nouvelle génération de dealers, plus jeunes et plus impitoyables encore que leurs aînés.
Comme dans les autres villes américaines, le crack envahit peu après les ghettos de Baltimore, désintégrant les réseaux de distribution d’héroïne ; une force terrible, irrésistible, écrasant tout sur son passage. Sa place dominante dans l’économie de la drogue est autant liée à ses caractéristiques chimiques qu’aux astucieuses techniques de marketing des dealers. Cela est visible lorsqu’on compare les effets du crack et ceux de l’héroïne. Selon sa pureté, l’héroïne est prise une ou deux fois par jour, et permet au consommateur de tenir pendant vingt-quatre heures. Comparativement, il ne faut que quinze minutes après une dose de crack pour ressentir un manque intense. Dans ces conditions, la demande explose inévitablement, faisant du crack le produit parfait.
L’arrivée de cette drogue dans les rues de la ville eut des effets dévastateurs sur la vie quotidienne des quartiers pauvres. Parce que le crack n’agit que pendant très peu de temps, il faut voler des centaines de dollars pour s’approvisionner. C’est l’entourage direct qui est victime de ces vols : famille, amis, voisins. Ainsi, le crack détruisit des liens déjà fragilisés dans ces quartiers, laissant flotter dans les rues une atmosphère de suspicion et de méfiance.
Le crack agit aussi sur d’autres problèmes sociaux, comme par exemple le nombre de sans-abri. Celui-ci subit une forte augmentation, en grande partie à cause de la diminution de logements bon marché disponibles (grâce à une réduction de 80% du budget du logement publique durant les années Reagan). Mais la drogue fut également responsable de cette hausse, les travailleurs se retrouvant au chômage et les revenus s’évaporant rapidement dans la fumée d’une pipe à crack.
À cette époque comme maintenant, sortis du ghetto très peu de gens prêtaient attention à ces problèmes. La situation différait peu de ce qu’écrivait Nelson Algren dans le milieu des années 50 à propos des habitants des taudis : “Ils habitaient un monde visible de tous, dans les rues de la ville, mais les gens qui ne vivaient pas dans ce monde disaient : Ça n’existe pas, ils ne sont pas là, nous savons qu’ils ne sont pas là, et s’ils sont là ça n’a pas d’importance, parce que nous sommes ici et nous ne vivons pas dans ce genre de monde”… il n’y a aucun moyen de convaincre, ou même de faire prendre ne serait-ce qu’un peu conscience à la classe moyenne américaine qu’il y a des gens qui n’ont pas d’alternative…Ce n’est pas admis. Le monde du toxicomane n’existe pas. Le monde du criminel n’existe pas…”. Renforçant cette invisibilité des décennies plus tard, les articles de journaux, les discours des politiciens, les sermons des pasteurs dépeignent régulièrement le trafic de drogue comme l’activité d’une toute petite minorité déviante. Et les solutions ? Une simple histoire de nettoyage des “quelques poches d’activités criminelles”, comme par exemple ces marchés de la drogue à ciel ouvert qui prolifèrent maintenant dans la ville.
Petit à petit, l’économie de la drogue s’implanta solidement dans l’économie ordinaire de Baltimore. Un grand nombre de gens bénéficièrent indiscutablement, directement ou indirectement, de la distribution, de la vente et de la consommation de drogue. Les mères tournaient la tête quand leurs fils au chômage revenaient à la maison les mains pleines de billets. Les grands-mères touchant l’aide sociale laissaient leurs petits-fils utiliser leur appartement comme “planque”. La drogue devenait un moyen satisfaisant de compléter les chèques des services sociaux et de gagner de l’argent avec des boulots à temps partiels au salaire minimum. De cette façon, elle complétait le marché du travail officiel en offrant des débouchés aux chômeurs de longue durée et aux personnes incapables de travailler. Durant toute cette période, par exemple, les statistique gouvernementales ont montré une baisse de la présence des hommes noirs des quartiers pauvres sur le marché du travail, ceux impliqués dans l’économie de la drogue n’apparaissant pas dans les chiffres officiels de l’emploi. Comme quelqu’un le fit remarquer alors, pour ces quartiers vivant à l’heure de la post-prospérité, l’économie de la drogue était la seule forme de capitalisme qui semblait encore fonctionner.
Mais en réalité, tout cela n’était qu’une illusion. L’économie de la drogue ne “marchait” que pour une toute petite minorité. Comme toute entreprise capitaliste, il y avait là aussi des gagnants et des perdants – et les perdants étaient de loin bien plus nombreux. En bas de la hiérarchie, les petits revendeurs, parfois accros eux aussi, travaillant seize heures d’affilées dans la rue, par tous les temps, juste pour une dose journalière de drogue, essuyant l’essentiel des arrestations et des violences infligées par la police et les réseaux rivaux de dealers. Et plus bas encore, les toxicomanes, une marée montante s’engouffrant chaque jour dans les rues à la recherche de leur “fix”.»
«Yves;
Sorry for the late reply. I have not watched The Wire enough to formulate an impression. The couple episodes I saw didn’t have an impact on me, I guess because having seen so much of what The Wire addressed first hand, my impression of the show was a bit like, ”so what’s the fuss about? That is ordinary life in Baltimore”. However, I decided a few weeks ago I should give the show a second chance and I plan to start seeing the episodes on DVD.
Nearly all of the people from Street Voice and shelter days are dead now. The last person. Tracker Horse, «The Darkman», who wrote several of the pieces in the book, died two years ago, of AIDs and heart failure. Another moved to Philadelphia where he became very active in the ACT UP branch and prison issues there. So hundreds of people I knew from that era, a little over a decade ago, have just disappeared, many due to AIDS and overdoses, many more due to premature heart attacks, shot in drug deals, knifed in senseless arguments, or by kidney and liver failure brought on by years of drug use and living on the street. All were younger than 50 years old. Some may be in jail (one robbed several banks and has many years prison sentence from what I later heard second hand)
Of course, others may have moved out of the city or, like one man, recovered from drugs and who became a preacher or made some other radical break with the past where I would no longer run into them. But most I suspect have died from one of the reasons I list above. Their places have been taken on the street corners by anonymous others, whom I don’t know, and their lives are equally bad or worse than the men I knew. The cycle continues here – and no one ever speaks about the dead.
Curtis.»
« Ce message s’adresse à mes frères pris dans le cercle vicieux des boulots par intérim, plus connus sous le nom de réservoirs de main-d’œuvre. Ces agences proposent une embauche ou un salaire à la journée. L’idée de gagner de l’argent à la journée, si vous êtes assez chanceux pour avoir des missions, est séduisante pour nous, frères de galère. On peut utiliser l’argent pour des déplacements afin d’essayer de trouver un boulot stable. Ce but très recherché devient bientôt impossible à obtenir parce que la réalité s’installe brusquement. On est pris au piège.
Quel est le sens de ce paragraphe ?
Voici ce que la plupart d’entre-nous se dit: “Pourquoi prendre une journée pour chercher un boulot que je ne décrocherai probablement pas et sacrifier une journée de salaire que j’aurais pu gagner?”. Vous retournez à l’agence. On est alors pris dans une situation sans fin, sans espoir, de boulots où les intérimaires sont moins payés que les employés permanents. On travaille plus dur, plus longtemps et souvent mieux et plus efficacement qu’eux. J’ai fait des missions où les superviseurs disaient aux employés permanents “Relax! Ne vous étalez pas dans cette crasse et cette graisse. C’est pour ça qu’on les engage.” Qu’est-ce qu’il faut si ça ce n’est pas de l’esclavage moderne.
Entre avant et maintenant, on peut pas dire que ça a beaucoup changé. On se tue toujours la santé avec des petits boulots qui ne mènent à rien. Écoutez ça. J’étais embauché par une agence appelée “Tous intérimaires”. Ça aurait dû s’appeler “Tous pigeons, bouffons et esclaves”. J’ai bossé pendant 15 jours au salaire minimum. Un jour je tapais la discute avec un plombier qui m’a demandé, “alors petit, ça te plaît d’être aussi bien payé?”. J’ai répondu: “De quoi tu parles?”. En fait on était censé être payé au barème syndical puisque c’était un contrat fédéral1. Finalement après qu’on ait fait un scandale on nous a payé la différence rétroactivement. Ça devrait vous donner une idée des temps dans lesquels on vit!
Il est temps de se réveiller et de prendre conscience de ce qui se passe autour de nous parce que nous dormons alors que l’heure est grave. Et le dormeur ne fait que rêver. Frères et sœurs ne vous laissez plus utiliser ou exploiter. Réagissez et battez-vous.
GERALD STROKES
[street voice #56, Labor pools:
the slaves Baltimore rents]
« Quand je suis revenu du Vietnam, on pouvait trouver du boulot dans n’importe quelle usine. J’ai eu beaucoup de boulots à cette époque – j’ai travaillé dans une entreprise qui fabriquait du plastique et je l’ai quittée pour travailler ailleurs. On trouvait facilement du boulot à ce moment là. Mais maintenant, je dois aller travailler pour une agence d’intérim. Beaucoup de sociétés comme Proctor and Gamble utilisent des intérimaires. J’ai travaillé là-bas – en fait, ça a été mon dernier boulot, avant qu’ils me licencient. Ils ont licencié une centaine d’entre-nous – ils ont simplement coupé la chaîne en disant “Bon, il faudra nous rappeler – si vous ne le faites pas, votre contrat sera automatiquement résilié”. Qui pourrait se lever pour les appeler tous les jours? Quand tu appelais, la ligne était toujours occupée. Alors, j’ai laissé tombé.
Je crois que ce système économique repose sur la guerre. Quand il y avait une guerre, beaucoup d’entreprises avaient des contrats et on trouvait du boulot. De nos jours, il n’y a plus de syndicats – ils embauchent tous des intérimaires. Quand BSI nous a missionné à Proctor and Gamble, les contrats démarrent et ne durent que six mois. Après les six mois, ils se débrouillent pour vous renvoyer ou vous licencier avant que les six mois soient finis pour que vous ne puissiez pas réclamer le chômage et c’est l’entreprise qui en profite. Voilà comment ça se passe de nos jours.
Dans les années soixante-dix, on pouvait perdre un boulot à cause de la boisson et en retrouver un juste après. C’était beaucoup plus facile de retomber sur ses pieds. Aujourd’hui, tu te retrouves tout à coup sans boulot et t’es à la rue et c’est encore plus facile de se remettre au caillou ou à autre chose. Et puis le crack est arrivé. Je n’ai jamais rien pris d’aussi terrible que le crack – ça doit venir du laboratoire de Satan! Maintenant ça touche tout le monde, mais surtout la communauté noire déjà parce que nous sommes pauvres. La communauté n’a pas tellement de ressources et elles sont aspirées par la cocaïne. Si tu vas dans un quartier ouvrier, la drogue suce la communauté jusqu’au sang et ne donne jamais rien en retour.
Quand j’étais jeune, les familles étaient plus soudées, plus étendues – tu pouvais toujours aller voir ta grand-mère, tes tantes, tes oncles. Maintenant, certains d’entre eux aussi sont accros à la cocaïne. Je suis allé dans la maison d’une fille qui se shootait – je voulais qu’elle me prépare du crack. Elle est dans la salle de bain en train de chauffer le truc et elle s’est mise à piquer une crise, à tout jeter par terre… J’essaie de lui parler et voilà sa MÈRE qui arrive en se plantant une aiguille dans le cou! Sa propre mère! J’ai vu ça plus d’une fois.
On vit dans une société capitaliste et ils font tout un tas de choses parce que le but d’une société capitaliste c’est de tirer profit de la misère des autres – et ils ne s’en sont pas privés ces derniers temps! Il y a toujours des gens en haut de l’échelle qui font du profit alors qu’est-ce que ça peut leur faire que la cigarette ou la drogue tuent plein de gens?
Roderick B. [street voice #35, Hard times]
« Un endroit à moi dans une prison où je paie pour être enfermé.
J’ai vécu beaucoup d’années dans les rues de la ville. Et tout ce temps, j’ai prié pour avoir un endroit à moi. Et même une petite amie – parfois à nouveau une femme et des enfants. J’ai prié pour avoir des amis, des vrais, car ça fait très longtemps que je n’ai pas eu d’amis. La rue semble être ma pire ennemie, car quand j’y étais, je ne dormais pas et je ne mangeais pas. Et je restais toujours sur le qui-vive. Mais maintenant que j’ai un peu de sécurité, j’ai trouvé un ennemi bien plus puissant: LA SOCIÉTÉ.
Quand je suis finalement passé de l’autre côté du miroir et que j’ai cessé d’être un sans-abri, et donc qu’on s’est mis à me traiter comme un demi-humain, je me suis imaginé que tous mes problèmes seraient résolus.
Mais je ne me doutais pas que je finirais par me comparer à l’ancien reflet dans le miroir, ou que j’aurais le cran de mettre dans la balance ce que je possède maintenant et ce que je ne possédais pas alors. Que la vie est fourbe et déroutante! Mais j’ai découvert qu’en fait parfois même le bon choix pouvait être pour moi un poison mortel. J’ai souvent remercié Dieu d’être toujours sain d’esprit après tout ce que j’ai vu et traversé. Je me suis plongé dans un style de vie qui était de la pure démence. Comment ai-je pu croire que je n’en serais pas affecté?
Je déambulais chaque jour, une vraie bombe à retardement, m’apitoyant sur mon sort, avec le sentiment d’être un bon à rien et de n’avoir aucune sécurité économique. Les choses dont j’ai parlé sont les événements quotidiens et habituels que les gens normaux ont appris à considérer comme faisant partie de la vie de tous les jours. Mais quelqu’un comme moi, et ceux qui sont allés là d’où moi je suis revenu, nous sommes allés là où ces gens soi-disant normaux se battent chaque jour pour ne pas se retrouver. Des choses qui à nous,dehors, nous faisaient faire des trucs de dingues.
Mais je suis bien conscient du fait que ma peur pourrait, et va me détruire. Car n’était-ce pas d’abord la peur et la honte d’être un bon à rien qui m’ont poussé à la rue et m’y ont laissé? Car ces mêmes sentiments ne m’avaient-ils pas dit que j’étais faible et fragile et que je n’arriverais à rien dans la vie? Et à mon tour j’ai cru tout ce que je me disais.
Non, mes problèmes ne disparaîtront pas en un clin d’œil. Et ils ne s’en iront pas avec une bonne douche. Et la question de savoir où est ma place – ou trouverai-je un jour ma place? – dans la vie “normale” ? n’aura peut-être jamais de réponse. Alors, il y aura toujours une fêlure dans mon miroir pour me glisser à nouveau si jamais je me sentais fatigué de vivre ce présent. »
Un cœur reconnaissant, Freddie G. Phillips.
[street voice #39, Crack in the window]
« Planant au septième ciel
Espérant ne jamais redescendre
Des traînées blanches de poussière
Qui te suivent
Pris au piège
Parce que tu as goûté à l’appât
Ne jamais retourner dans ton décor habituel
À cause de ce destin, le tien
Tout le monde s’en moque
Parce qu’il y a de l’argent en jeu
De la cocaïne-base
Un caillou qui te défonce
Un trip marijuana
Du LSD pourrissant au plus profond de ton cerveau
Mélodrame dont tu ne te souviens plus
Quand tu as tiré en plein dans l’oreille de ce mec
Parce que le besoin de drogue était si fort
Alors ils t’ont enfermé
Le traitement dont tu as besoin
Le petit jeu qu’il faut boucler
Pour retourner dans la société
Avec toute la haine
Pour tout recommencer. »
DAVID SHELDON
[street voice #46, Life in the haze]
« Méfiez-vous de certains organismes publics qui prétendent que leur mission est de changer ou d’améliorer quelque chose ou quelqu’un. Le plus souvent, leur définition “d’améliorer” signifie nous prendre des choses que nous trouvons agréables, ou bien chercher une excuse pour se mêler d’une façon ou d’une autre de nos vies.
Un cas récent en exemple.
Au cours des dernières semaines, tous les bancs du centre commercial Lexington, entre Howard et Eutaw Streets, ont été embarqués au milieu de la nuit.
Ils n’ont pas été volés par des junkies défoncés, des mendiants, ou un gang de vendeurs des rues avec leurs charrettes. C’est-à-dire, par le type de gens qu’on accuse généralement d’être responsable de tout ce qui va “mal” dans le coin du centre ville.
Mais même si nous ne connaissons pas l’exacte identité de l’organisme coupable, (bien que nous puissions probablement supposer que l’Association Commerciale du Centre Ville y est mêlée) nous pouvons parfaitement imaginer le raisonnement qui a abouti à une telle décision. Une décision qui a été prise en privé, sans aucune consultation du soi-disant grand public, qui paraît-il était très menacé par “ce qui se passait” au centre commercial.
Et le raisonnement ressemblait probablement à ça: les bancs attiraient beaucoup trop de sans-abri et de personnes de la rue. Ces gens faisaient des choses ignobles et terribles, comme par exemple boire du vin caché dans des sacs en papier, chanter a capella (au lieu d’acheter des CDs et des walkmans), faire des rencontres, et peut-être le pire de tout: traîner pendant des heures sans dépenser d’argent dans les magasins alentours.
Mais si nous retirons les bancs, la racaille, les bons à rien s’en iront et le problème sera résolu.
Il y a juste un petit problème dans ce raisonnement.
Les bancs étaient utilisés par TOUT LE MONDE.
Des personnes âgées, des mères avec leurs enfants, des secrétaires, des étudiants, et des artistes. Et même un ventriloque, et son singe, qui débitait des grossièretés. Toutes ces différentes personnes utilisaient les bancs parce que, contrairement à ce que des groupes comme l’Association Commerciale du Centre-ville peuvent penser, les gens s’asseyent sur les bancs pour reposer leurs pieds ou observer ce qui se passe autour d’eux, et non parce qu’ils sont sans-abri, ou mendiants, ou d’une façon ou d’une autre peu recommandables. Alors, quand vous retirez les bancs vous privez TOUT LE MONDE, et pas seulement les quelques-uns que vous avez choisi de punir, du droit de s’asseoir dans un espace public.
Et ensuite? Est-ce que tous les bancs autour du bâtiment de la compagnie du gaz et de l’électricité vont disparaître pendant la nuit? (Si vous pensez que nous exagérons, essayez de trouver une fontaine où coule vraiment de l’eau en centre-ville un jour de plein été: elles ont toutes été secrètement coupées!)
Il semble que plus ils prennent de choses aux gens ordinaires, plus ils se vantent “d’améliorer” ou de “remettre à neuf” le centre de Baltimore.
Nous, à Street Voice, aimerions lancer une campagne à propos de ça, et notre slogan est très simple:
NOUS, LA RACAILLE ET LES BONS À RIEN, NOUS VOULONS RETROUVER NOS BANCS
Parce qu’aux yeux de l’organisme qui a retiré les bancs du centre commercial, toute personne qui a éprouvé le désir de s’asseoir sur l’un d’eux doit faire partie de la racaille et des bons à rien.
SI VOUS SOUHAITEZ PARTICIPER, CONTACTEZ-NOUS »
« Cher répondant;
Je suis heureux que des gens comme TOI aient accès à un journal comme STREET VOICE. Dans ta lettre, tu as fait part d’une énorme quantité de préjugés et d’opinions fondés sur de fausses informations dont tu as été nourri par la télé et les journaux.
Tu demandes pourquoi j’étais en prison. J’ai acheté un demi-litre de vodka et je l’ai mélangée avec un litre de tonic pour célébrer un nouveau boulot. Je n’avais pas bu d’alcool fort depuis un mois et j’ai avalé le demi-litre en moins d’une heure. Je l’ai bu dans le parc près de Sant Martin drive. La vodka m’a filé un tel coup que je ne savais plus où j’étais. Je suis allé au Science Building, à Hopkins, en pensant que je pourrais utiliser un téléphone pour appeler un ami qui pourrait me ramener chez moi. Les hommes de la sécurité m’ont arrêté à l’entrée d’une façon extrêmement agressive; ils ont vu que j’étais saoul et ont profité de ma vulnérabilité. Ils m’ont bousculé plusieurs fois et m’ont jeté à terre.
Je me suis réveillé en prison avec deux yeux au beurre noir, la lèvre fendue, une main en bouillie et des coupures sur le visage et sur les jambes. La police m’avait traîné sur le sol et hissé jusqu’au panier à salade le visage contre terre. J’ai été retenu en prison un mois, attendant mon procès. Les gardes m’ont accusé de les avoir frappés. Ils n’avaient aucune preuve de leurs soi-disant blessures.
Tu t’imagines que tous les gens qu’attrapent les flics sont mauvais et sont des criminels. La plupart des hommes que j’ai rencontrés en prison étaient là pour de petits délits. Un homme était accusé de viol pour avoir déboutonné le chemisier d’une fille. Un autre était accusé de voies de faits pour avoir claqué une porte sur le visage de ses voisins. Tes préjugés te diraient qu’ils mentaient, mon expérience personnelle avec les flics et les tribunaux me dit de les croire.
De façon générale, les hommes que j’ai rencontrés en prison étaient serviables, amicaux, généreux, jeunes, et noirs. La plupart d’entre eux vivaient dans différents degrés de pauvreté. Il faut payer dix pour cent de la caution à un garant pour pouvoir sortir. Les cautions sont si élevées dans le Maryland que la plupart des gens arrêtés ne peuvent même pas payer les dix pour cent.
Quand tu ne peux pas travailler pendant un mois tu perds ton boulot, ton appartement, tout ce qu’il y a dedans et le respect de ta famille et de tes amis. Ce que te font les juges et les avocats ressemble à une farce. Ils savent très bien ce que doivent affronter les hommes qui sortent de prison après un mois de détention. Beaucoup d’hommes que j’ai vu en prison, je les ai vu dans les soupes populaires et faire la queue pour des vêtements. Ils ne se sont pas retrouvés là par hasard, on les y a poussés.
Les médias t’ont appris à croire des choses qui ne sont pas vraies. Tu as des idées sur les tribunaux et sur le système que tu perdrais très vite si tu avais affaire à eux. En réalité, tu n’as pas le droit de te former une opinion sur le sujet, parce que ça n’a pas touché ta propre vie.
Si tu voyais un animal, sale, frissonnant de froid, mal nourri, enchaîné dans un coin et assis dans sa propre merde et sa propre urine, tu te dirais que c’est de ton devoir de l’aider. D’une façon ou d’une autre, on t’as appris à croire que les hommes en prison sont moins que des animaux. Selon toi, je serai un jour ou l’autre de retour en prison. Je pense que ton opinion ne vaut pas plus qu’un tas de merde.
Il est possible que quelque part dans ta tête tu devines qu’il y a une différence entre ce que tu vois, ce que tu entends, et ce qu’on te raconte. Tu dois aussi réaliser qu’il est plus prudent de rester “politiquement correct”. CE QUE LES AMÉRICAINS APPELLENT “POLITIQUEMENT CORRECT”, LE RESTE DU MONDE L’APPELLE “FASCISME”.
Quand je suis allé au tribunal, j’ai demandé un procès avec un jury; l’avocat commis d’office m’a répondu qu’il n’y avait pas de procès avec jury possible avant deux ou trois mois. Elle m’a dit de plaider coupable et de purger ma peine. Je lui ai dit que mon casier était vierge et que je ne voulais pas plaider coupable pour quelque chose que je n’avais pas fait, surtout quand c’était moi qui avais des preuves d’avoir été blessé. Elle a répondu que je ne pouvais pas prouver que je n’avais pas frappé les gardes. En réalité, je n’ai pas à le faire. C’est le plaignant qui doit apporter les preuves. Elle sait cela. Elle a dit que si je ne plaidais pas coupable, je resterais en prison deux mois de plus, mais que quand j’aurais mon procès avec le jury, l’avocat commis d’office ne ferait rien pour moi. Un vrai avocat aurait pu faire annuler l’affaire pour manque de preuves. Si le Maryland n’était pas un état complètement policier, je n’aurais pas eu à croupir un mois en prison pour rien.
Steve D.
[street voice #48
They didn’t fall in the gutter;
they were shoved there]
(STREET VOICE: Nous souhaitons toujours essayer de faire quelque chose concernant les rations de nourriture à la prison. Nous voyons trop de gens sortir de là comme des squelettes. Intéressés? Contactez-nous.)
«Ils ont trouvé un autre corps là-bas au coin
Derrière les murs abandonnés de l’usine
L’usine qui employait jadis 2000 ouvriers
L’usine qui maintenant n’emploie plus
Que des rats, des cafards, et quelques clodos
Le corps a été trouvé près d’un champs de hautes herbes
Personne ne savait qui était cet homme
Et probablement que personne ne le saurait jamais
Son crâne était défoncé et son cerveau étalé partout sur le trottoir.
Après que l’ambulance soit partie
Les petits enfants sont venus gaiement
Sautiller sur le sol au contour de craie jaune
Comme à la marelle
Et c’était de fait le seul jeu auquel ils pouvaient jouer
Maintenant qu’à cause des restrictions budgétaires on avait fermé le centre d’animations
Et que les accros au crack avaient occupé le terrain.
Cette nuit-là
La pluie est tombée
Et a lavé les dernières traces de ce pauvre inconnu qui était mort
La pluie a traîné
Toutes les ampoules de crack dans la rue
Les ampoules brillaient et étincelaient
Et on aurait dit que toutes les étoiles étaient tout à coup tombées du ciel noir dans le caniveau.
Cette nuit-là
Je n’ai pas pu dormir
Chaque nuit
Toute la nuit
Le son des balles et des sirènes
Le son, les cris, les hurlements, déchirant
Le cœur des ténèbres
Un homme de la mairie en costard-cravate
Est passé à la télé
Il a dit
Que la communauté financière était contente et prospère
Il a dit
Que la ville était fière de consacrer plusieurs millions de dollars
À la construction près du port d’une nouvelle marina
Où tous ceux qui ont déjà trop
Pourront garer leurs yachts et leurs limousines
Il a dit
Que la ville changeait enfin de visage et je me suis dit:
DE QUELLE VILLE EST-CE QU’IL PARLE?
[street voice #60, Baltimore diary – 1]
DANS LES ANNÉES 80, ON SE MIT À BEAUCOUP PARLER DE LA PAUVRETÉ ET DE LA CLOCHARDISATION.
«Mais généralement, seules deux visions étaient exprimées dans les innombrables spots télévisés, journaux, articles ou discours de chefs politiques. L’ancien Président Reagan en tête, une grande partie des gens rendait les pauvres responsables de leur situation: ce sont des bons à rien, des malades mentaux ou des gens qui vivent dans la rue par choix. De l’autre côté, les politiciens et les journalistes libéraux présentaient les sans-abri et les pauvres comme de pathétiques victimes de l’économie, mais ils les traitaient comme s’ils n’avaient pas d’intelligence et de volonté propre. Ils ont besoin de réintégration, de traitement et d’aide des services sociaux pour les aider à voir combien ils ne savent pas s’y prendre pour vivre.
Mes propres conversations avec les gens de la rue amènent à penser que c’est l’opinion publique qui ne comprend pas les réalités de la pauvreté et de la vie dans la rue, pas ceux qui la vivent. Les gens veulent croire que tout va bien dans le monde – dans le monde du travail, de la famille, des services sociaux – et que le problème c’est vous. Je vais cependant brièvement suggérer le contraire ici.
LA DEMANDE GÉNÉRALE: “TROUVE UN BOULOT!”
LE TRAVAIL À BAS SALAIRE, C’EST PAS SI CHOUETTE
La plupart du temps, quand les gens voient un SDF traîner dans la rue ils disent avec colère: “Trouve un boulot!” Même les libéraux n’arrivent pas à comprendre pourquoi les pauvres ne sautent pas de joie quand on leur offre un boulot payé au minimum dans une pizzeria ou une supérette. Il y a longtemps, le célèbre philosophe Bertrand Russell suggéra que l’éthique du travail sert les riches, pas les pauvres. Quand on gagne moins d’argent en travaillant qu’en fonctionnant “à la débrouille”, en ramassant les bouteilles ou la ferraille, en vivant aux marges de la société. POURQUOI LES GENS DEVRAIENT-ILS ÊTRE FORCES DE TRAVAILLER POUR PRESQUE RIEN sans avantages sociaux, et être reconnaissant envers des employeurs qui licencient les pauvres et les sans-abri quand ils le veulent et les traitent comme des esclaves? Pour la personne qui gagne 50 000 $ par an, “Trouve un boulot” semble assez rationnel. Pour quelqu’un appartenant à la classe moyenne, gagner de l’argent illégalement (“à la débrouille”) est aussi acceptable, mais si un sans-abri fait la manche, vit d’allocations ou partage ses biens avec ses copains, les gens sont furieux. C’est vrai: CERTAINES PERSONNES, PAUVRES ET SANS ABRI, NE VEULENT PAS TRAVAILLER POUR UN SALAIRE MISÉRABLE. Pourquoi leur reprocher de comprendre les limites de “l’éthique du travail”?
LA FAMILLE: PAS D’UN GRAND RECONFORT
Quand les gens voient une bande de SDF, ils se demandent où se trouvent leurs familles, et pourquoi les mômes des rues ne sont pas chez eux avec leurs parents. Mais la réalité, c’est que les bonnes familles aimantes que nous montrent la télévision et les journaux n’existent pas pour la plupart des pauvres et des sans-abri! Beaucoup de personnes vivant dans la rue sont physiquement, sexuellement ou psychologiquement maltraitées par leurs familles. Ou bien elles sont rejetées parce qu’elles sont pauvres ou différentes. Beaucoup de sans-abri, particulièrement les mômes des rues, me disent qu’ils préfèrent être à la rue que “chez eux”.
CENTRES D’HÉBERGEMENT ET SERVICES SOCIAUX: UN BIEN OU UN MAL?
Si les gens voient une personne à la rue, et qu’ils ne veulent pas l’envoyer directement en prison, ils se disent: “Pourquoi ne va-t-elle pas dans un centre d’hébergement?” Pourquoi n’est-elle pas suivie par une assistante sociale? Les gens ont l’air de croire que les services pour les sans-abri et pour les pauvres sont merveilleux (et que grâce à eux les gens peuvent “mener la grande vie”). En réalité, beaucoup de gens de la rue à travers tout le pays racontent que les centres d’hébergement les privent de leur dignité, de leur liberté, et de leur intimité, que bénéficier de la plupart des avantages sociaux implique une profonde intrusion dans leur vie privée et que les avantages et “l’aide” de l’État se paient bien cher. Parfois même on vous enlève votre enfant ou bien on vous colle en hôpital psychiatrique ou autre institution après que vous en ayez trop dit sur vous-même.
Même ceux qui aident les pauvres et les sans-abri n’ont souvent pas conscience de la réalité de l’Amérique des années 90. Le problème ne vient pas des sans-abri ou des pauvres et de leurs modes de vie, qu’ils soient “malades mentaux” ou non, alcooliques ou non, le problème vient de la société dans laquelle nous vivons. Plutôt que de créer d’avantage de centres d’hébergement ou de petits boulots payés au salaire minimum, c’est un changement radical qu’il faudrait dans notre pays pour vraiment résoudre les problèmes de pauvreté et de clochardisation. EN AMÉRIQUE, PEU, SINON PAS, DE POLITICIENS OU DE PUISSANTS SOUHAITENT RÉELLEMENT S’OCCUPER DE CETTE QUESTION. »
DAVE WAGNER.
[street voice #60, The Public’s Myths
About The Poor and The Homeless]
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