@ffinités

27 octobre 2012
[Choses tues (suite sans fin) —
Légendes urbaines & rumeurs à la chaîne.]

L’homme et la femme, on aura beau les déclarer à parité légale, promettre le commerce équitable des salaires et des quotas moitité-moitié, n’empêche ce n’est pas une affaire de bons sentiments, qu’on le veuille ou non, la différence biologique demeure, même sans revenir au tout début de la genèse du truc, en plein jardin d’Éden, nul besoin d’être croyant pour y croire à cette pomme de discorde. Les scientifiques, eux, situent plutôt la chose en Ethiopie, depuis la découverte des ossements de Lucy, en tout cas ça prouve que le premier hominidé c’était sûrement une femme, malgré les hypothèses bibliques où c’est d’abord Adam puis Eve, mais personne ne saura jamais qui du mâle ou de sa femelle est arrivé avant, à cause des migrations et de la dérive des continents. Enfin peu importe, c’est juste pour dire que mec versus nana, ça provient pas forcément de la même espèce au départ. Suffit de remonter l’arbre généalogique, en supposant qu’on descend du singe, eh bienn prenez le cas des chimpanzés, génétiquement parlant,  ils sont pareils que nous à 98,5%, quasi humains quoi, alors que n’importe quel couple d’homo sapiens, entre les deux sexes, celui de Monsieur et celui de Madame, y’a beaucoup moins de points communs, 5% du génotype qui s’exclue mutuellement, donc ça fait trois fois plus de dissemblance, et peut-être que c’est mieux ainsi, chacun sa partie génitale et les hormones de son genre, comme si c’était deux races voisines, mais bien séparées. D’ailleurs le cerveau masculin, côté hémisphère droit, ça taille XXL, tandis que chez les filles c’est l’inverse, mais du coup paraît qu’elles ont une sensibilité nettement plus développée, sur le plan gustatif, affectif et auditif, d’ailleurs chez les guenons aussi, tandis que de l’autre côté, ce qui est dominant c’est le calcul mental, la conquête de l’espace et le rapport de force, comme quoi ont peut toujours rêver d’abolir les signes de discrimination, sexe faible sexe fort et toutes ces histoires de patriarcat, mais entre les idéaux et la réalité d’en bas y’a un tel fossé que ça servirait à rien de le nier, ou alors c’est  contre-nature.

***

À force de voir le mal partout, on dirait qu’ils savent plus quoi inventer, les barbus, sans caricaturer tous les mahométans dans le même sac, ça fait pitié pour eux. Par exemple en Égypte, la dernière fatwa qu’ils ont lancées contre les tomates, parce qu’une fois sur deux quand on les coupe en tranche, ça forme une croix au milieu, un peu élargie sur les bords, avec de la pulpe autour, et si la croix des Coptes se cache à l’intérieur, c’est exprès pour pourrir l’islam de l’intérieur, comme le ver dans le fruit ou le tænia dans les entrailles du porc. Et au Maroc pareil, l’été dernier, y’a d’autres barbus qui ont menacé de mort les pharmaciens de Casablanca pour qu’ils enlèvent fissa les croix vertes de leurs enseigne, sinon tant pis pour eux, Allah punira un par un ces docteurs de mauvaise foi. Et chez les Emirats du pétrole, on tranche déjà la main des voleurs, mais paraît que maintenant ce sera les deux bras si on surprend quelqu’un à la piscine en train de nager la brasse ou le papillon, sous prétexte que dans l’eau ça fait des signes de croix, comme le Christ sur la mer mort. À ce train-là, s’ils se mettent à faire la loi coranique chez nous, pour pas vexer les barbus, on devra bientôt interdire les grues sur les chantiers, les épouvantails dans les champs, les antennes de télévision, les tournevis cruciformes ou les grilles de mots croisés, et pourquoi pas les ailes d’avion tant qu’à charrier avec leur charia. D’ailleurs, c’est à se demander si ça n’a pas déjà commencé, leur croisade anti-croix, avec tous ces ronds-points qu’on a construits partout dans les banlieues, depuis que Ben Laden a fait son show à la télé. Bien sûr, quand t’es dans ta bagnole, tu vois pas le rapport, n’empêche que vu du ciel, avec Google Map, chaque carrefour, on dirait un crucifix posé par terre, alors pour empêcher qu’à l’œil nu les routes se croisent trop d’équerre, ils ont mis des gros ronds en plein centre, et ça, le symbole du zéro pointé ça vient des Arabes, bien avant qu’on aille les coloniser, du temps où la géométrie n’avait pas de secret pour eux, parce qu’à l’époque, c’est eux qui ont arrondi les angles et presque résolu la quadrature du cercle, avec leur nombre transcendant, Al-Qashida, qui ressemble beaucoup au π de Pythagore, mais justement ça n’explique pas pourquoi, le 11 septembre 2001, il ont voulu dézinguer des tours jumelles comme ça, en les percutant pile à angle droit, parce que a priori ils ont rien contre les lignes parallèles, juste contre le croisement des civilisations.

Ces deux rumeurs font suite à d’autres textes courts de la même sensibilité mythomaniaque et autoréalisante, une série entamée sur ce blog depuis plus d’un an. J’en ai regroupé l’essentiel dans un petit fichier pdf. qui évoluera au gré des ajouts ultérieur. Ça aurait pu s’intituler Parano, parfois si ou bien Micro-mytho-récits.  On a tranché pour Choses tues, dont le fichier est consultable ici même.


Une fois rassemblés en volume, ces légendes urbaines et autres délires en suspension dans l’air du temps, il fallait expliquer pourquoi ce matériau verbal, fruit d’une chaîne d’oralité collective & anonyme, peut enfanter sur le Net ou ailleurs, les plus délicieuses fantasmagories comme les pires suspicions. Et comment, en partant de cette ambivalence à l’état brut, inventive & monomaniaque, on peut détourner la part du confusionnisme pour en assumer la part vivace de pure fiction. C’est l’objet de la préface intégralement reproduite ci-dessous.

Légendes urbaines :
arts de la suspicion
ou mytho-fictions ?

La rumeur, ça naît pendant les cours de récréation, dès le b-a-ba élémentaire, entre petits curieux de choses de la vie, avec des fixettes scato, des bobards salaces et des plans sur la comète. C’est pas encore des «on-dits», ni du «ouï-dire», juste que, entre potes, on dirait que t’as le super-pouvoir de lire dans mes pensées, mais si je devine que tu m’as deviné, là c’est toi qui sera mort tout de suite. Ça se conjugue à toutes les sauces – conditionnel présent, futur trop proche, subjonctif dépassé –, ça pose des hypothèses provisoires, ça change les règles en cours de route, ça n’arrête pas de mourir, de ressusciter et vice versa. Sauf qu’à force de fréquenter des fantômes, de se persuader de leur existence, ça ne berne jamais vraiment personne, pure héroïque fantaisie. Faut pas se fier aux apparences, c’est très ambivalent, les mômes ; tout ce qui leur passe par la tête, ils y croient sans y croire. Candeur désarmante et scepticisme vantard, les deux ensemble, tous prêts à gober le moindre racontar et à objecter illico que c’était pipeau. À cet âge-là, on a le baratin facile, mentir et démentir, ça va de pair. Du coup, ça n’est jamais tranché : peut-être ben que oui, peut-être ben que non, indissociablement. Vraie-fausse naïveté, ça s’appelle. Et ce mouvement de balancier, mystifiant et démystifiant, ça remonte à la nuit des temps, c’est la dialectique originelle des mythes antédiluviens. Pas de fiction, sur la terre comme au ciel, sans ce double jeu puéril, entre adhésion et distanciation. Crédulité aveugle ? Mon œil ! Nulle littérature sans histoires à dormir debout, dupe et pas dupe à la fois, et aucun plaisir de lecture sans cette duplicité précoce
La rumeur, à ce stade infantile, ça fait pousser des ailes à l’imagination, mais avec derrière la tête un ange gardien qui sert de garde-fou. Bref, un saint esprit de contradiction. Ensuite, ça mue bizarrement au bahut, un vrai bouillon de culture, en sourdine, par grappes de filles & meutes de garçons, maintenant que la puberté les a pris en traître, avec des poils qui leur poussent de partout et des mensurations en plein boum. C’est l’heure du grand transit cérébral. Et peu importe la part d’élucubration, tant que ça cause de bouche à oreille, ça fait de l’effet, frissons d’effroi et rires nerveux garantis. Chacun y met du sien pour épater le voisin, semer la panique et crever de trouille à plusieurs. Prêter sa voix aux rumeurs, c’est pas que du vent, ça aide à aborder l’inavouable, les pulsions délicates qui foutraient trop la honte si on les affichait en solo, et d’autres sujets tabous qui font mal au bide rien que d’y penser. C’est promis juré craché : ce type qu’on a vu zoner dans les parages, c’est le portrait-robot du serial killer qui passe à la télé. Ça pimente les frustrations ordinaires, ça défoule envies & phobies sur un mode bien commode, impersonnel. Et une fois balancés à la cantonade, c’est comme une patate chaude, chacun refile sa boule d’angoisse au suivant, et plus moyen de dégonfler la baudruche. Elle s’enfle toute seule, avec son lot de préjugés lambda et de peurs paniques qui circulent en boucle via le babil bistrotier, les ondes radios ou les bornes wifi. Des légendes urbaines, ça s’appelle. Les ados en ont plein la tête, suffit d’ouvrir les vannes et les guillemets : Le ver solitaire c’est pas que pur porc, même le burger halal, c’en est plein d’asticots en tranches, sans parler des mygales planqués dans la souche des yuccas, ni des singes de laboratoire qui nous ont foutu le Sida, ni des drôles de chihuahua qui mordent pire que des rats, ni des bébés caïmans qui remontent des bouches d’égout, ni des buvards à l’acide pour emballer les Malabars…
Et l’on pourra toujours dire le contraire, vu que c’est celui qui le nie qui l’est, à ce genre de sophismes, y’a rien à répliquer, juste prendre le parti d’en jouir comme on ferait de n’importe quelle œuvre d’imagination. Fariboles vite éventées, c’est la preuve vivace que chaque génération produit ses contes & fabliaux, s’invente des scénarios d’épouvante ou des lubies fictives pour échapper au train-train quotidien. Sauf qu’en ces matières divagantes, ça peut aussi très mal tourner, comme en 1969 à Orléans. Cette rumeur-là, c’est un cas d’école, qui a fait couler beaucoup d’encre, depuis l’étude de terrain de l’anthropologue Edgar Morin. Repassons en revue les étapes du processus. D’abord quelques confidences entre lycéennes, à propos d’un commerçant qui se rince l’œil pendant que les clientes  essayent des sous-vêtements en cabine, puis le même soupçon colporté au sujet de plusieurs magasins de fringues. D’un simple bruissement pubertaire, vite ébruité auprès des parents, ça devient une affaire de proxénétisme aggravé visant des boutiquiers « pas de chez nous » qui auraient « piégé » de malheureuses adolescentes à coup de «piqûres hypnotiques» avant de les envoyer faire le tapin à l’étranger. Une fois relayée dans les beaux quartiers, cette prétendue « traite des blanches » tourne au lynchage verbal, non sans agrèger en cours de route un tas de vieux stéréotypes, lestés d’antisémitisme chrétien. Et là, attention au refoulé symbolique, pas besoin d’être Jeanne d’Arc pour entendre ce qui se trame dans cette vox populi : un appel à sauver d’innocentes pucelles du bûcher des libidos israélites. Sus aux vendeurs de «mini-jupes» et aux dépravateurs enjuivés ! Ainsi la fameuse rumeur d’Orléans achève-t-elle son dernier tour de piste, en appelant, à mots couverts, au pogrom.
On est loin des bruits de chiottes, secrets d’alcôves et messes basses juvéniles du mentir-vrai. Ici, plus de canular à prendre ou à laisser, désormais, ce qui remonte en surface, ce sont des remugles haineux, des discours ciblés. Finis les plaisirs équivoques de l’élucubration entre copains de classe. Sitôt relayé dans les sphères adultes, ça s’imprègne d’autres rapports de force, ça solde de très vieux comptes, ça hausse le ton d’une seule voix dénonciatrice pour traquer partout moutons noirs et boucs émissaires. Du coup, cette rumeur-là, maintenant qu’elle se prend au sérieux, qu’elle croit dur comme fer à sa croisade, ça n’invente plus des drôles d’histoires à dormir debout, ça pousse au crime, ça prépare des nuits de cristal, ça annonce les pires cauchemars éveillés. Avec en bruit de fond, la petite bête immonde qui monte qui monte, et ses leurres idéologiques.

Dans le même ordre d’idées noires, la «grande peur» millénariste ou les chasse aux sorcières, ça ne date pas d’hier. Il en va des récentes légendes urbaines, comme des ancestrales superstitions, elles ont leur part d’enfantillages inventifs, de douces rêveries mystiques, de fantasmagories sacrées, et leur face plus obscure qui véhicule des rancœurs dégueulasses et stigmatise toujours les mêmes : métèques, handicapés, mécréants, rouquins, filles-mères, pédés, nomades, pour mieux mettre en quarantaine ces éternels pestiférés. Et pourtant, c’est pas les légendes bibliques qui sont en cause, sinon ça voudrait dire qu’on tire un trait sur le fictionnel en sa Genèse, sur les premières traditions narratives, depuis les transes chamaniques jusqu’aux récits allégoriques de l’Ancien Testament. On a beau se contrefoutre de l’existence de Dieu – et se persuader selon Zarathoustra qu’il n’a pas fait long feu –, sans le corpus des textes religieux, sans son vivier de démons & merveilles, on n’aurait jamais pu ni su ni oser entamer un roman. Hors la ressource des mythes élémentaires, on n’aurait jamais connu les faux semblants de la prose depuis Rabelais, son art du trompe l’œil permanent, son goût de la transposition mythomaniaque.
Comme quoi, «l’opium du peuple», ça a du bon, des vertus oniriques, du moment qu’on garde son libre arbitre pour empêcher l’addiction. Mais bien sûr, ce n’est pas le cas des éternels fanatiques qui suivent les commandements des Ecritures millénaire au pied de la lettre et prennent pour argent comptant chacune de leur prophétie et révélation cryptées. Au nom de leur pieuse littéralité, ceux-là font un usage univoque de la rumeur à des fins prosélytes, stigmatisantes, homicides. Mais le plus curieux, c’est qu’ils ont fait des émules chez leurs frères ennemis mécréants, ces athées impénitents qui, en quête de vérités absolues croient à d’autres légendes… conspirationnistes. D’où ça leur vient ? Disons que depuis le Big Bang du rationalisme, la nature humaine a horreur du vide – ce ciel déserté par les ruines de la métaphysique –, alors elle rebouche partout les trous noirs, comble la moindre lacune avec des jointures logiques, cherche à mettre un point final sur chaque interrogation. Insatiablement suspicieuse, elle veut que chaque événement hasardeux fasse sens, que chaque énigme en suspens trouve un semblant d’explication, son Eureka définitif. Avec cette drôle d’idée derrière la tête : réduire nos zones d’ignorance à néant. Et si l’on pouvait soudain lever tous les malentendus, épuiser nos innombrables sujets d’anxiété. Et c’est là que ça dérape, chez ces faux prophètes scientistes, à force d’éradiquer la moindre zone d’opacité, ils se méfient autant du manque que du trop-plein d’information, ils y suspectent des pièces maîtresses soustraites au puzzle de leur enquête, des faces cachées, des tromperies. Et qui dit tromperie, dit manipulateurs à démasquer, rouages fantoches, intentions occultes, préméditations inavouables. Simple désir d’y voir un peu plus clair au départ, total délire de surinterprétation à l’arrivée. Et du coup, la réalité a du souci à se faire, jamais crédible ni plausible, dès qu’on postule des complots infernaux au revers de chaque phénomène, événement, catastrophe.
L’ère du soupçon, c’est le ressort totalitaire d’une large partie des rumeurs qui désormais prolifèrent ad nauseam sur le Net, véhiculés par les cagoulards du négationnisme – qui prétendent que nul n’a jamais gazé le moindre juif en Pologne, ni envoyé un avion de ligne sur le Pentagone, ni mis les pieds sur la lune –, mais aussi par des égarés notoires de la gauche critique, qui suspectent sur tous les écrans des messages subliminaux. Et tant pis si ces derniers n’ont pas saisi que l’esprit de subversion ne devrait pas frayer avec les sous-produits de l’aigreur messianique. Ils auront beau répéter, pour s’en persuader eux-mêmes, que les paranos ont toujours raison, vu que c’est un parano qui le dit, c’est le genre de prise de tête qui se mord la queue. Un vrai suicide intellectuel, comme on en observe parfois chez les plus venimeux des scorpions.

On l’a compris, parmi les légendes urbaines qui tiennent aujourd’hui le haut du pavé ou le bas de l’écran, y’a à boire et à manger, pouffer et déglutir, y’a des sornettes de cours récré et des credos plus inquiétants, des délires sans intention de nuire et des appels à la délation. Et c’est assez malaisé de distinguer entre le bon grain (de folie douce) et l’ivraie (monomaniaque), entre l’imagination en roue libre et la désinformation sélective, mais justement, quitte à leur faire un sort, à ces rumeurs variées ou avariées, j’ai préféré les recycler en vrac, toutes dans le même sac, sans exception a priori. En me disant que c’était le seul moyen à ma portée pour leur renvoyer la pareille, à ces légendes contemporaines, dans leur état le plus primitif, en lévitation fictionnelle. Suffit de les prendre à la légère, de déboulonner leurs idées fixes, de les faire dissoner en chœur, de surenchérir à leurs dépens, de les contraindre à douter d’elles-mêmes. Et quitte à désamorcer certaines intox de la pire espèce, autant se prendre au jeu et enfumer les enfumeurs, sans préférence ni connivence particulière, en toute incrédulité.


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25 octobre 2012
[In memoriam, pour le sans-logis Florian,
mort dans la nuit du 24 au 25 septembre 2012.]

Il y a tout juste un mois, Florian, un sans-abri d’origine roumaine qui avait depuis plus d’un an élu domicile dans un recoin jouxtant le centre des Impôts de la rue Michel le Comte, est décédé d’un brutal arrêt cardiaque, à l’âge de 36 ans. Faute d’être mort en période hivernale, à l’approche des fêtes de Noël, il n’a même pas eu droit aux quelques lignes consacrées dans les médias aux drames de l’exclusion sociale.
Et pourtant comme le macabre décomptage du collectif «Les morts dans la rue» le prouve, on crève de pauvreté sur le trottoir à n’importe quelle saison. Et comme les places dans les centres d’hébergement décroissent hors l’hiver légal et que les expulsion locatives explosent, les beaux jours ne sont pas forcément ceux qu’ont croient.

Ainsi l’association suscitée recensait-elle en juin dernier 264 décès en seulement six mois écoulé. Et encore, sans que l’on puisse être jamais sûr de ne pas en avoir laissé certains dans l’oubli définitif.

Pour revenir à Florian, dont j’ai souvent aperçu le corps endormi ou en train de gratter quelques airs sur sa guitare, entre deux lampées de bières, avec lui je n’ai partagé qu’une clope par-ci par-là, avant de tomber sur l’autel de fortune que ses potes et d’autres habitants du quartier ont improvisé, avec bougies au sol et affichettes sur les murs.

Évidemment, ça n’a pas duré longtemps, ce lieu de recueillement sauvage & en plein air. Les employés de la Propreté de Paris ont eu vite fait de disperser ce vrac de presque rien au Kärcher.

À y regarder de plus près, ne reste aujourd’hui sur place que cette ligne de fuite, au scotch rouge, pour emballer les hauts & les bas des plus fragiles d’entre nous.

Et sur ce ruban d’hommage bilingue, ce conseil en l’air :
«NE PAS LAISSER TOMBER…»

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22 octobre 2012
[Texticules & icôneries
Double injonction, ton sur ton.]

Sous l’uniforme, l’uniformité.

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19 octobre 2012
[Le Paris de Céline,
une arnaque aux bons sentiments
par l’hagiographe Patrick Buisson
et le cabotin Lorànt Deutsch.]

En décembre 2011, clôturant les manifestations liées au cinquantenaire de la mort de l’auteur du Voyage au bout de la nuit, un documentaire, Paris-Céline, était diffusé sur la chaîne thématique Histoire. Quelques mois plus tôt, il y en avait eu deux autres sur le même sujet, Voyage au bout de Céline (réalisation Jean-baptiste Peretti, France 5) et Le Procès Céline (réalisation Alain Moreau et Antoine de Meaux, Arte), qui, sur fond d’images d’époque ou de reconstitution graphique, donnaient largement la parole à des universitaires & écrivains de toutes sensibilités. Cela aboutissait à un portrait plus ou moins contrasté, mais en rien monolithique. Mais avec ce troisième docu, plus de palabres contradictoires, ni d’avis discordants sur telle ou telle partie de l’œuvre, juste une hagiographie du bonhomme qui fleure bon le temps radieux de l’ORTF, avec en bruit de fond un commentaire coupant cours au moindre débat, mise en perspective nuancée, sinon polémique.
Et qui a donc pondu cette voix off idolâtre ? Un certain Patrick Buisson, maurassien précoce, admirateur de l’OAS (auquel il consacra sa maîtrise universitaire), ancien directeur de Minute, puis du Crapouillot, puis de Valeurs Actuelles, recyclé par après dans le business du conseil politique (avec son agence Publifact) auprès de Philippe de Villiers, Alain Madelin ou Nicolas Sarkozy, comme ministre de l’Intérieur puis président de la République.

Et rien que de très normal, l’auteur des deux opus ci-dessus, devenu patron de la chaîne Histoire depuis qu’elle a été rachetée par TF1, n’a eu qu’à se commander à lui-même un éloge de son écrivain préféré. En tant que producteur, réalisateur (avec un fantomatique Guillaume Laidet), mais aussi comme scribe d’un laïus officiel qui tient le crachoir pendant 66 minutes. Du coup, sûr de n’être contesté par personne, il s’est mis en tête d’adopter un style pseudo-célinien, d’en paraphraser les tics superficiels et la sa syntaxe oralisée. Pauvre trouvaille que ce «à la manière de» qui vulgarise platement le style dont on voudrait montrer le génie singulier, inimitable justement. Et pour couronner le tout, cherchant un faire-valoir audiovisuel, il a eu l’idée de faire dire son commentaire à l’écran par un certain Lorànt Deutsch, auteur du best-seller Métronome, l’histoire de France au rythme du métro parisien (aidé en sous-main par la plume mercenaire d’Emmanuel Haymann) & comédien plutôt boulevardier, mais chouchouté par les médias People. Casting parfait, l’interprète s’en donne à cœur joie, comme guide touristique revisitant les lieux-phares du Paris célinien, il n’a qu’un seul souci, prendre toute sa place de speaker dans le cadre et singer la gouaille de l’auteur, bref, lui voler la vedette, comme tous les arrivistes du cabotinage. À ce stade de médiocrité propagandiste, inutile d’en rajouter, on aimerait juste poser cette question : servir la soupe à quelqu’un qui aimait tant cracher dedans, est-ce la meilleure manière de lui rendre hommage ?

Et voilà que, miracle des produits dérivés oblige, ce documentaire, déjà promu DVD, nous revient en octobre 2012, sous la forme d’un Beau livre chez Albin Michel, avec pour auteur le même Patrick Buisson, et en gros plan sur la couverture, l’incontournable Lorànt Deutsch, prenant la pose à la fenêtre d’une chambre mansardée où le petit Louis-Ferdinand a grandi. Silhouetté au pochoir, l’écrivain n’en mène pas large et préfère montrer du doigt la tronche de sa doublure-lumière, ce comédien qui montre sa gueule in situ à une quinzaine de reprises dans le bouquin. D’ailleurs, cette imposture marketing vient de loin : dès l’avant-papier de 4 pages que le Figaro Magazine consacrait au projet, en juillet 2011, le reporter, un certain Jean-Christophe Buisson (fils de ? petit-neveu ?), en faisait des tonnes : Lorànt Deutsch si omniprésent sur les photos que Céline n’y avait plus qu’une portion congrue iconographique. Mais maintenant que c’est publié en grand format illustré, sans bande-son, on se demande ce qu’il vient faire là, ce zelig, vu qu’il n’a aucun bio-pitch à surjouer comme dans le film, plus voix au chapitre, sauf qu’il fallait bien recycler les bénéfices de ce  «produit d’appel». On se demande aussi combien il a touché de dividende pour cette figuration, même pas intelligente, comme on dit  au théâtre. Peu importe la faute de goût, du moment qu’on a du VIP bankable en haut de l’affiche.
Quant au contenu du livre, texte & image, pas de surprise, c’est fait pour cumuler les niches commerciales : les amateurs du vieux Paris, les fondus de Céline et les fans du sus-nommé Deutsch. Et comme ça veut balayer large, pas de surprise, que du déjà vu & paru dans les innombrables anthologies de la Belle Epoque parisienne ou du Montmartre bohème. Côté archives visuelle, ça pourrait meubler tel ou tel aspect de la biographie illustrée d’un tas d’autres artistes – de Mac Orlan à Jean Renoir en passant par Cendrars ou Desnos –, sans avoir besoin de changer grand-chose au décor. Chromo & sépia à tout faire. Sauf que ça en devient parfois rigolo, par accident. Ainsi doit-on se taper 4 pages sur Offenbach sous prétexte que ses Bouffes Parisiennes jouxtent le passage Choiseul, pas moins de 6 pages sur l’Exposition Universelle 1900 en dépit de la brève satire assassine dont elle fait l’objet dans Mort à crédit, 4 pages sur Méliès, pareil sur les peintres montmartrois du XIXe siècle ainsi que 2 pages en sus sur le gamin de Paris à la Poulbot. Et comme ces lieux communs touristiques occupent le terrain, ça permet de faire l’impasse sur tant de pistes inexplorées. En autres pour les 20 premières années : les bas-quartiers, déjà cosmopolites, que Céline a sillonné lorsqu’il était jeune commis, la communauté libertaire de La Ruche à Rambouillet dont il a aperçu les mômes quand il était encaserné là-bas sinon l’hôpital du Val de Grâce où il a côtoyé des mois durant les gueules cassées du patriotisme.. Mais non, on préfère nous décrire l’élève Destouches en semi-cancre livré à lui-même, alors qu’il était un fils unique choyé et bien appliqué. On préfère nous le présenter, une fois médecin en bon samaritain d’un populo peu ragoûtant, alors qu’il fut tout autant chargé de mission à la SDN et grand voyageur en complet veston. Quant à Clichy, cette banlieue «rouge» où il exerce, son penchant frondeur sinon révolutionnaire, est réduit à de la cuisine politicienne en 2 pages d’un anticommunisme latent.
Ensuite, ver la fin des années 30, on s’approche du moment-charnière, à traiter tout en délicatesse. En gros, comment noyer le poisson, alors qu’au lendemain du Front Populaire, Céline entame une carrière de pamphlétaire à plein temps, renouant ainsi avec le succès, en brossant touts les préjugés de l’époque dans le sens du poil ? Pour faire un sort à l’épineuse question de l’antisémitisme militant (et aux autres phobies qui vont de pair), il suffit au bonimenteur Patrick Buisson de quelques lignes : «des élucubrations apocalyptiques» entremêlées d’idées «anarcho-libertaires» puisque l’auteur «a viré prophète», qu’il «vaticine en virtuose de la jactance » avec «à l’affiche tous les cavaliers de l’Apocalypse : les soviets, les Juifs, les francs-maçons, les anglishes… tous faux-derches, et Cie». Ni plus ni moins, sans commentaire. Quoique si, j’allais oublier, pour notre biographe sous influence, ces appels aux meurtres xénophobes, en plein hitlérisme ascendant puis triomphant, ça lui fait l’effet d’un «tableau à la Jérôme Bosch». Aucune prise de distance, ni désolidarisation idéologique, juste une affaire d’esthétique picturale. D’ailleurs, selon le même tour de passe-passe, la bande de potes montmartrois de Céline – dont Le Vigan, Gen Paul, Ralph Soupault ou Marcel Aymé – ils ont beau être tous des antisémites notoires, expatriés ou accusés de collaboration après-guerre, c’est injustement qu’on a cherché des noises à ces joyeux lurons. Quant aux fréquentations douteuses du racialiste Montandon, ou de Darquier de Pellepoix – dont Céline a recopié les brochures pour nourrir ses pamphlets –, pas un mot. La France elle-même, sous l’Occupation, si l’on en croit les photos ici reproduites, n’a rien à se reprocher, aucune appel au STO, aucune étoile Jaune, aucune propagande vichyste, ni même un Maréchal Pétain sur une affiche. Rien qui puisse rappeler de si mauvais souvenirs. Juste des militaires allemands, posant pleine page sous la Butte Montmartre en «une virilité compacte» (sic). Et pour clore ce chapitre éhonté, l’éternelle bonne excuse des céliniens fanatisés : leur barde, logeant à l’angle de la rue Girardon aurait pu dénoncer à la Gestapo le réseau de résistance de Roger Vaillant qui tenait ses réunions dans le même immeuble, et comme il ne l’a pas fait, dont acte, il est innocenté, son honneur lavé de tout soupçon et, par la même occasion, celui de la France réconciliée avec elle-même.
Sauf que, au fil des pages de ce livre en trompe-l’œil, l’issue de la Deuxième Guerre mondiale approchant, le bouquet final approche, en avril 1944 : ça prend 4 pages dont 2 photos plein pot à propos du bombardement de la Butte Montmartre par l’aviation Alliée. Parce qu’a première vue Dresde et Hiroshima n’ont qu’à bien se tenir face à ces quelques bombinettes tombées non loin du Sacré-Cœur. Et là, on atteint un point culminant de mauvaise foi en voyant apparaître ce titre en caractère gras : «Apocalypse sur la Butte.». Tiens tiens, la revoilà, cette fameuse «Apocalypse» dont Céline vitupérait les conjurés anglo-judéo-soviéto-maçonniques, ces ennemis de l’intérieur. La preuve par l’image, face aux décombres, qu’avec ses brûlots raciste Céline n’avait pas tout a fait tort, c’est là, sous vos yeux: le cœur de Paris martyrisé. Sans un mot de travers, par un pur effet subliminal, on vient de nous faire passer en douce un des plus insidieux message du discours révisionniste : regardez, les victimes ne sont pas forcément dans le camp qu’on croit.
Du coup, en cas de réimpression prochaine, ce qui ne devrait pas tarder, on se contentera de demander à Patrick Buisson, non pas un erratum ou un mea culpa, mais un petit changement dans sa maquette, pour excuser ses trous de mémoire. Parmi les dizaines de portraits de Céline ici reproduits, en majorité archiconnus & rebattus, il n’y en a une qui manque cruellement à cet album de famille, celle qui montre l’auteur de L’Ecole des cadavres, en mai 1941, assis parmi d’autres antisémites forcenés lors d’une réunion à l’Institut des Questions Juives.
[photo empruntée à l’article Dessine-moi un collabo de lemoinebleu.blog.]

Ou, si celle-là est de trop mauvaise qualité, la même sous un autre angle.

Quant au ludion Lorant Deutsch, si rien ne l’a dérangé dans la présentation des faits par Patrick Buisson, ni la technique d’édulcoration, ni les mensonges par omission… S’il n’a pas voulu y voir la stratégie d’un Lepéniste de la première heure qui depuis plusieurs décennies œuvre à la réunification des famille de l’extrême-droite et de la droite française,  c’est qu’il cultive de longue date ses propres ambiguïtés. Lui qui s’est déclaré «monarchiste de gauche», tout en appelant à un nouveau «Concordat» au nom d’un nécessaire retour aux valeurs perdues de la chrétienté, mais le double langage de ce second rôle a déjà été analysé par d’autres mieux que moi, il suffit d’aller y voir ici et ou sur cet article hélas payant d’arrêt sur image.

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16 octobre 2012
[Texticules & icôneries
Triptyque des fausses semblantes (2).]

À corps perdus, têtes portées aux nues

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10 octobre 2012
[Abécédaire / troisième série —
Vingt-six façons de visiter pensebete.archyves.net
Chemins de traverse & issues de secours.]

A comme Aveugle (lycéen)

[Chasse aux pauvresStigmatisation & Compassion
Mon œil ! – Fraude sociale – Preuve par l’absurde...]

Rendez-vous ici même.

B comme Bref (art du)

[Textes courts – Micro-récits – Florilège –
Formes brèves – Ébauches fictionnelles…]

Rendez-vous ici même.

C comme Contradicton


[Tampon encreur – Street Art – Surimpression –
Minimalisme – Dilectique & toc – Inaperçu…]

Rendez-vous ici même.

D comme Dactylographe (singe)

[Dictionnaire des mathématiques – Doubles Jeux –
Improbabilité – Définition fictive – Hasard objectif…]

Rendez-vous ici même.

E comme Erable (printemps)

[Mouvement étudiant – Endettement obligatoire –
Hélène Frédérick – 99% – Précarité & hara-kiri…]

Rendez-vous ici ou là.

F comme Fake & plagiat

[Espaces non compris – Alter égaux – Nom d’emprunt –
Patchwork & Cie – Devenirs du roman – Décapage...]

Rendez-vous ici et.

G comme Grisélidis Réal

[Catin révolutionnaire – La Passe imaginaire – Mauvais genre –
Carnet noir – Jean-Luc Hennig – Mémoires de l’inachevé…]

Rendez-vous ici même.

H comme ortHograpHe (réforme de l’)

[Fétichisme académiqueAnna Mahé – Dictée et par cœur –
Pédagogie libertaire – Valeur d’usage – langue pas morte…]

Rendez-vous ici même.

I comme vertIcales (éditions)

[Crise de la fiction – Transgenre & indisciplinaire –
Contemporain & inactuel – Catalogue en cours…]

Rendez-vous ici même.

J comme Journal mural

[Expulsable en sursis – Insolvabilité – Résistance –
Dazibao – 1 rue de Chantilly – Bartleby is back…]

Rendez-vous ici et .

K comme Kultur, Kapital & KomuniKation

[Revue Lignes – L’édition vue du ciel – Le Seuil –
Inculturation des élites – Crise de la transmission…]

Rendez-vous ici et .

L comme Liabeuf

[L’Homme hérissé – Tueur de flics – La Guerre Sociale –
Belle Époque libertaire – bande d’Apaches – Casque d’or…]

Rendez-vous ici même.

M comme Muraux (arts)

[Exposition in situ – Pochoirs & Stencils –
Street Art – Karchër –Photos à la volée…]

Rendez-vous ici et .

N comme carabiNiers (les)

[J.-L. Godard – Titres de non-propriété – Détournement théâtral –
Tourisme & lutte armée –François Wastiaux – Valsez-Cassis Cie…]

Rendez-vous ici ou .

O comme OEil (histoire de l’)

[Trope & hypermétrope – Georges Bataille –
Visual Test – Orgasme ophtalmique…]

Rendez-vous ici même.

P comme Perdu (vs Trouvé)

[Avis de recherche – Affichettes – Pochades –
Piratage & ratage – Petites annonces…]

Rendez-vous ici même.

Q comme Quatrième de couverture

[Autocélébration – langue de bois –
Propaganda – Pitch & Blablabla…]

Rendez-vous ici même.

R comme Rue du Renard (sise 15)

[Palimpseste – Street Art officiel –
énergie informelle – Expo sauvage…]

Rendez-vous ici même.

S comme Servet (Benjamin)

[Photographe en série – Sur le vif – angle mort –
still life – animals –shoes – kids – countryside...]

Rendez-vous ici même.

T comme Tracts (biblio-)

[Mai 68 & la suite – De la main à la main –
Ronéotypique – hors syndicat & parti …]

Rendez-vous ici et .

U comme Underground (from USA)

[Black Power – Années 60 – H. Rap Brown –
Student Nonviolent Coordinating Committee…]

Rendez-vous ici même.

V comme Variétés

[Tubes à l’essai – Chansons & littérature –
Au bonheur des Dames – Porque te vas…]

Rendez-vous ici même.

W comme Work (or not to)

[Lexicomanie – Inoccupé & désemployé –
Polysémie – Pas de côté – Sieste illimitée…]

Rendez-vous ici même.

X comme eXhumer (prière d’)

[Premier romanChapelle Sainte-Rita –
Pigalle & ses paragesNuit blanche… ]

Rendez-vous ici même.

Y comme triptYque & diptYque

[Trois fois rien – Fausses semblances –
Rapports humains – Échos visuels…]

Rendez-vous ici, , ici aussi, là encore ou ailleurs.

Z comme tarZan (moi pas)

[Radiofiction – Johnny Weissmuller – Rahan –
Disparition – Chiapas – Redevenir sauvage…]

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Retour au deuxième abécédaire
[mai 2012], c’est par là.

[Après-demain – Baltard (pavillons) – Cochon (Georges) – Démission (lettres de) – Elvis (de Médicis) – Façadisme –  Gondole (tête de) – Harlan (Thomas) – Intermittents de l’emploi – Job (bon ou mauvais) – fucK (what the) – Logo – Miss France vue de dos – Nuit (voyage au bout de la) – Odéon (occupation de l’) – Pitié dangereuse – PolitiQue & poétiQue – seRial posteR – Slogans – Trenet (Didier) – Usuel & Ustensile – Van (Jules) – Water-closet – X (fils de) – hYpothèse – paparaZZi.]

Retour au premier abécédaire
[janvier 2012], c’est par ici.

[Arslan (Yüksel) – Badges – Crise (vive la) – Dico (pseudo-) – Eléphant (défense d’) –
Faurisson (Robert) – Graffiti – Hennig (Jean-Luc) – Inconduite (leçons d’) –
Jeunesse (Front de Libération) – Kibaltchitch (Alias Victor Serge) – Losfeld (Eric) –
Marinus van der Lubbe – aNormaux (impossibilité d’être) – Oublier (de ne pas) –
Pouvoir Point – hocQenghem (Guy) – Roms et Recyclage – Son (mur du) –
Téléphonique (cabine) – Umour (noir & blanc) – Voïna –
Witold (Gombrowicz) – seXisme ordinaire –
bYographie (auto-) – Zyeuter.]

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il suffit de s’inscrire en haut à droite du Pense-bête.

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8 octobre 2012
[Texticules & icôneries
Zippo go home, retour de flammes.]

Cas de conscience jamais pacifié.

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6 octobre 2012
[Souviens-moi  — (suite sans fin)]

De ne pas oublier les circonstances de cette ultime balade avec ma mère, entre Belleville et Stalingrad, quelques mois avant sa mort: nous deux, bras dessus dessous au milieu d’un cortège réclamant la régularisation massive des migrants du travail, tandis que haussant le ton parmi la foule j’avais ajouté au rituel slogan – «Des papiers pour tous!» – une suite en forme de queue de poisson : «…ou plus de papiers du tout!», qui m’avait d’abord valu une moue de légère réprobation maternelle, puis sitôt le mot d’ordre repris alentour, une lueur de complicité malicieuse dans ses yeux.

De ne pas oublier qu’en France métropolitaine 51% des fumeurs sont aussi des chômeurs et que cette double addiction au tabac et à l’oisiveté condamne ces polytoxicomanes à une sorte de «cancer antisocial» aux yeux du reste de la population, activement sevrée.

De ne pas oublier que, l’an passé, au terme d’une répétition en plein air, après avoir enchaîné chants sacrés en latin et d’autres ritournelles profanes en français, notre chorale venait d’entonner le clou de son répertoire, un réarrangement du Upside Down de Diana Ross, quand un premier ver de terre, d’au moins quinze gélatineux centimètres, ému par tant de vibratos en sous-sol, émergea de la pelouse que nous piétinions a capella, bientôt imité par un tas d’autres lombrics, semant une panique générale jusqu’à extinction des voix.

De ne pas oublier que, à mi-chemin des années 1880, Friedrich Nietzsche s’est plu à valoriser en chaque vache un esprit supérieur de rumination, tandis que, outre-Atlantique, son disciple involontaire, le marchand de savon William Wrigley, s’apprêtait à lancer sur le marché parapharmaceutique sa gomme à mâcher, doublemint ou juicyfruit, étendant les vertus bovines de digestion spéculative à l’ensemble de l’espèce humaine.

De ne pas oublier que, à peine quitté des yeux les hautes verrières de l’ancienne SAMARITAINE, en redémarrant au feu vert, j’ai commencé à déplacer mentalement les lettrages géants du grand magasin désafecté pour y découvrir l’anagramme secret qui saurait me porter chance, mais que, en longeant le Père-Lachaise, j’hésitais toujours entre plusieurs combinaisons possibles, quoique abusives ou incomplètes, dont la plupart m’étaient déjà sortis de l’esprit en arrivant devant chez moi, à Montreuil, sauf ces deux messages d’assez mauvaise augure: RITA NE S’AIME PAS ou MARIE TES HAINES.

De ne pas oublier que cet ami bolivien, aux sangs entremêlés de filiation juive et amérindienne, aurait préféré, encore adolescent, n’avoir jamais eu à serrer la main au généreux donateur de son club de football junior, un certain Klaus Altmann, mais dans ce quartier bourgeois de La Paz on préférait ignorer que l’homme d’affaires à la retraite n’était autre que Klaus Barbie, adepte jamais repenti de la torture mise au service d’une philanthropie sélective.

De ne pas oublier que, lors du spectacle de fin d’année mettant en scène des jeunes souffrant d’invalidité moteur cérébral, le comédien censé traverser le plateau à tel ou tel moment clef en brandissant divers cartons où figurerait le résumé des scènes coupées au montage n’en avait fait qu’à sa tête, ici en retard, là hors sujet, mais que sans ces faux raccords j’aurais eu bien du mal à me remémorer quoi que ce soit de la pièce.

[La série des Souviens-moi ayant fait son
chemin par extraits sur ce Pense-bête,
on en retrouvera la somme remaniée et
augmentée dans un volume à paraître
aux éditions de l’Olivier en mars 2014.]

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4 octobre 2012
[Texticules & icôneries
Détournement de détournement,
du Tag-au-Tag (première série)]

À l’état brut, le tag, ça inscrit dans le décor urbain un signe de connivence, une marque déposée subjective, sans but lucratif mais à fort capital symbolique, juste le blaze d’un inconnu qui balise clandestinement un territoire. La plupart du temps, ça passe par l’emprunt d’un verbe, d’un substantif ou d’un adjectif plutôt ordinaires qui, délestés de leur signification initiale, deviennent purs logos d’une main invisible, acronymes pirates d’une société secrète, icônes dupliqués à l’infini d’une singularité fantoche.
Depuis quelques années, j’en ai photographié pas mal de ces spécimens d’encres murales, en région parisienne. Des mots d’ordre esseulés hors contexte, dont j’ai zoomé en gros plan les lettrages. Certains verront dans ce vrac de tags la preuve d’une réification barbaresque du langage réduit à sa plus simpliste expression. D’autres y verront à l’œuvre une réappropriation sauvage du vocabulaire selon un jeu calligraphique sophistiqué. Régression vers l’insignifiance ou revalorisation du signifiant ? Ça se discute, mais peu importe. À rebours de ces jugements de valeur, j’ai longtemps eu envie de recycler ces inscriptions éphémères, de rendre leurs patronymes impropres au sens commun, d’en rassembler les bribes éparses pour écrire un semblant de quelque chose en image.
Et pour commencer, ci-dessous, trois premières phrases, de six tags chacune. Sans souci de syntaxe ni d’orthographe, puisque que ces cadavres exquis articulent aveuglément les fragments d’un inconscient collectif.

[… combien orgie pixel pour époque parano ]

[ l’impossible scoop ça-comme provoque ruine presto ]

[… rêveur déchaîné il peut peanuts contre icône …]

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1er octobre 2012
[Texticules & icôneries
Lapsus médiatique.]

Le raccourci d’une arrière-pensée.

D’autres photos, en meilleure définition,
sur les Diaporamas de cette
page-là.

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