Pour s’en rendre compte, il suffit de prêter attention aux omissions tactiques qu’impliquent la posture martiale de nos dirigeants actuels et les relents unanimistes du ventre mou médiatique. En effet, sous prétexte de deuil national, ces derniers ont veillé à faire l’impasse, couper les liens, désolidariser « nos morts » du 13 novembre de deux populations pourtant en première ligne de mire : les migrants ayant survécu à leur périple mortifère, dont certains harcelés puis expulsés de la place de la République la veille du massacre, et les civils extra-européens qui, de Tunis à Beyrouth, en passant par Aden, Khan Bani Saad, Ankara ou Suruç ont récemment subi des attentats similaires. On m’objectera que l’actualité a toujours sa priorité du moment, une montée d’adrénaline ou de chagrin après l’autre. Pourtant, dans ce cas, il me semble qu’il s’agit bien d’une omerta mûrement réfléchie – autrement dit d’un devoir de silence – qui s’est imposé sur les ondes & les écrans, et au premier chef dans les hautes sphères du pouvoir « socialiste ». Comme s’il fallait pour mieux honorer la mémoire de « nos compatriotes » assassinés, ne pas y associer des corps étrangers : qu’ils soient rescapés des naufrages en Méditerranée ou civils de l’autre rive & de ses confins orientaux pris sous le feu de la razzia conquérante de Daech. Et faire preuve ainsi d’une compassion sélective, égoïstement consolatrice certes, mais surtout aveugle à ce qu’elle véhicule en sourdine : la trahison d’un usage concrètement universel de l’égalité et de fraternité.
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