21 avril 2010
[Ni bien ni mal à propos — Troc around the corner.]

Je pose la boîte de six œufs à côté de la caisse et fouille dans ma poche pour payer. Pas grand-chose, en petite monnaie. Ali, l’épicier du coin, recompte les pièces. Manque quinze centimes : « Aucune importance, mon ami, on verra ça demain». Merde, plus rien pour acheter le pain, ça m’est sorti tout seul, en aparté mais à voix haute. Et Ali d’enchaîner, sourire aux lèvres : « Pas grave, mon ami, tu vas chez le boulanger, tu lui donnes trois œufs, et il t’échange contre une baguette. » Bref silence de mon côté, et puis, histoire de lui rendre la pareille : « D’accord, mais pour m’acheter des clopes, comment je fais ? » Et lui, sans hésiter, du tac au tac : « Tu coupes ta baguette en deux, tu me files la moitié, et moi je dis que ça vaut deux cigarettes. » Bluffé, je cherche la réplique, bof, si, ça y est, j’ai trouvé : « D’accord, mais si on fait tous comme ça, juste du troc entre nous, c’est fini le commerce, zéro argent dans la caisse, vous fermer boutique. » Ali rêvasse quelques secondes, les yeux dans le vague, avant de conclure: « Et alors ? Peut-être c’est pas plus mal. Ça ferait une bonne raison de m’arrêter. » Fin de partie, salut mutuel, rideau de fer à demi baissé. Aujourd’hui j’étais son dernier client.

Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même