19 septembre 2010
[Lectures en partage— L.-F. Céline, au-delà des équivoques.]

On pardonne au Voyage au bout de la nuit d’être génial, pour mieux rejeter le reste, selon une césure idéologique évidente. Alors pourquoi, moi, vers 18 ans, j’adorais ça en bloc, toute l’œuvre de Céline, malgré ses infamies pamphlétaires et son bluff victimaire après l’Occupation? Dilemme intérieur qui m’a coûté cinq ans de doctorat avec Henri Godard.
Pour interroger la place du politique, au-delà du pseudo-raccourci de «l’anarchiste de droite », il a fallu revenir aux sources de l’imaginaire célinien, refoulé par le trauma amnésiant de 14-18. J’ai compris que sa grille de lecture tient à un décalage (ana)chronique avec sa propre époque, hiatus qui lui permet de satiriser, ausculter, réinventer la réalité immédiate à travers la lentille déformante d’un survivant de la Belle Epoque. Et ce survivant-là endosse tour à tour, parfois presque simultanément, un argumentaire conservateur multiphobique et les fragments d’un discours libertaire. Ces deux extrêmes originels ne cessent de tanguer en lui, mais sans se rejoindre jamais. Ambivalence créatrice dont les chimères idéologiques n’ont pas le même rôle: le réactionnaire monopolise le crachoir polémique à voix tonitruante, tandis que le l’insoumis se terre à mots couverts dans l’implicite de la fiction, dans l’écart existentiel incarné par tel personnage ou dans la morale réfractaire de tel épisode romanesque.
Thèse plutôt transdisciplinaire, sous forte influence deleuzienne, qui a fini par donner naissance à un livre, au Seuil, grâce au soutien précieux de Michèle Perrot.

Ce même bouquin ressort aujourd’hui dans la collection Tel, chez Gallimard, augmenté d’une postface, et à un prix plus abordable, moins de dix euros. On en trouvera quelques extraits, ainsi que d’autres articles et iconographies de mon cru ici même.

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