19 NOVEMBRE 1991
[Journal de bord — Extraits.]

Déluge de projets & gagne-pain, tous aussi fugaces et insatisfaisants les uns que les autres. Au moins, je ne suis pas tombé dans la terrible thérapie par le travail. Non, je reviens à cet entre-deux de l’oisiveté studieuse et du petit boulot dilettante qui ne me plaît qu’à moitié, mais ça fait partie de l’équilibre précaire. Je ne suis pas fait pour être comblé par le travail. Le jour où je serai comblé par un seul type d’activité salarié, je ne tirerai plus une ligne de moi-même, je serai « sec ». Il y a forcément un rapport entre le fait que j’écris depuis que j’ai douze ans et ma façon de me sentir toujours en partie étranger aux tâches qu’on me donne à faire. Pour scribouiller, il faut bien partir d’un soupçon d’incapacité à s’adapter à l’ordre établi de sa vie, de ses pensées. Généralisons pour faire le malin : je dois être un éternel incomblé, pas un perpétuel insatisfait, j’espère que non, l’incomblé structurel qui use de ce petit manque-là pour s’arracher à la plénitude béate de lui-même. Un tout petit écart dans sa trajectoire, une toute petite exception à son destin, tant qu’il n’y a pas ce grain de sable dans les rouages, qu’est-ce qui vous pousserait à passer des heures, assis, comme une nouille, à se gratter les plaies.

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