18 mai 1992
[Journal de bord — Extraits.]

Dernières surprises de ces deux semaines : mon audacieux larcin aux Archives nationales, le vol très provisoire du « Carnet de route d’un sans-patrie », le journal de voyage de Van der Lubbe, le futur incendiaire du Reichstag en février 1933. J’ai photocopié et remis le texte en place la semaine suivante, mais le jour de l’emprunt abusif, j’ai bien failli finir au poste, vu qu’une fouille surprise des sacs avait été décrétée à la sortie. Fuite aux toilettes. Le manuscrit glissé sous slip et tee-shirt. Ni vu ni connu. L’incendiaire passé en douce des poubelles archivées de l’histoire à ma chambre de bonne où je prépare le scandale d’une hypothétique réhabilitation.
Quant au texte, reproduit dans un canard libertaire breton en 1934, c’est le récit simple, limpide, transparent de l’errance jusqu’à Constantinople d’un jeune prolétaire internationaliste, donc vagabond sans-patrie, trimardeur de l’entraide et colporteur d’idées révolutionnaires. Une merveille dans son écrin, malgré les salissures staliniennes et la chiennerie bien pensante des gauches de l’époque qui ont laissé assassiner ce pauvre idéaliste par les nazis en ne trouvant rien de mieux que de le traiter de « pédéraste » dans le Livre Brun paru à l’époque et signé, contresigné par toute l’intelligentsia « anti-fasciste ». Sans parler de la censure ordinaire des chercheurs qui depuis un demi-siècle n’ont même pas fait l’effort d’en reproduire le moindre extrait.

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