5 avril 2010
[Prémonitions sans lendemain — 1.]

En fin de nuit, tête avachie sur l’oreiller, dans une rue arpentée en plein sommeil, j’ai demandé l’heure à un homme que je ne connaissais pas encore, même s’il me faisait l’effet d’être un de mes proches, sans pouvoir distinguer si son air de famille avec mon père, plus spectral que nature, tenait du sosie accidentel ou d’un plus chimérique assemblage d’attachements : le buste, paternel donc, était posé sur le corps plus svelte d’un adolescent qui aurait dû être mon frère, à ce cruel détail près, un bec de lièvre, expliquant sa voix nasillarde à la Trintignant parasitée par le faux naturel d’une sorte de Belmondo. Ces deux Jean-Louis & Jean-Paul n’en faisaient plus qu’un, confondus dans la pénombre du trottoir, et pour ajouter au trouble de cette surimpression, répondaient à tout un tas de questions que je n’avais même pas posées – dont une portant sur l’immortalité des animaux en général et des ânes en particulier – avant de me balancer, sourire moqueur aux coins des lèvres, une des répliques préférées de mon propre fils : « Même heure qu’hier à la même heure… » – 6h30 d’après le radio-réveil qui, par quelque hasard objectif, s’est mis à gueuler les nouvelles du jour d’après.

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