15 juin 2016
Un mensonge d’État qui nous prend pour des cons :
l’hôpital Necker « dévasté » par des sauvageons…

En ce lendemain de manif monstre, vers midi et demi, il suffisait d’emprunter le parcours de la veille pour apercevoir les centaines de tags qui ornaient encore les murs (à part ceux du Val de Grâce ripolinés de blanc sur le boulevard du Port-Royal). Parmi les vitrines brisées, d’après un rapide calcul mental,  95% des devantures ciblées portaient l’enseigne d’une banque/agence immobilière /compagnie d’assurance/sucette publicitaire Decaux. Indubitablement, sur le boulevard Montparnasse, cinq ou six magasins de déco intérieur, d’optique ou de fringues, dépourvus de caractère symbolique flagrant, ont fait le frais d’un excès de zèle injustifié, d’ailleurs sans graffiti « explicatif » autour. Mais comment s’en offusquer au regard du gazage quasi permanent du cortège de tête qui, avec cagoule ou foulard citronné à mi-visage, comptait dès le départ plus de dix mille personnes rêvant non pas d’un baroud d’honneur ou d’un simple happening émeutier, mais d’un cortège offensif exprimant toutes les composantes du corps social d’aujourd’hui: United Colères of Précaires.

Arrivé devant l’Hôpital Necker, le champ de ruine ne saute pas aux yeux, c’est le moins que l’on puisse dire. Une seule vitre a volé en éclat, déjà remplacé par une feuille de contreplaqué. Une petite dizaine d’impacts au marteau, surlignés de scotch armé orange, sont aussi visibles sur les double-vitrages avoisinants. Un ou deux tags en plus… et voilà tout. Même pas une faute lourde de non-sens, juste une faute de goût sans dégâts collatéraux ni vilains bobos pour personne.

C’était donc ça — une erreur bénigne de balistique mal raisonnée — qui nous a valu depuis hier soir la fable d’une «attaque» puis de la prétendue «dévastation» de l’Hôpital des Enfants Malades où, parmi tant d’autres gamins en souffrance, l’ex-otage en bas-âge d’un fanatique daéchien tentait de retrouver ses esprits. Aucun rapport a priori, mais puisqu’il est désormais question de criminaliser les « casseurs » en les amalgamant à la figure de l’ennemi intérieur djihadiste, rien n’est trop énorme pour accréditer ce bobard faisandé.
Trêve de storytelling, un flash-back s’impose si l’on veut distinguer la part réelle des responsabilités. Hier, vers 16h30, alors que les forces de l’ordre avaient réussi puis échoué puis recommencé à couper/nasser la tête de manif, c’est à ce carrefour stratégique de la rue de Sèvre et du boulevard Montparnasse (métro Duroc) que la Préfecture avaient décidé de placer un très gros bataillon de CRS aux abords dudit hosto et en vis-à-vis un canon à eau. De fait, à l’arrivée du cortège massif, occupant chaussée et trottoirs, la police a chargé, choisissant de fixer l’affrontement pendant plus d’une demi heure aux immédiats parages de ce lieu de soin.

Et maintenant, cessons de travestir une réalité qui pourtant crève les yeux (comme un FlashBall justement). C’est à la Police d’assumer toute l’indignité de sa géo-stratégie irresponsable : noyer de gaz lacrymogène la rue jouxtant un Hôpital (avec les risques d’enfumage des ventilations de l’établissement), y faire assaut de grenades de désencerclement (ayant en cet endroit précis atteint plusieurs manifestants couchés au sol, ce qui avait déjà eu lieu au croisement précédent, propageant la rumeur infondée semble-t-il d’un ou deux morts et enrageant d’autant tout un chacun parmi les manifestants), avant de mettre en branle le fameux canon à eau, posté là en embuscade selon un scénario mûrement réfléchi. Ainsi serait-il préférable de ne pas inverser les rôles et plus que temps de demander des comptes au ministre de l’Intérieur pour le choix délibéré d’un telle tactique, si irrespectueuse d’un havre de paix que doit être un centre hospitalier. Le reste (un malheureux carreau cassé) n’est qu’enfantillages, montés en épingle pour effarer les téléspectateurs dans leurs chaumières et rassurer les Panama-Bankers et autres châtelains du pouvoir socialiste.
Bien sûr, il y aurait d’autres épisodes à évoquer à propos de la journée d’hier, mais quelques extraits d’aphorismes urbains y pourvoiront.

Post-scriptum : quant à savoir qui a vraiment cassé l’Hôpital publique en Île-de-France, à coup sûr, ce sont nos états-d’urgentistes du PS à force de coupes budgétaires et de logiques comptables, pas les jeunes énervés qui se battent à armes très inégales avec les Robot-cops du chien de garde en chef Manuel Valls. A ce sujet, on lira avec intérêt l’article d’un lecteur du site LundiMatin ici même.

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