15 janvier 2018
[Sous le portrait-robot d’un criminel-né…
quelques pistes de lectures à contre-pied.]

Dans ce roman-puzzle, Encore heureux, la pièce manquante, Bruno Lescot, n’a jamais droit d’exister que par défaut, sous le prisme déformant d’un dossier d’instruction accablant, bref selon un portrait-robot établi à ses dépens et qui va le condamner à 25 ans de cavale. Mais outre « l’empreinte négative » de ses actes & traits d’esprit subversifs, le livre porte partout la trace d’une foultitude de signes extérieurs au destin très particulier de son pseudo-héros, comme autant de points d’intersection entre lui et les époques qui l’ont traversé de part en part, qui l’ont contraint à un certain exil intérieur. Parmi tant de détails qui élargissent les contours de ce personnage et devraient permettre aux lecteurs de se l’approprier comme bon leur semble, ces quelques brèves de mémoire glanées au fil des pages :

Un « attentat à la pudeur mutuel » dans une maternelle, la parution des aventures de Mafalda dans Charlie mensuel, la mise à la fourrière d’un scooter gris métallisé de marque Lambretta, le concept de « pervers polymorphe » selon Sigmund Freud, la persécution des jeunes albinos en Afrique sub-saharienne, le vote de la loi permettant le divorce par « consentement mutuel », l’arrestation par la police française de l’écolière Rachel Rochman le 16 juillet 1942, les « badges d’amour » du gourou Moïse David de la secte Les Enfants de Dieu, le passage à tabac homicide du lycéen antillais Lucien Maylon aux portes de l’hippodrome de Pantin, la traduction en espagnol du Nouveau monde amoureux de Charles Fourier, une interview exclusive de Jacques Mesrine dans Paris-Match, le journal du Collectif des fugueurs en lutte Le Péril jeune, l’enlèvement du richissime industriel Henri Lelièvre, la « cure de paroles » des toxicomanes à l’hôpital Marmottan, la grève des tickets-repas au Crous de Tolbiac, un concert punk de Métal Urbain au Gibus, la mort du sans-abris Alain Bégrand sur le parvis de la fac de Jussieu, la manie auto-accusatoire dite « syndrome d’anti-Stockholm », les graffiti Ni trop tôt ni trop tard nitroglycérine et Bienvenue au septième ciel, une collection d’affiche de Détective, les succès commerciaux de la Ritaline aux USA, les braquages « à mains désarmées » du Gang de postiches au début des années 80, l’inauguration du night-club Les 120 nuits près du métro Strasbourg Saint-Denis, un séjour clandestin à la clinique de La Borde, une thèse sur le pseudo peintre cubiste Torres Campalans, la création de la Brigade national de recherche des fugitifs, Rien qui ressemble à l’amour chanté à capella par Colette Magny… jusqu’au krach boursier des subprimes du 8 octobre 2008.

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