10 juin 2014
[Quand un archyviste du graffiti
s’invente un blaze pour passer
à l’acte scriptural : LapsOups.]

Collecter des graffiti, pour garder la mémoire de leur fulgurance urbaine ou rendre hommage à leur anonyme clandestinité, ça m’occupe depuis quelques années. Pour preuve déjà plus de 3700 tags transcrits, localisés et datés sur ma compilation provisoire, Bombages à travers nos âges ici même. Au risque de devenir à son insu un scribe maniaque-obsessionnel, traquant au jour le jour la trace murale d’un mot d’esprit en scooter ou sur des photos glanées sur le Net.

Bien évidemment, en tant que copiste amateur, ça devait finir par me démanger de prendre le relais et passer à l’acte en me dotant d’un marqueur indélébile ou d’un aérosol de poche… C’est chose faite, mais restait encore à laisser libre cours à l’inspiration, hors l’emprise des phrases modèles qui m’encombrent l’esprit, sans recopier bêtement aucune des bribes de ma base de données, entre phraséologie fossile, état de grâce in situ et maladresse inimitable. Bref, tout un programme paradoxal : comment organiser à l’avance sa propre spontanéité ? comment mobiliser ces manifestations verbales hors les sentiers rebattus d’un savoir accumulé. Le fameux hiatus de l’Art brut ou de l’Événement révolutionnaire : faire du neuf à l’insu de ses réflexes conditionnés.
Pour outrepasser ce blocage, j’ai repensé au carnet où j’ai pris la drôle d’habitude de consigner les lapsus de mon entourage. Avec ces mots d’esprit involontaires, ça me fournissait un matériau idéal, comme surgi de nulle part – le melting-pot des autres en moi –, tombé du ciel subconscient par ouï-dire. Et sans trop m’appesantir à tête reposée, je me suis dit que de telles erreurs humaines méritaient qu’on les honore d’un geste éphémère, qu’on emprunte leur fausse route en les gravant sinon dans le marbre du moins sur les murs.

Restait encore à baptiser ces encres sauvages d’un pseudo, un blaze anonymement collectif, une signature en série. J’avais le choix entre quelque titres esquissés sur mon carnet :
Objet Verbal Non Identifié (trop long), PhonéTroc (bof bof), Erroriste (déjà pris par des surréaliste argentins), ImpairVersion (pas si mal)…
Et pourquoi se creuser les méninges ailleurs, suffisait de revenir au l’idée initiale – Lapsus –, avec plusieurs variantes possibles :
SaPlus, LipsUs et LapsOups. À l’usage, c’est la dernière option – avec son «oups» entre les «lips» – qui s’est imposée.
La preuve en calligraphies sauvages & en images.

Et il arrive qu’avec le temps les graffiti ébauchent un dialogue, entre les lignes, comme ici.

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