12 mai 2011
[Texticules et icôneries — Physique amusante.]
Marche forcée ou croissance zéro ?
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12 mai 2011
[Texticules et icôneries — Physique amusante.]
Marche forcée ou croissance zéro ?
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10 mai 2011
[Echangisme idéologique —
«Vive la crise !», l’éternel remake ?]
L’abus de commémoration est dangereuse pour la santé mentale. Celle de la victoire de la gauche réformiste le 10 mai 1981 pourrait avoir sa dignité, si l’on osait exhumer dans le parfum de cette époque les idéaux, confus & naïfs, qui s’y exprimaient — et tenter ce bilan rétrospectif sans illusion ni mépris. Mais l’exercice de style nécrologique a une fois de plus vaincu, réduisant les attentes utopiques & concrètes qui avaient alors permis de rafler la mise électorale à une pure et simple hagiographie de François Mitterrand — en l’occurrence un carriériste sans scrupule & dandy littéraire au passé encombrant, collabo pendant l’Occupation, guillotineur pendant la guerre d’Algérie, rétif épidermique à l’esprit de Mai 68, j’en passe et des meilleures… preuves qu’en France un Président de gauche doit, s’il veut réussir, avoir su donner quelques gages à la bourgeoisie la plus conservatrice.
Et cette façon d’honorer l’homme providentiel plutôt que de sonder la nature des changements radicaux espérés à travers lui, ça en dit long sur le chemin parcouru depuis. Bien sûr, on objectera que cette révolution légale n’a pas eu lieu, qu’un homme au machiavélisme remarquable l’a incarnée à lui seul, mais moi je préfère, sans illusion aucune mais en total respect, me souvenir des mille voix qui bruissaient alors d’espoir dans les bistros ou les bureaux, sur les quais du métro ou les chaînes de fabrication automobile, à la porte des facs ou des foyers Sonacotra, à travers les murs des taules ou des hôpitaux psychiatriques, parmi les conscrits bizutés en caserne, les filles-mères isolées en foyer, les licenciés de la sidérurgie, les caissières sous-payées des grands magasins, les fumeurs occasionnels de cannabis, les pd voués à la honte provinciale, les survivants des communautés néo-rurales, les pionniers des radios libres, les réfugiés de tous les despotismes planétaires et même les occupants-rénovateurs des squats de l’est parisien. Parce qu’au-delà de la langue de bois tacticienne des partis représentatifs, quelque chose de plus profond, irrécupérable, hétérogène, s’était servi des urnes pour libérer une charge critique & constructive, une volonté littérale de changer le vie quotidienne. Le cynisme contemporain ne saurait honorer une telle mémoire collective, préférant moquer l’atavique crédulité populacière. Il lui faut un arbre, le vieux chêne mitterrandien, pour cacher les traces d’une ancienne forêt – et réduire en cendres tous ceux qui ont fini par y prendre le maquis, en repos partiel, en dissensus discret, en résistance préventive, en écart imperceptible… bref, en attendant des jours meilleurs.
Aujourd’hui le populisme de droite & de gauche s’est mis au diapason du talk show télévisuel. Il suppose que le grand public est d’une bêtise immonde et qu’on ne peut prendre les gens autrement… que pour des cons. Et d’ailleurs, comme le crypto-réac Lacan le disait à propos des enragés de l’après-68 : « Puisqu’il veulent un maître, ils l’auront ! ». Drôle de hasard objectif, c’est presque au mot près la même politique du pire que prônait Louis-Ferdinand Céline vers la fin des années 30. Quand les plus méprisants des décideurs se vantent d’être au-dessus de la mêlée, pour ne vantent que la carotte ou le bâton, autrement dit la prime au mérite ou le badge biométrique… Et les voilà qui font mine de déplorer chez ce peuple infréquentable le retour de la « bête immonde », qui trouvent là de bonnes excuses pour devoir toujours séduire et puis sévir… Et pourtant ce sont eux, ces membres de l’élite arrogante, si occupés à masquer leur imposture chronique, à jouer leur ego aux chaises musicales, à débriefer en flux tendus la moindre mission impossible, à s’endimancher 22 heures sur 24, à s’aliéner chaque weed-end sur Ipad, à se décharger d’une paire de gosses en pensionnat privé, à se gaver de speed pour tenir le coup d’après, à se branloter de fantasmes siliconés, à surveiller un semblant d’éternelle fitness, à crever de solitude intérieure tout en se vautrant dans leur inculture crasse, oui, ce sont eux, ces technoïdes d’économie mixte pantouflant entre jetons de présence et absence de scrupules, eux les premiers à vivre et penser comme des porcs, comme disait le défunt Gilles Châtelet.
Alors qu’est-ce qui que quoi s’est mal passé depuis ce 10 mai 1981 ? Tant de banalités de base débutant plus tôt qu’on ne le prétend souvent. D’abord, dès l’été, l’inexcusable inertie stalinienne du gouvernement français face aux révoltes ouvrières en Pologne, celles qu’il aurait fallu mettre au crédit d’une gauche en mouvement, et pas au seul bénéfice des papistes du cru. Puis, la restructuration de l’Unédic, sous l’égide de la CFDT (et d’une certaine Nicole Notat) qui, sous prétexte de rétablir les comptes, commença à exclure plus de la moitié des sans emploi du régime d’indemnisation. Et puis l’année suivante, alors qu’on va nous vendre la rigueur, l’autre arnaque dont on paye encore la facture aujourd’hui : la trahison du mouvement associatif des jeunes issus de l’immigration, étouffé par le cache-misère SOS racisme (dirigé en sous-main par le déjà suspect Julien Dray) et la fameuse promesse jamais tenue d’accorder le droit de vote lors des élections municipales aux étrangers après dixans de résidence sur place. Ensuite la vraie césure symbolique a déjà fait l’objet d’un diagnostic précis et argumenté par François Cusset dans La décennie, le grand cauchemar des années 80. C’est l’émission « Vive la Crise » qui marque ce moment de bascule idéologique, une rupture sans retour jusqu’à la phase terminale de l’immédiat aujourd’hui.
Revenons brièvement sur cet épisode charnière. Le 22 février 1984, la deuxième chaîne de la télévision publique diffuse «Vive la Crise» à l’heure de la plus grande écoute, le fameux 20h30 citoyen. L’émission est inspirée du Pari français de Michel Albert (seuil,1982) et de L’Après-crise est commencé (Gallimard,1982) d’Alain Minc, réalisée par l’essayiste Jean-Claude Guillebeaud, avec pour présentateur vedette rien moins qu’Yves Montand. L’acteur fétiche du programme commun socialo-communiste s’y affiche désormais «de gauche tendance Reagan», culpabilisant le bon peuple au seul motif que leurs «avantages sociaux» feraient d’eux les pires «privilégiés». Il y prône en sus le bon sens de l’effort et de l’austérité salariale pour mieux vanter quelques figures exemplaires d’un désir d’entreprendre trop longtemps bridé par la pieuvre fiscale étatique : Philippe de Villiers, Bernard Tapie ou François de Closets. Et ce vieux stalinien mal repenti de conclure : «Sortons de cette France arc-boutée sur les garanties, les privilèges… il faut y aller, il faut retrousser ses manches !». Un tel ballon d’essai médiatique revendiqué sous le label «capitalisme libéral» ne pouvait trouver meilleur relais que dans un supplément héponyme de Libération, sous la houlette de Pierre Rosanvallon, ex-théoricien de la CFDT, et d’un jeune journaliste du service éco, Laurent Joffrin, signant là un édito rageur: «La pédagogie de la gaffe». À rebours des valeurs historiques du journal – mettant un terme à une décennie de crises internes —, Serge July ne tardera pas à baptiser cette mutation de « libéral-libertaire », empruntant cet ovni conceptuel made in USA à une tradition existant depuis belle lurette sur l’échiquier politique étazunien, à la droite extrême des Républicains, dans la zone de lobbying du Parti Libertarien.
Chacun remarquera que la plupart des noms propres suscités ont connu des promotions fulgurantes, gravissant les échelons du pouvoir réel. Attention cependant à ne pas tomber dans les ornières de la dénonciation ad hominem, à l’image de Serge Halimi & consort. Les carriéristes émergeant au moment de ce «Vive la Crise» ne sont que de vagues icônes symptomatiques, et non les causes premières de la refonte idéologique battant alors son plein… et sa coulpe.
Un petit détail nous semble à cet égard important à rappeler. L’expression même de « Vive la Crise » aurait pu être une génération spontanée d’accroche publicitaire. Et pourtant non, ce n’est pas l’originale trouvaille, provoc & toc, du fils de pub Jacques Séguéla, mais la reprise en toutes lettres de la couverture d’un magazine trimestriel, Le Sauvage, datant de janvier 1975.
Aucun des promoteurs de l’opération ne pouvait d’ailleurs l’ignorer puisque ce magazine tirant à 40 000 exemplaires, avait été racheté dès 1972 par Claude Perdriel, directeur du Nouvel Observateur. C’était en quelque sorte devenu l’organe très œcuménique de l’écologie politique, rassemblant en son sein des critiques radicales du productivisme capitaliste et des adeptes précoces d’un mode développement durable compatible avec l’économie de Marché — dans la mouvance du Ralph Nader étazunien. Parmi les contributeurs réguliers, on recense un éventail follement hétéroclite : Michel Bosquet, Théodore Monod, Gilles Lapouge, Edgar Morin, Robert Jaulin, Serge Moscovici, Herbert Marcuse, Henri Laborit , Guy Hocquenghem, Christiane Rochefort, Alain Finkielkraut, Pierre Lieutaghi, Michel Edouard Leclerc, Joël de Rosnay, Ivan Illich, Jean Malaurie, André Langanay, Jane Fonda, Barry Commoner, Bertrand de Jouvenel, Edouard Godsmith.
Reste qu’au sommaire du numéro « Vive la crise », outre la critique du nucléaire et l’éloge du solaire, on y soutient mordicus — rapport de la Fondation Ford à l’appui — une « croissance énergétique zéro » sous l’intitulé rassembleur: « Moins d’énergie, plus de bonheur ». Et il n’est pas indifférent de mesurer la distance qui sépare la première approche de ce paradoxe critique — d’un réformisme recyclant certaines aspirations post-soixante-huitardes – de la seconde, usant du même électrochoc paradoxal pour porter aux nues la contre-révolution ultra-libérale reaganienne.
En guise d’épilogue, on se contentera de citer quelques extraits d’un article figurant dans ce numéro, « Moi je veux changer de vie », sous la rubrique témoignage. Laissons donc la parole à cette secrétaire bilingue qui ne veut plus d’un «travail idiot» ni «attendre les lendemains qui chantent». C’est signé G. R. pour protéger son anonymat.
« Je suis au chômage volontaire. Je n’ai pas été licenciée, j’ai simplement démissionné de mon dernier emploi, le 2 septembre 1974. Parce que, de tout ce que j’ai fait depuis ces deux dernières années, je dresse un triste bilan: c’est un ras-le-bol franc et massif, dominé par un sentiment d’inutilité, d’ennui, d’insipidité, d’absence de plaisir et de motivation, d’irresponsabilité, et, surtout, depuis quelques mois, par une prise de conscience que je sentais intuitivement mûrir. C’est maintenant évident, adulte, clair et net, je me refuse à continuer à être complice de ce mode de vie que je ne veux pas condamner dans sa totalité. Mais au point où il est parvenu aujourd’hui, il empoisonne ma vie de tous les jours le bruit, les gaz d’échappement, l’énervement collectif, le manque d’arbres, les conserves dégueulasses, les produits aseptisés, désinfectés et tout et tout, les lessives qui déclenchent des dermatoses, l’esprit de compétition, la pub conne qui me fait payer un produit un tiers (ou plus?) au-dessus de ce qu’il coûte effectivement, etc. […]
Je ne veux plus travailler dans ces domaines qui sont des obstacles concrets et matériels à mon plaisir, à la qualité de ma vie, ainsi qu’à celle de ceux que j’aime, ou même que je n’aime pas, enfin aux autres, à ceux de ma race, sans compter les autres races, animales, végétales. Et, comme on n’est jamais mieux servi que par soi-même, je veux mettre la main à la pâte. […]
Lorsque j’ai décidé de mettre fin à mes activités intérimaires pour rechercher un poste fixe, ne sachant combien de temps cette démarche allait prendre, je me suis inscrite au chômage pour ne pas perdre mes droits sociaux. Pour cela et pour bénéficier d’une autre allocation que celle du chômage classique il faut fournir aux caisses Assedic une attestation qui doit être entièrement et automatiquement remplie par l’employeur et retournée à cette caisse par l’employée. Le dossier ne peut être étudié, ni les allocations journalières établies, sans ce document. Les responsables du personnel de toute entreprise, y compris celles d’intérim, le savent. Après maintes réclamations, mon dernier employeur m’a envoyé ce document avec 26 jours de retard. Il était incomplètement i rempli, non signé, c’est-à-dire nul et inutilisable par la Caisse Assedic qui me l’a refusé. D’où une nouvelle demande pour un document conforme, avec correspondance véhémente de ma part. J’ai aussi dû intervenir par téléphone : il m’a été répondu que, des offres d’emplois étant disponibles dans ma qualification professionnelle de secrétaire bilingue, je ferais beaucoup mieux de travailler chez eux, ce qui serait plus rentable que d’être au chômage. Ben voyons! J’ai donc été privée de mes allocations journalières pendant deux mois, par la seule négligence (?) des services.., qui auraient beaucoup plus gagné à pointer mes bordereaux d’heures! D’autre part, cette maison a refusé de me payer le 1er mai (seule fête légale due à tout salarié, quelle que soit sa date d’embauche), sous prétexte que je n’étais pas dans la maison depuis un an! J’ai constaté l’Inspection du Travail, cité des articles de loi, et l’affaire a été réglée. Mais combien de centaines d’intérimaires n’ont jamais eu ce ler mai qui leur était dû, simplement parce qu’elles n’étaient pas informées ou n’avaient pas de défense […]
J’ai ensuite atterri dans un très important groupe américain : je n’ai tenu que mon mois d’essai, et encore, en me disant les deux dernières semaines, qu’il fallait tenir le mois pour me refaire un peu côté porte-monnaie après un mois et demi de chômage. Mais ça a été de l’héroïsme, ou du masochisme conscient! Puis j’ai découvert l’industrie pharmaceutique. Et alors là, ça a été le grand choc, la révélation ! J’avais très honnêtement quelques illusions au départ. J’avais rêvé, dans mon adolescence, à la suite d’une longue et grave maladie, de faire carrière dans une profession paramédicale. Les circonstances m’avaient fait devenir secrétaire dans les brevets et je finissais par arriver dans — ce que je croyais être un domaine relativement noble, chez des gens qui ouvraient d’abord et avant tout pour soulager les malades. D’abord et avant tout, ce qui compte, c’est le chiffre d’affaires, et rien que le chiffre d’affaires. L’humanité souffrante, après. J’ai été un peu soufflée, je dois dire. Par l’industrie pharmaceutique, mais surtout à travers ce laboratoire-là, par cet encadrement-là, cet état d’esprit-là. D’abord : discrimination entre les cadres et… les autres, le menu peuple. Ensuite : horaires très stricts. Arrivée le matin, 8h30 précises! Arrivant un matin (exceptionnellement car j’étais ponctuelle) à 8h34, j’ai eu droit aux réflexions acerbes de la direction du personnel, comme à l’école communale, avec menaces de sanctions. Et moi de répondre que, l’heure de départ étant 17 h 30, il était tout à fait regrettable que, les jours où je partais à 17 h 45 pour finir une lettre et qu’elle puisse partir le jour même, la direction en question ne soit plus là pour le voir. Résultat dès ce jour, j’ai quitté à 17 h 30 pile, qu’il ait ou non suffi de 5 ou 10 minutes pour achever un travail ou une lettre urgente en cours. Tant pis — demain il fera jour, et la Terre ne s’arrêtera pas de tourner si le professeur Machin ne reçoit pas cette lettre demain. Et on accuse les employés de manquer de conscience professionnelle! Parfaitement! Les bonnes vieilles traditions se perdent! Je ne suis pas la seule évidemment à avoir subi ces remontrances, et, heureusement, à avoir réagi de la même façon.
Je continue pas question, pour ces messieurs, même n’ayant jamais de contact avec la clientèle, d’être en col roulé, même au sous-sol sans fenêtre; cravate de rigueur sous la blouse. Quant aux augmentations… individuelles tributaires des notes annuelles, comme pour le bac, il faut telle note au total ; on est donc noté par son chef de service sur des tas de critères : assiduité, efficacité, exactitude, etc., et par d’autres chefs. On fait la moyenne et, c’est vraiment dommage, vous dit votre chef de service, vous êtes un très bon élément, mais il vous manque 2 points! Comme ça, la secrétaire dont la tête ne revient pas aux détenteurs des notes stagne des années sans que sa valeur personnelle soit prise en considération Elle aura seulement droit aux augmentations systématiques. Mais ce détail croustillant est passé sous silence au moment de l’embauche. Et puis, il y a la question de mon travail, là aussi. J’ai été embauchée comme secrétaire de direction bilingue. En huit mois, j’ai dû faire 5 ou 6 lettres de quelques lignes en anglais – 80 % de mon activité étant uniquement de la frappe plus des milliers de photocopies, je dis bien des milliers. J’ai également eu quelques traductions, de 80 à 100 pages, d’expertises scientifiques américaines, pour lesquelles je n’étais pas effectivement qualifiée : je suis secrétaire, et pas traductrice en technique médicale. Embauchée dans cette entreprise pour y être secrétaire bilingue, j’y étais alternativement dactylo (le plus souvent) OU traductrice. Mais jamais ce pour quoi j’y étais entrée. huit mois de ça aussi. Et d’un seul coup, la goutte d’eau qui fait déborder le vase la réflexion pour les quatre minutes de retard. Alors, ce boulot, et cet état de choses, ras-le-bol. […]
Il faut que je fasse quelque chose. Autre chose. Bien sûr. Mais quoi? Je pense que si j’avait eu un talent quelconque, artisanal ou autre, il se serait déjà manifesté. II n’aurait pas attendu 36 ans pour me faire signe. Je le saurais. J’ai fait quelques broderies, je tricote de temps en temps, je fais de la photo, mais pas au point que ça puisse devenir ma vie professionnelle. Je suis, comme beaucoup de gens, sensible à des tas de choses que j’aimerais savoir faire et qui me séduisent, mais je regrette, je ne suis pas une artiste complète qui peut vivre de son art. Alors, cela implique-t-il que je doive passer ma vie derrière une machine à écrire?… Si j’avais désiré me recycler dans la gestion d’entreprise, le marketing ou ce genre de domaine, l’Agence nationale pour l’emploi pouvait éventuellement faire quelque chose pour moi. Mais si je veux apprendre à remettre une vieille maison en état, faire des chaises en bois ou des belles bougies, on regrette ,nademoie11e, mat.ii faut vivre avec son temps, l’Etat ne peut pas prendre des caprices en charge. Le marketing, oui, mais les bougies… Le Touring, comme ça en été, pour les jeunes, étudiants ou pas, bénévoles. Ou alors, si ça existe, l’information n’est pas venue jusqu’à moi. Bien. En conclusion j’ai senti, vu, compris, vécu, qu’au moins 80 % des gens s’emmerdent dans leur travail.»
Et pour résumer tout l’esprit de cette confession de 5 pages à la fois nuancée et rageuse, ce surtitre qui se passe de commentaire :
«Je suis déterminée à devenir une inadaptée sociale.
Je ne veux plus être un maillon de la chaîne.»
Alors là oui, quand la crise sert à ouvrir les yeux de si belle façon, ça mérite un Viva !
On lira aussi avec plaisir la rare critique des «années Mitterrand» parue dans Le Monde sous la plume acérée de François Cusset, ici même.
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9 mai 2011
[Texticules et icôneries — Meccano du psychorigide.]
Grille de lecture, à démonter soi-même.
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2-5 mai 2011
[Antidote au pessimisme ambiant —
Le collectif des réfugiés tunisiens & libyens
s’est installé dans un gymnase parisien,
au 100 rue de la Fontaine au Roi, à suivre.]
Depuis hiers après-midi, vers 16h, le gymnase de la Fontaine-au-Roi est investi par des réfugiés tunisiens & libyens, ayant pour la plupart participé à l’occupation précédente du 51 de l’avenue Bolivar. Après discussion avec quelques responsables de la Ville, promesse a été faite, cette fois, de ne pas recourir à la force publique (sous condition de limiter la présence dans les locaux à 150 personnes). La police s’est faite discrète pour l’instant, tout en propageant des rumeurs mensongères auprès de la Mairie sur le fumeux & fameux péril «anarchiste». Après Assemblée Générale bilingue des sans papiers & soutiens divers — entre méfiance épidermique, fatigue accumulée et évaluation contradictoire des possibles —, les Tunisiens ont décidé de rester sur place en acceptant certaines conditions préalables (pas de tabac à l’intérieur, présence nocturne du directeur du gymnase et d’un autre employé municipal.) Les élus de la majorité municipale, dont Jean Vuillermoz (PCF) ont promis une nuit «tranquille», sans coup fourré ni de matraques aux aurores, avec approvisionnement en nourriture dès dimanche, via l’association Aurore, et de prochaines propositions d’hébergement.
Reste que la Mairie semble toujours craindre une jonction de ce collectif agissant avec les centaines d’autres Libyens et Tunisiens en déshérence autour du Parc de La Villette, soumis à des arrestations sporadiques quotidiennes. Comment diluer, diviser, diffamer pour empêcher un regroupement trop massif et son expression politique autonome… Pourtant, il suffit de discuter avec les Tunisiens présents dans le gymnase pour sentir que dans les têtes & les cœurs il y aurait une solution légitime à portée de main: la mise à disposition de ces réfugiés des milliers de mètres carrés que la clique Ben Ali ou son Parti inique (le RCD) possèdent à Paris. Et c’est peut-être ça le mot d’ordre qui pourrait faire le lien entre toutes les sensibilités en présence: exiger auprès de l’Etat militaro-humanitaire Sarkozyste ou/et de la Mairie socialo-écologique parisienne la réquisition immédiate de l’ensemble des biens immobiliers acquis par les anciens régimes corrompus de Tunisie et de Libye pour restituer ces locaux vacants aux plus réprouvés de leur population.
Ce n’est pas un mirage ou une lubie, juste une façon de reposer dans le bon sens certaines lois de l’hospitalité. Mais, à voir comment l’actuel pouvoir tunisien continue de réprimer ses contestataires (plusieurs morts dans des manifestations cette semaine), ou comment la résistance libyenne est dirigiée par d’anciens ministres kadhafistes, on comprend l’hésitation de nos responsables (de droite & de gauche) devant un tel acte de rupture: la confiscation des avoirs mafieux des despotes déchus et redistribution aux acteurs de la Révolution qui ont choisi, plus ou moins provisoirement, l’exode. Encore une proposition «irresponsable», nous objectera-t-on. en ce matières diplomatiques, il ne faut pas insulter l’avenir, et surtout pas se fâcher avec les pouvoirs fantoches issus du Printemps arabe qui comptent bien conserver et faire prospérer les acquis et les méthode de la même corruption. Ceci étant dit, c’est un objectif pratique plus réaliste qu’on ne croit, et surtout plus propice à populariser cette lutte.
Par ailleurs, toutes les aides matérielles sont toujours bienvenues au Gymnase de la Fontaine au Roi, ainsi qu’une vigilance envers les demi-mesures caritatives que la Mairie (obsédée par le quota de 100-150 personnes maximum) risque de proposer pour déballonner ce mouvement trop visible, à un an d’échéances électorales…
Plus d’infos, régulièrement remises à jour ici même.
Post-Scriptum: Impossible d’évaluer le nombre réel d’anciens occupants de l’avenue Bolivar mis en Centre de Rétention, puisque la plupart des retenus en voie d’expulsion administrative ont été arrêtés dans la rue en d’autres occasions. Mais rien dans ce bilan qui ne donne envie au collectif de réfugiés de baisser les bras. Un exemple parmi d’autres, sur 7 sans papiers enfermés au centre de rétention de Mesnil Amelot qui sont passés hier en audience à Meaux, 6 ont été libérés, et le maintenu en rétention a engagé une procédure d’appel.
Hyper-Post-scritpum: Quant à l’épineuse question des médias, comme qui dirait, chat échaudé craint l’eau froide. Quelques Tunisiens, hier, en Assemblée Générale se sont fait l’écho de manipulations diverses, dont la présence de civils se faisant passer pour des journalistes. Il a donc été confirmé de façon clairement unanime qu’aucun son ni image ne pourrait être pris à l’intérieur du gymnase. Par contre, rien n’interdit aux preneurs d’infos audio-visuelles d’entrer en contact avec des membres (les rares francophones ou avec l’aide d’un interprète) du collectif aux abords de l’édifice. Donc, pas d’intox ni de contre-intox, les médias ne sont pas bannis, juste soumis à certaines règles de déontologie…
Néo-Hyper-Post-Scriptum: Querelle de mot et amnésie partielle… Pourquoi a-t-on si vite oublié que, il y a quelques décennies de cela, d’autres réfugiés arrivés par voie maritime, sur d’autres Radeaux de la Méduse, portaient le nom de «Boat-people», et que, sous d’autres prétextes idéologiques, ils étaient traités avec moins de cynisme discriminatoire et répressif. Non pour opposer les uns aux autres, réfugiés du sud-est asiatique ou du Maghreb, mais pour souligner que cette occupation a lieu en plein cœur de Belleville, là où certains cherchent régulièrement à raviver exprès des conflits inter-communautaires. Et pourtant, toute l’histoire de ce quartier s’est constituée comme ça, en accueillant plusieurs générations de diasporas. Alors, merde, faudrait peut-être avoir la mémoire plus longue que le bout du nez… de nos futurs candidats à la prochaine présidentielle, avec d’un côté des préjugés xénophobes explicites et de l’autre tout un tas de scrupules du bout des lèvres, dénis discrets, haussements d’épaules et silences assourdissants .
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7 mai 2011
[Allergie à l’air du temps —
Après l’expulsion des réfugiés tunisiens
occupant le 51 avenue Simon Bolivar,
sur demande de la Mairie de Paris et
avec exécution policière immédiate.]
Droit de réponse des Tunisiens expulsés du 51 avenue Bolivar au président de la ville de Paris
Après notre surprise devant la décision inhumaine prise par le président de la ville de Paris de nous expulser avec une grande violence par la police, la situation s’est aggravée et nous avons ressenti du mépris et de l’humiliation après sa déclaration selon laquelle nous sommes des enfants sans conscience qu’il serait facile de manipuler ou d’assujettir ; la domination ou la charité, l’expulsion et la répression, le maire de la ville rajoute l’insulte et l’humiliation.
Et pour que les choses soient claires, il est important pour nous de rappeler que :
1/ Nous sommes les fils de la révolution du 14 janvier de Tunisie dont vous avez chanté les louanges de liberté et de démocratie ; la répression qui persiste dans notre pays nous a fait arriver en France (patrie des droits de l’homme) et vous êtes un des premiers à nous réprimer !!?
2/ Dans votre déclaration, vous dites que le bâtiment dont vous nous avez expulsé n’était pas salubre à l’habitation, bien sûr que nous sommes dans l’attente de lieux pour s’organiser en liberté (et Paris ne manque pas de lieux appartenant à l’ancien régime payé avec l’argent du peuple tunisien) ; mais au vu des circonstances actuelles, ce bâtiment était bien mieux qu’être à la rue sous la menace permanente de la police, du froid et de la faim, et malgré tout cela, pour une fois nous nous sommes sentis libres dans cet immeuble du 51 avenue Bolivar.
3/ Que nous avons été en permanence au courant des propositions que vous avez dirigé vers nous :
Au début, on nous a proposé 150 places (100 dans un immeuble et 50 dans des chambres d’hôtels pour un seul mois, éventuellement renouvelable), il nous a même été dit que nous serions libres de nous réunir et de nous consulter dans cet immeuble, et bien que cette proposition allait nous diviser et nous désolidariser, des centaines de nos camarades tunisiens étant à ce jour à la rue, dans un esprit d’ouverture et afin de montrer notre bonne volonté aux autorités, nous avons accepté la proposition. Mais quelle a été notre surprise quand quelque temps avant de se diriger vers l’hébergement que vous nous aviez proposé, une délégation que nous avons envoyé afin de vérifier le lieu ; cette délégation nous a informé après avoir discuté avec des membres de l’association Aurore qui gère l’édifice, nous avons été surpris d’apprendre que l’on pouvait rester dans l’immeuble de 18h à 9h du matin, avec un couvre-feu à 23h, qu’il était impossible de recevoir familles ou amis et qu’il serait impossible de se réunir pour discuter et de pratiquer notre liberté. Cette proposition revenait à vous commercer notre liberté, notre solidarité et notre dignité en échange d’un peu de confort très relatif pour un petit groupe favorisé d’entre nous. Cela nous a renvoyé aux pires heures du benalisme où l’on tentait d’acheter notre dignité et notre liberté contre un peu de confort et en corrompant une minorité d’entre nous, ce régime qui nous a tellement oppressé et dont certains ont vanté les mérites ici.
4/ Enfin, 2 jours avant, des tunisiens qui avaient accepté le même type de proposition à Nice sont tombés dans un véritable piège où la police les a raflés en bas de l’immeuble.
Voilà, Monsieur le Maire, pourquoi comme des adultes matures et conscients, après discussion et analyse entre nous, nous avons refusé cette proposition humiliante. A l’heure où la répression continue en Tunisie, à l’heure où la Tunisie accueille 40 000 réfugiés Libyens, à l’heure où tout le monde chante les mérites des révolutions arabes dans les divans, vous, qui vous vous êtes toujours présenté comme un ami du peuple tunisien, vous qui êtes reçu depuis des décennies dans un esprit de fraternité, sans même avoir à présenter un visa, vous avez choisi d’exercer votre droit souverain de nous expulser, nous réprimer, nous livrer à l’arbitraire et à l’humiliation, c’est une chose. Mais en plus, vous nous avez humilié, calomnié en nous traitant comme des enfants immatures par voie de presse !!!
Ce temps est révolu, vive la liberté dans la dignité !
Merci Monsieur le Maire pour cette opération de répression, d’humiliation et d’insulte.
Paris, le 6 mai 2011
Pour infos supplémentaires, c’est par là.
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7-8 mai 2011
[Auto-zygomatico-promo —
L’atelier du messager clandestin d’pensebete.archyves.net
au direct du Festival Paris en toutes lettres.]
Écrire à toute petite échelle, des bribes de phrases. Entre slogans déceptifs, brèves de mémoire, lapsus dissonants, messages anonymes, signes insignes. Histoire d’inventer de petites légendes à la vie quotidienne, des sous-titres pour de faux. Ensuite, on les découpe en rondelles, et puis à chacun chacune de les épingler où ça lui chante. Des badges ça s’appelle, conçus avec le graphiste Philippe Bretelle, et que je fabriquerai en direct et distribuerai à la demande pendant ce week-end… Au doigt et à l’œil.
Rendez-vous au CENTQUATRE [voir le programme complet ici même.]
Entrée 5 rue Curial 75019, près de la libraire du Merle Moqueur.
Le samedi 7 de 15h à 18h (avec brèves pauses encore indéfinies).
Le dimanche 8 de 15h à 18h (sauf moments d’absence à prévoir).
Par ailleurs, les fouineurs en tout genre retrouveront d’autres accroches de mon cru dans les toilettes avoisinantes, redonnant à ces huis clos quelques lettres de noblesse, comme autant de lieux-dits.
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6 mai 2011
[Comédie de situation —
Grand incinérateur d’Ivry.]
Usine à gaz ou machine à nuage ?
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2-5 mai 2011
[Antidote au pessimisme ambiant —
Un collectif de réfugiés tunisiens
occupant le 51 avenue Simon Bolivar,
violemment expulsé: 150 arrestations.]
Parmi les réfugiés tunisiens errant aux abords du Parc de La Villette – entre soupe populaire et harcèlement policier – quelques dizaines avaient trouvé un refuge provisoire auprès de la Coordination des Intermittents & Précaires, dont les locaux sont hélas promis à une démolition imminente. D’où l’urgence pour eux de trouver une solution plus durable, sans perdre l’acquis d’un début de solidarité collective, hors les menues embrouilles & débrouilles de la survie en solitaire. Hier soir, vers 1h30 du matin, ils ont investi les deux étages d’un bâtiment vide au 51 de l’avenue Bolivar, près des Buttes-Chaumont.
La suite en style télégraphique et images à la volée.
Une banderole qui annonce la couleur: derrière les fausses compassions, la répression.
En début de matinée, faible présence policière et sans déguisement ostentatoire.
Les élus socialistes tergiversent, invoquent la vétusté du bâtiment tout en promettant de ne pas demander l’expulsion, tandis que la Police déballe ses grilles pour mieux cerner le problème.
Un égoutier sort de son trou… et se demande aussitôt s’il ne ferait pas mieux d’y retourner.
Les soutiens extérieurs, qui grossissent peu à peu, interpellent les représentants de Delanoë, le soi-disant compagnon de route du Printemps arabe. Dialogue de sourds jusqu’à l’ébauche d’une solution: si la police écarte son dispositif, une délégation des occupants sortira négocier avec les gens de la mairie.
La bleusaille en uniforme se fait un peu prier, mais finit par lâcher du lest et laisser passer les sacs de ravitaillement, hissés au bout d’une corde.
Là-haut, ça crie toujours « Police dégage ! », « Y’en a marre », « Liberté » et le reste en version originale non sous-titrée.
Comme ce n’est pas un coup d’éclat médiatique d’une association humanitaire à gros budget ni un happening people radical chic, mais plutôt une improvisation de dernière minute, avec ses doutes, ses espoirs, ses fragilités, ses désaccords à fleur de peau, bref comme ça essaye de s’inventer ensemble, ça risque de passer inaperçu. Pas de porte-parole pas de micro, c’est la loi du genre. Sauf que si, y’a quand même une caméra… celle du cinéphile de la Préfecture & dautres photomateurs en civil, zoomant les trublions à la fenêtre.
Aux étages, ça se presse en grappe puis s’éparpille, gueule en chœur puis rigole en aparté. Au terme de l’après-midi, les propositions de relogement en foyer Emmaüs et hôtels meublés étaient encore discutées par l’Assemblée Générale des occupants.
En espérant, qu’aux aurores, demain matin, la municipalité n’invoquera pas un chimérique « péril en la demeure » pour repasser la patate chaude à la police et s’en laver les mains.
Après tout, pour l’ex-ami de Ben Ali que fut Bertrand Delanoë, ces témoins gênants d’une Révolution ne peuvent lui apporter que des ennuis. S’ils retournaient fissa en contre-bas du périphérique, dans quelque zone d’invisibilité sociale, ça lui laisserait la conscience plus tranquille.
Post-scriptum du 4 mai:
Après refus par les réfugiés tunisiens, mardi, de quitter les lieux pour rejoindre le très précaire foyer d’accueil (d’ailleurs fermé en journée) proposé par la mairie, l’occupation continue, sans écho dans la presse ni parmi les organisations de la gauche de la gauche. Comme quoi, l’autonomie des luttes, ça ne plaît pas à tout le monde. Une manifestation spontanée a regroupé, dans la soirée, plusieurs centaines de personnes face à des tentatives d’intimidation des forces de police (BAC) aux abords de l’immeuble. La foule a bloqué l’avenue jusque tard dans la nuit au cri de : «Étissam, étissam, hatta yaskout annidham ! » [«Occupation, occupation, à bas le système!»].
Ce mercredi midi, toujours besoin de monde, nourriture, lait, jus de fruits, tabac, couvertures, duvets, matelas, vêtements et sous-vêtements pour homme, médicaments de base, serpillères, pelles, balais, seaux, sacs poubelle…
Et rendez-vous quotidien à 18 heures devant le 51 avenue Bolivar.
Pour infos régulièrement remises à jour c’est ici ou là.
Dernière minute, mercredi 4, vers 14 heures:
Les sans papiers occupant le 51 av. Simon Bolivar, évacués par la police.
Enorme quadrillage policier, puis évacuation des occupants, avec grosse armada : gardes mobiles, hélicoptère, et même le Claude Guéant himself signalé au commissariat du 19e. Les soutiens restés à l’extérieur ont fait leur possible pour retarder ou contenir l’assaut, mais les briseurs de porte en uniforme tenaient une fois encore le bon côté du manche, bref du monopole soi-disant «légitime» de la violence. Et les cogneurs patentés s’en sont donnés à cœur joie!
Tunisiens et Lybiens ont été extraits du bâtiment, et mis dans des bétaillères blanches à vitres dépolis… après minutieuse séparation des personnes solidaires bientôt relâchées et les sans-papiers interpellés manu militari. Une forme de tri sélectif que la Mairie de Paris n’a pas hésité à cautionner… par ses propositions en trompe l’œil trahissant un volonté de ne pas se mouiller aux côtés de ceux qui sèment le trouble d’une rive à l’autre de la méditérannée. Et un dégât collatéral de plus, côté population civile, à mettre au compte du jeu de dupe géopolitique de Sarkozy, le bellicisme humanitaire.
Hyper-post-scrtiptum du 5 mai:
Quant aux allégations du communiqué de la Mairie de Paris — «Les contacts sur place ont été rendus très difficiles par la présence de collectifs militants anarchistes ou radicaux qui ont préféré dénigrer l’action et l’engagement de la Ville et des associations plutôt que d’accompagner et d’aider réellement les ressortissants tunisiens. Ils ont pris une lourde responsabilité en entraînant ces derniers à rester sur place.» —, ils partent d’un incroyable préjugé xénophobe. Comme si les décisions de ces réfugiés tunisiens & libyens, toutes prises en Assemblée Générale, ne pouvaient leur avoir été soufflées que de l’extérieur, par des agités extrémistes. Ce qui suppose que ces pauvres inconscients sont par nature incapables de toute initiative, réflexion, méfiance et sens du rapport de force. Et pourtant, les socialistes municipaux (et dans ce cas précis alliés objectifs de la répression en cours) devraient se rendre à l’évidence: ces réfugiés tunisiens & Libyens (qui représentent un gros tiers de leurs frères d’infortune parvenus à Paris, via Lampedusa) se sont d’abord regroupés pour échapper au cas par cas de la roulette russe policière, puis ont mûrement réfléchi, discuté et mis au vote la décision de s’héberger eux-mêmes au 51 avenue Bolivar, et une fois sur place, ont empêché que médias et parrainages divers leur volent leur lutte, en tenant des AG à huis clos. Et c’est après maintes hésitations sur la tactique à adopter, sans qu’aucun soutien ne les pousse à la faute ou à l’affrontement stérile, qu’ils ont refusé l’offre indécente de la Mairie parisienne, autrement dit la dispersion dans des foyers d’hébergement nocturne ne leur assurant aucune sécurité de jour, ni aucun lieu pour continuer à exister collectivement, sur un mode politique inspirée par le souffle de révolte du Printemps arabe.
À cet égard, le désir, exprimé par une minorité de revenir en Tunisie, avec une aide au retour suffisante leur permettant de rentrer la tête haute et de façon revendiquée et groupée, a toujours été relayé par les soutiens extérieurs, mais il semble que la plupart des organes de presse écrite ou audiovisuelle aient hésité à donner quelque écho à ce mouvement tentant de s’organiser hors les normes habituelles de la gestion caritative du «problème» de l’immigration.
Quand les migrants, précaires, chômeurs, sans-papiers, prostituées, handicapées, etc. veulent sortir de leur rôle de victime — et de l’hypocrisie du discours victimaire qui va avec —, bref s’émanciper par eux-mêmes, cette gauche-là prend peur et brandit le chiffon noir du péril «anarchiste». Pathétique, et toc.
En forme de synthèse provisoire: De qui la Ville de Paris est-elle l’amie?
Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même
1er mai 2011
[Texticules et icôneries —
Ready-made hors champ, modèle réduit à néant.]
Stèle épistolaire, aux inconnu(e)s à cette adresse.
Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même
28 avril 2011
[Allergie à l’air du temps — Pénibilité du travail, aïe, aïe, aïe.]
Avant-hier, on apprend la mort volontaire de Rémy, un employé de France-Télécom, à Mérignac, après immolation sur le parking de sa boîte. On repense au même geste, il y a quelques mois, de ce vendeur à la sauvette tunisien, harcelé par quelques ripoux en uniforme. Une onde de choc s’en était suivie là-bas, sporadique et locale puis massive et insurrectionnelle. Mais ici on se contente du travail du deuil médiatique, avec quelques séances d’exorcisme compassionnel… et puis plus rien. On demande leur avis à quelques psy laborieux sur ce drame récurrent : certains pointent la trop forte pression des objectifs au sein de l’entreprise ; d’autres supputent des causes multifactorielles, et l’impossibilité de distinguer parmi elles le mobile d’un tel passage à l’acte. Quant aux syndicalistes, ils dénoncent un problème de « gouvernance en interne », ils se plaignent du méchant gourou de la direction qui a longtemps pressuré les salariés, de son départ si tardif, qui n’a pas pu éviter ce drame… Et ils espèrent que l’arrivée d’un gentil DRH mieux profilé, champion de l’émulation à visage humain, va bientôt porter ses fruits. On dirait presque qu’ils y croient, qu’ils n’ont pas d’autre choix que de s’en persuader eux-mêmes, pour positiver leur message, parce que sinon, s’ils se laissaient aller à crier leur chagrin dans le poste radio, ils parleraient du suicide à petit feu qui couve partout, au pire quotidien du boulot, avec toujours plus de contrôles interindividuels, de cadences infernales, de dommages psychosomatiques, de solitude automutilante, de peur intériorisée.
Or comme l’écrivait le pauvre brûlé vif Rémy, il y a quelques semaines dans une lettre ouverte à sa direction : «Je n’affirmerais pas non plus le principe direct ’d’un management de la terreur’ comme première raison [qui] sous-entendrait qu’un vrai management structuré et efficace existe : cela se saurait !» Et plus loin dans son tract : «Les cadres supérieusr qu’ils soient de l’ancienne école ou tout frais sortis ont compris qu’il faut mieux vivre au jour le jour, prendre la gâteau tant que le plat est posé devant soi !» Avant de conclure que le mal-être général de ses collègues, suicidés à la chaîne depuis plusieurs années, est issu d’une «culpabilisation suggérée en permanence», non seulement «implicite», mais aussi «exprimée en premier lieu par l’État»… entre autres contre «les fonctionnaires». Et, pour élargir son propos à l’échelle de la société entière, on verra à l’œuvre le même principe de culpabilisation contre les «assistés» du RSA, les «malades irresponsables» ou les «fraudeurs» aux allocations. Alors la faute au chef Untel, manager sans foi ni loi ? Mon œil ! C’est pas tel ou tel fusible évincé qui changera la donne, tant que le stress lui-même n’aura pas changé de camp.
Mais dès qu’on parle de « stress », attention au malentendu, le mot est galvaudé, retors, piégeux. Et surtout, faudrait pas qu’on nous refasse le coup de la séparation du (vague à) l’âme et du corps. Comme si le stress au travail n’était qu’un petit bobo psychique comparées aux vraies maladies professionnelles, et leurs séquelles physiologiques. D’abord parce que le stress, étymologiquement, ça vient du latin stringere – serrer, contracter – pour dire que ça serre dans l’estomac, que ça démange les pores en surface, que ça pressure la circulation, bref, que ça provoque des ulcères, des dermatoses, de l’hypertension artérielle. Au bureau ou à l’usine, on dirait une sorte poussière d’amiante qui vous rend l’existence irrespirable, avec à terme pas mal d’accidents cardiaques. Sauf que ça ne coule pas de source et qu’à première vue ça n’a pas de rapport direct. Et pourtant si. Mais les consultants en ressources humaines, trop humaines, ne l’entendent pas de cette oreille. D’ici qu’on reconnaisse les troubles de la psyché comme des maladies professionnelles, les employeurs et actionnaires n’auraient plus assez de leurs dividendes pour indemniser tous les subalternes en crise d’anxiété chronique. C’est pour ça que, euphémisation scientifique oblige, ils ont déjà trouvé la parade : en différenciant le stress négatif (Distress) et le stress positif (Eustress). Le premier (à trop forte dose) serait source d’erreurs, d’agressivité et de frustration ; et le second (à faible dose) simple chalenge de motivation, d’évolutivité et d’innovation. Et voilà, le tour est joué, puisque le stress n’est plus nocif en soi, mais pure affaire de dosage, et donc de circonstance, de culture d’entreprise et d’interlocuteur, au cas par cas, un peu remède (piqûre de rappel), un peu poison (test au penthotal), à chacun de surveiller le posologie. En quantité homéopathique, le stress empêcherait l’inertie, tandis qu’administré de façon trop intensive, il plongerait l’employé dans un état de procrastination perpétuelle. Alors comment séparer le bon grain de l’ivraie, ? Ben… à la gueule du patient. Avec un nouveau gadget conceptuel pour culpabiliser les stressés décidément inaptes à positiver les stimuli bienfaiteurs de leur contremaître.
Difficile, dans le même ordre d’idée, de ne pas repenser aux négociations sur la pénibilité du travail pendant le contre-réforme des retraites de l’an passé. Il était question de concéder un départ anticipé (deux ans plus tôt), après visite médical, à ceux qui pourraient justifier d’une Incapacité Temporaire Partielle (ITP) de 10% ou 20%. Cette pseudo-concession– ne concernant d’ailleurs qu’une dizaine de milliers de cas individuels – visait à empêcher un élargissement de certains critères collectifs à des branches professionnelles après négociation paritaire. Un Comité permanent de la pénibilité, avec ses sempiternels experts, représentants syndicaux et patronaux, a cependant vu le jour. Mais ce nouveau machin bureaucratique n’a ni les moyens ni la volonté de faire bouger les choses. Ce n’est donc pas demain que les pathologies laborieuses des opératrices de call center ou d’autres exécutants de l’informatique seront considérées au même titre que celles de l’industrie automobile ou du BTP. Et pourtant, on sait que le travail posté devant un écran crée de durables troubles ophtalmiques ou des migraines à répétition et que le port d’un casque avec oreillette produit divers déficits auditifs – sans parler de l’espionnite ambiante sur ces open space, ni du flux tendus des objectifs à atteindre qui supposent un stress structurel. Mais ces secteurs employant justement une main d’œuvre interchangeable, avec un turn over permanent après la période d’essai, ces télémarketeurs (et –trices) sont exlu(e)s d’office de toute prise en compte de ces nouveaux visages de la pénibilité. Quand viendra l’heure de leur non-retraite, dans une trentaine d’années, une étude épidémiologique posera le problème de cette génération sacrifiée, Mais d’ici là, tant que ça trime au doigt et presque à l’œil – polyvalents, mobiles & flexibles –, en des zones de non-droit précaire, c’est comme un angle mort dans le paysage social, une tâche aveugle qui clignote aux confins de la nuit noire.
PS : À ce même propos, quelques anonymes proposent, avant la fête des travailleurs et du muguet, de se retrouver la veille pour la journée du Pissenlit, fête des précaires. « Ce jour là, rendons nos galères visibles. » À Paris, c’est entre 15h et18h, de la rue de Lisbonne à la place de l’Europe (Paris8è), avec concert itinérant. Pour en savoir plus, c’est par là.
Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même