@ffinités

24 juin 2012
[Texticules et icôneries
Femmes fatalement postiches.]

Travestir les signes extérieurs de l’irréalité.

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20 juin 2012
[Graffiti politiques & poétiques
Compil d’écritures murales,
petite mise à jour estivale.]

Il y a quarante ans et des poussières, les murs prenaient la parole, à la Sorbonne & ailleurs. On a fait tant d’honneur et de rétrospectives à ce graffitisme made in 68 que ça en deviendrait presque suspect. Comme s’il fallait à tout prix embaumer ce défouloir scriptural pour mieux passer sous silence les métamorphoses ultérieures de l’expression sauvage et traiter tous les tags d’aujourd’hui au Kärcher sous prétexte de vandalisme autistique.
Alors, pour  refaire émerger la permanence anonyme & clandestine de la poésie subversive depuis quatre décennies, on a fureté un peu partout, depuis les bombages des années 70 jusqu’au  renouveau du pochoir contemporain. D’où cette compilation numérique, comme un chantier à ciel ouvert, qui voudrait recenser ces écritures à l’air libre de nos quarante dernières années, retrouvées dans des livres, revues, sites web ou, pour les plus contemporaines, avec mon appareil photo toujours aux aguets…

Ici, nul souci d’exhaustivité, puisque la tâche est infinie par définition même. Mais pour donner envie à quelques amateurs de me prêter main forte, pour enrichir la liste de leurs récentes trouvailles ou pour en inventer d’autres à faire soi-même, à découvrir ci-dessous, quelques tags piochés parmi près de mille huit cents autres déjà compilés ici-même

centralisons
nos énergies
vers le cœur

[Paris XIX, au pochoir,
rue du Général Lassalle, 18 juin 12
]

La dette c’est du racket

[Paris IV, à la craie, banque,
rue de Rivoli, mi-juin 12
]

Parfois dans le béton
l’homme prend racine

[Niort, 11 juin 12]

Doit-on se courber encore et toujours
pour une ligne droite?

Nous sommes des fautes de français

Free your mind
& your ass will follow

[Lyon, Croix-Rousse, 5 juin 12]

Que faire du vide?

[Paris XX, papier collé,
rue Charles Renouvier 12
]

J’ai un soi

[Paris IV, rue Neuve Saint-Pierre, juin 12]

L’un solence

[Paris XIX, à la craie,
rue de Vincennes, juin 12
]

Pensar e gratis

To buy or not to be

[Portugal, Lisbonne, au pochoir, 18 mai 12]

Emploi fictif pour tous

Nique la peau lisse

Brise ton quotidien

[Paris XVIII, rue Pierre Picard, mi-mai 12]

Lit moi

[Paris XI, rue Charles Luizet, 5 mai 12]

J’ai tellement 2 visage ke mon
miroir ne veut plus reflechir

[Marseille, «huskie», mi-avril 12]

100% psyché

[Paris XIII, rue Domremy, mi-avril 12]

Don’t waste your time on me
you’re already the voice inside my head

[Paris XIV, boulevard Raspail, 11 avril 12]

L’homme idéal c celui ke l’on choisi
avec ces défaut

On est toujours l’ex de quelqu’un

[Paris XI, rue Édouard Lockroy, 18 mars 12]

Mes yeux sont des balances
qui pèsent la beauté des femmes

T.V.A.
Tendre Vers Anarchisme

[Paris X, rue du Faubourg Saint-Denis,
toilettes d’un bar, 3 mars 12
]

J’ai oublié mon blaze

[Montreuil, métro Croix de Chavaux, 6 février 12]

On veut des bancs

[Paris, gare Saint-Lazare, 16 janvier 12]

Anéantir le néant

D’incandes essences

Dialogue avec
un produit de
consommation
Stop gentrification

[Besançon, 11 janvier 12]

Occupy everything

We are the consequence

If you take one
you take us all!

[USA, Oakland, 4 novembre 11]

On a frôlé la vie

[Lamotte Beuvron, mur du lycée,
avenue Napoléon III, août 11
]

Ils ne savaient pas
que c’était impossible
alors ils l’ont fait

Derrière ces mots
il y a du papier

Rien rien rien et c’est bien

[Toulouse, sur panneaux pub, juillet 11]

Laisse pas tomber ton sourire

[Paris, bd Ménilmontant, à la craie, 29 mai 11]

Je suis ici ou là

[Saint-Ouen, 16 août 10]

Outre cette compilation systématique & hasardeuse de quarante ans d’écritures murales, on trouvera sur le site deux diaporamas sur le même sujet, l’un consacré aux bombages des années 70 et l’autre s’enrichissant  au jour le jour d’inscriptions plus récentes, glanées sur le Net ou prises sur le vif.

Ci-dessus-dessous, quelques arrêts sur image à partir de photos perso.

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18 juin 2012
[Texticules et icôneries
Flux & reflux de conscience.]

À contre-courant, face au néant

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14 juin 2012
[Tubes à l’essai (première série)
extrait de la dernière livraison de la revue NRF.]

Stéphane Audeguy et Philippe Forest ont choisi de consacrer le numéro d’été de la NRF aux arts mineurs de la «chanson» et autres «variétés». Sujet tout bêtement inspirant, me suis-je dit, avant de répondre à l’appel, parmi une vingtaine d’autres auteurs, dont Annie Ernaux, Michaël Ferrier, François Bégaudeau, Arnaud Cathrine, Pierre Senges, Joy Sorman. D’ordinaire je me méfie des «commandes» de texte, mais là, j’avoue, ça m’a donné envie d’entamer une nouvelle série d’écriture brève. Il y a donc fort à parier que les cinq fragments, en lecture ci-dessous, auront une suite, dans les mois à venir, ici même.

Tubes à l’essai

Sus aux faiseurs de soupe / Et à tous leurs fans / Aux minets gominés… Début de l’été 76, à perte de vue, sur la pelouse jaunie, ratatinée, du Parc de La Courneuve, des crinières hirsutes, garçons & filles entremêlés, et sur la scène des inconnus qui monopolisent le micro : On entend dans le poste / Des musiques infâmes / Et nous… on est la riposte… Rock au rabais, la preuve par l’absurde. Tant de nullité, ça doit être au deuxième degré. Je m’informe alentour. Paraît qu’ils passent sur des radios commerciales, sauf que moi jamais entendu parler. Normal vu que cette chanson-là c’est la Face B, alors que leur premier tube, tout le monde l’a en tête : Oh les filles, oh les filles / Elles me rendent marteau… Ringard absolu, mais 100% fait exprès. Comme quoi, les apparences sont trompeuses. D’ailleurs, on se croirait à la fête de l’Huma, pourtant non, là c’est celle du PSU, nuance d’importance à l’époque. Bal Pop versus Woodstock. Et c’est quoi le nom de ce groupe qui ne joue pas le jeu, ni folk-song, ni pop planante, ni chanteur engagé ? Au bonheur des dames, c’est marqué sur le programme, entre Moulouji, Archie Shepp et François Béranger. Ça m’intrigue ce mauvais goût potache, peut-être parce que j’ai treize ans à peine révolus, l’âge du contre-pied permanent. Et tant pis si ça rime à presque rien leur refrain – Nous, on n’est pas des tristes, / On aime le twist –, suffit de regarder les choristes – l’un moustachu en robe fuseau léopard, l’autre couillu cuir sous perruque rose bonbon –, pour savoir à qui j’ai affaire, sauf que non, même pas pédés, d’après mes voisines déçues, travelos pour du beurre, postiche & pastiche, à cheval sur les préjugés, un comble d’ironie bitextuelle. Et qu’un sang impur / Ouais impur / Abreuve les microsillons / De nos 33 tours. Se foutre de la gueule du monde, à tel point de non-retour, ça essaime le trouble longtemps après. D’où une attirance précoce, sans que j’ose encore me l’avouer, pour la provoc foutraque, du moment que ça fait tache – variétés avariées de l’intérieur.

*

Sortant d’un cinéma d’art et d’essai, rue du Temple, ce même été 76, l’étrange sensation de faire encore partie du film que je viens de voir : Cria Cuervos. De ne pouvoir m’en échapper, non parce que chaque famille produit son enfer à huis clos, et chaque huis clos tout un tas de hantises totalitaires, sous Franco, chez mes parents ou ailleurs, mais au détour d’une confusion plus anecdotique : l’électrophone portatif d’Ana, la jeune héroïne, ressemblait à s’y méprendre à mon propre tourne-disque Teppaz. Méprise qui va me donner la chair de poule des mois durant, à chaque écoute de Porque te vas, ce 45 tours que ma mère m’avait offert, pour fêter le premier anniversaire de la mort du dictateur espagnol, galette fétiche qui me renfermait dans une chambre obscure où je croyais partager les mauvais rêves d’une petite sœur fictive, entre insomnie adultérine et sanglante agonie. À ce détail près que le titre de cette ritournelle, reprise en boucle, Porque te vas, porque te vas…, ne signifiait pas, comme je m’en étais persuadé, «Pourquoi tu vis ?», mais tout bêtement «Parce que tu t’en vas !», malentendu très récemment levé et dont l’écart de signification touche au secret espoir qui alors m’obsédait : que ma mère ose enfin quitter son mari, déserter le foyer conjugal, qu’elle s’en aille pour de vrai, pas seulement en pétitions de principe féministe, songes creux et vaines paroles aussitôt repenties.

*

Six mois après la mort d’Elvis Presley, j’avais presque oublié qui c’était, mais il a fallu qu’un autre événement vienne me le remettre en mémoire, par des voies détournées, maintenant qu’un de ses plus fervents sosies, Érik, complice de mes vacances en bord de mer, venait de se tirer une balle dans la bouche avec le 22 long rifle de son grand-père. «Don’t be cruel» me croonait encore Érik l’été précédent, en pommadant ses cheveux d’ébène d’un soupçon de gomina, avant de sculpter des deux paumes sa coupe de King amateur. Il avait la banane lustrée au cordeau et moi la tignasse blonde en boucles jusqu’aux épaules, rien pour nous entendre a priori, ni côté fringues ni rayon musique, aux antipodes. Lui blouson-teddy-boy-rockabilly, moi chemise-de-nuit-pop-psychédélique. Mais, en commun, une sainte horreur de la déferlante disco, Bee Gees, Patrick Juvet & co. Et, dans la foulée, l’art d’éviter les post-pubères du coin, soit trop kakous footeux soit trop pourris friqués. Les esseulés convergent parfois à leur corps défendant, quand leur marge extrême se touche. Lui en singeant l’éternelle jeunesse d’Elvis, et moi la fuite en avant de Joplin Janis. Deux modèles si opposés, et à l’arrivée, un même destin suicidaire. Alors Erik, sous le poids mort de son idole déchu, qu’est-ce qui lui a pris de se braquer à bout portant ? Sans doute marre de se cramer les ailes à tout petit feu, chez sa mamy gâteau et l’autre vétéran de l’Indo qui l’élevait à la dure, pas comme son faux cul de père, qui s’était fait la malle on ne sait où une fois l’épouse accidentée en bagnole. J’en ai tellement voulu au papy surarmé, prêt à flinguer le moindre crouille approchant sa bicoque, lui qui détestait qu’un hirsute dans mon genre fréquente son petit-fils, et ne se privait pas de me le faire sentir, en me broyant la main à chaque visite, pour montrer ce que c’était un homme à poigne, pas une lavette, une fiotte, une tantouze, parce que l’irascible vieillard aimait me faire la leçon sur la guerre des Gaules, ou comment les Romains, nuques rases et bien disciplinés, avaient vaincu ces barbares efféminés qui déjà faisaient honte à la France, avant de m’agripper quelques mèches, de tirer bien fort et de lâcher en conclusion : «Cheveux longs, idées courtes !» Une formule de son cru, du moins c’est ce qui me semblait, mais il a fallu que, par des voies détournées, je remonte à la source. En fait, Cheveux longs, idées courtes !, c’était un titre de Johnny Hallyday, de retour du service militaire, en 1966. La fameuse réplique du rockeur franco-français aux Élucubrations du simili hippie Antoine. Et là, ça me rajeunit d’un coup, parce que, même si ce j’étais à peine né, ce disque devait traîner chez mon grand frère, en tout cas j’en connais encore les paroles par cœur : Ma mère m’a dit, Antoine, fais-toi couper les cheveux, / Je lui ai dit, ma mère, dans vingt ans si tu veux, / Je ne les garde pas pour me faire remarquer, / Ni parce que je trouve ça beau, / Mais parce que ça me plaît. / Oh, Yeah ! Et à la fredonner sur le tard, je repense à Érik, sa gueule d’ange explosée par terre, et à l’arme du papy retournant comme un couteau dans la plaie. Pas facile de trouver sa place, de survivre à cette guerre civile – trop court, trop long –, autant ne plus y couper, déserter hors champ, tailler la route ailleurs.

*

Les années 70 tiraient à leur fin de règne giscardien : Ma bouche n’osera jamais / Lui avouer le doux secret / Mon tendre drame… C’était la voix d’un vieux copain, Jean-René, qui s’étranglait presque à l’autre bout du fil, parce que, désolé de me déranger, mais il ne savait plus où il en était depuis que Manuel l’avait serré dans ses bras, la veille au soir, après s’être tous deux introduit dans le cimetière Montparnasse, pour trinquer nuitamment sur la tombe de Baudelaire, un rite d’hypokhâgneux en mal de sensations posthumes, sauf que, au moment de se quitter en déclamant un dernier vers et puis retour au spleen estudiantin chacun chez ses parents, il y avait eu l’embarras d’une accolade, leurs lèvres manquant s’effleurer, presque un baiser volé, et Jean-René ne savait plus qu’en faire de ce pressentiment gênant qui avait repris corps dans son sommeil, sans le laisser une minute en paix. Lui, le fils de bonne famille – père diplomate, l’autre aux bonnes œuvres –, de quel foutu syndrome post-adolescent était-il atteint pour agiter ainsi sous ses draps le fantôme de Manuel, ce petit-fils de réfugié espagnol. C’était quoi cette tendresse irrépressible rien qu’à l’idée de le revoir en classe ce matin même, puis de le raccompagner tout à l’heure jusqu’au hall de son clapier HLM ? À quel saint si malsain se vouer : À ce garçon beau comme un dieu / qui sans rien faire à mis le feu / à ma mémoire. Faute d’avoir trouvé nulle part oreille assez fiable, il se rabattait sur moi, qui allait mettre un mot sur la chose et lui donner mon amorale bénédiction, mais comme je tenais là ma revanche sur cet enfant gâté qui me snobait une semaine sur deux, autant le laisser tourner autour du pot aux roses, jusqu’aux faux semblants d’un aveu : « Dis, tu crois que je suis pédé ? »  Et moi, du tac au tac : « En tout cas, t’as l’air amoureux.» S’ensuivit une romance échevelée avec le capricieux éphèbe ibérique, sans que ça se sache surtout, et quelques liaisons vite fait entre mecs histoire de prendre un peu d’assurance. Entre-temps, pour amadouer sa mère, il avait trouvé la combine, lui emprunter un album de son chanteur préféré, Charles Aznavour, et repasser dans sa chambre soir après soir la même rengaine – Nul n’a le droit en vérité / de me blâmer, de me juger / Et je précise… –, espérant élargir en douceur l’étroitesse d’esprit de cette femme d’intérieur : Que c’est bien la nature qui / Est seule responsable si / Je suis un homme oh ! / Comme ils disent.

*

La peau amollie et gagnée par d’inquiétantes rougeurs, j’allais sortir du bain, décidément trop chaud, tandis que Sonia, rencontrée l’avant-veille, une fameuse nuit blanche du 10 mai 81, me soumettait au Blind Test de sa discothèque : «Et ça tu connais ? Moi, j’adore !» Ce devait être le dixième morceau qu’elle me faisait écouter par la porte entrebâillée. Son Hit-parade intime en partage, une autre façon d’apprendre à nous toucher. Suzanne Vega, j’avais dit «Bof, j’aime bien» ; Bruce Springsteen, «Nan, quelle horreur» ; Laurie Anderson, «Pas mal, c’est qui ?» ; Ian Dury, «Moi aussi j’adore!» Ensuite, juste avant de me redresser dans la baignoire, histoire de varier les plaisirs :  T’aurais pas un truc en français ?» À peine demandé, sitôt changé de vinyle sur la platine. En attendant, je pataugeais, debout dans l’eau croupie. «Ça, c’est forcé que tu connaisses !» d’après elle. Et là, première déconvenue, l’accent familier de Claude Nougaro, du moins sa rumeur assourdie, déclamant une ode inconnue à mon répertoire : Mai, mai, mai, Paris mai… Impossible d’avouer mon ignorance sans trahir notre complicité naissante. Plus qu’à enjamber le rebord émaillé pour rejoindre Sonia dans la pièce à côté et, d’un simple coup d’œil au revers de l’album, déchiffrer le titre, comme si de rien n’était : «Ma chanson préférée, j’te jure !». C’était le défi à relever, un pied après l’autre sur le tapis de bain, plutôt mal d’aplomb d’ailleurs, sous le coup du choc thermique, ébouillanté puis cueilli à froid, dans un état déjà second, alors que je venais de saisir au vol quelques bribes de la chanson : Avec ma belle amie quand nous dansons ensemble / Est-ce nous qui dansons ou la terre qui tremble ? L’extrait fatidique avec sa drôle de question jetée en l’air ; et moi, tombant des nues, tout du long, sans connaissance, par terre.

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11 juin 2012
[Texticules & icôneries
Trois fois mieux… que rien.]

Sortir de son trou, sens dessus dessous

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10 juin 2012
[Troisième tour de vis… électoral
Promesses de don & téléthon dominical.]

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7 juin 2012
[Texticules et icôneries — À pied d’œuvre.]

Support surface, figuration libre.

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5 & 12 juin 2012
[Grève des loyers,  un journal mural
Un expulsable en sursis affiche son insolvabilité
et refuse la honte sociale au 1 de la rue de Chantilly.]

Ça se passe dans le IXe arrondissement de Paris, au coin de la  rue Bellefond et de la rue de Chantilly. Sur l’immeuble d’angle, on aperçoit une première fenêtre, murée de si longue date qu’on dirait un huis clos en trompe l’œil, repeint à l’unisson de la façade en pierre de taille. Deux mètres plus loin, quelques affichettes ont commencé à fleurir sur le mur il y a une semaine, incitant les passants à faire halte pour s’informer de la mise en demeure faite au locataire de déguerpir toutes affaires cessantes.

A parcourir les feuilles manuscrites et documents ici scotchées jour après jour, on découvre le fatal enchaînement des circonstances aggravantes d’un pauvre en fin de droits.

Mais cet expulsable en sursis, auquel on a coupé les vivres et l’électricité a décidé de tenir un journal mural, pour rompre le cercle vicieux de son opprobe sociale. Tant qu’à passer pour un occupant abusif – un de ces «assistés» voués aux gémonies par la gauche & la droite de Manuel Vals à Marine Le Pen –, inutile de s’en cacher, mieux vaut livrer son cas de (sale) espèce de (faux-)chômeur à la publicité. Et sortir de ses gonds pour rester dans la place.

Hier encore, il continuait sa lutte, par petits mots interposés, de moins en moins solitaire, vu les témoignages de solidarité de certains voisins et curieux de passage. Face aux chinoiseries des bureaucrates & huissiers, son dazibao improvisé tenait encore le haut du pavé.

Et ce temps gagné envers et contre toutes les échéances comptables, cette façon de conjurer les misères de l’isolement par le verbe haut, ça se fête, avec ironie, guirlande et loupiotes.

Sans illusion sur la suite, mais sans esprit de défaite obligé, debout sur le seuil de sa colère. Insolvable… et alors?

Et avant de repartir ailleurs, en hommage à tous ses invisibles semblables, ces quatre questions subsidiaires qui n’en finissent pas de nous brûler les lèvres.

post-scriptum du 12 juin :
Repassant par la rue de Chantilly, je m’arrête, salue le locataire en sursis sur le pas de sa porte et l’informe de ma modeste contribution à son «journal mural». On lui en a parlé, mais difficile de se tenir au courant quand on vous a coupé l’électricité. Une journaliste des Inrockuptibles, Anne Royer, alertée par mon articulet sur ce pense-bête, est même allée le voir pour faire le portrait de ce récalcitrant solitaire, Jérôme de son prénom. Son article, sobre et précis, est en ligne ici-même.
On y découvre le parcours de vie d’un «animateur radio»qui, depuis plus de vingt ans, sur le bande FM, oscille entre statut d’intermittent, CDD renouvelable (ou pas), arrêts maladie (entre stress hyperactif et décompensation) et CDI au rabais suivi d’un licenciement sèchement abusif. Et depuis lors, en attendant quelques possibles indemnisations après sa contestation aux Prud’hommes, il touche une pension d’invalidité (moins de la moitié du SMIC) et pas grand-chose d’autre, puisque dépression chronique oblige, le courage lui a manqué pour pour réclamer ses droits auprès de toutes les usines à gaz administratives.

Pour l’heure, comme on voit ci-desus, il affiche plus que jamais sa résistance, en acte de paroles… & vice versa.
Et après plus d’une dizaine de déménagements, cette fois il a décidé de briser le cercle vicieux de la paupérisation, lui qui a déjà connu les foyers Sonacotra, les gourbis, les chambres de bonne. Cette fois, c’est non, assume-t-il fermement. Et, partant de ce constat, l’insolvable précaire Jérôme campe sur sa position, sans jargon ni langue-de-bois révolutionnaire, sans même hausser le ton, mais en mesurant chaque mot de son refus définitif de céder à la pression sociale :
«Non, je ne retournerai pas bosser tant qu’on me privera de logement. Je sais, ça choque les gens quand je dis ça, d’ailleurs, je pourrais trouver des petits boulots en remplacement dans certaines radios, mais pourquoi faire, juste pour payer un loyer qui n’arrête pas d’augmenter alors que mon salaire, lui, il bouge jamais. Moi, c’est fini, je veux plus bosser dans cette logique-là, uniquement pour régler le loyer chaque mois. Je préfère encore dormir dans ma voiture! Ça paraît délirant, mais je refuse de continuer comme avant, je veux plus jouer à ce jeu-là. Bosser, bosser, bosser à se rendre malade, et pour quoi faire de sa vie si ça ne permet même pas d’avoir l’espace minimum pour être bien dans sa peau.»

À écouter la voix paisiblement enragée de Jérôme, on se prend à y déceler quelque écho au «je préférerais ne pas» du si actuel Bartleby. Et l’on se demande comment empêcher que ce geste iconoclaste ne finisse par se retourner contre-lui-même, à imploser tout seul ou se cogner la tête contre les murs, comment décloisonner ces cas isolés d’insoumission, comment leur faire crever l’écran des faux-discours de compassion/stigmatisation sur l’assistanat, comment articuler ensemble ces refus existentiels du travaillisme forcené et des leurres du plein-emploi stable, comment rendre ces subversions solitaires explicitement solidaires. En voilà une question politique en ces temps d’affichage électoral en trompe l’œil.

À la prochaine, Jérôme, ici ou là.

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3 juin 2012
[Texticules et icôneries
Désillusions d’optique.]

Plein à moitié vide [Diptyque monoculaire, I]

Vide à moitié plein [Diptyque monoculaire, II]

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30 mai 2012
[Printemps Erable au Québec (suite sans fin) —
«Ce qui se cache derrière l’endettement étudiant :
l’avenir à crédit, précarité forcée & hara-kiri»,
une lettre ouverte de l’écrivain Hélène Frédérick.

Alors qu’au Québec une Loi Spéciale restreint le doit de grève et de manifestation, que les arrestations musclées (avec ou sans suites judiciaires) se chiffrent désormais par milliers, que le mouvement s’étend à d’autres parts de la société (malgré l’arrière-garde des bureaucraties syndicales),  et que la rue rivalise d’imagination, nous reproduisons ci-dessous la lettre ouverte d’une écrivain née au Québec, ex-étudiante à crédit de et auteur aux éditions Verticales d’un premier roman, La Poupée de Kokoschka. Ce texte témoigne à la première personne du singulier & du pluriel d’une question cruciale, l’endettement généralisé des étudiants dans une économie du savoir massifiée, et en cela il nous force réfléchir à cette question politico-existentielle, la dette, qui, sur divers continents, et sous des formes parfois non-dites, est au cœur des politiques d’austérité actuelles et de leur mouvement de contestation, en Grèce, au Magrheb, au Chili, au Canada francophone
ou ici même,  aux portes des Pôle-Emploi.

Ce qui se cache derrière l’endettement étudiant :
l’avenir à crédit, précarité forcée & hara-kiri

«Un important conflit fait rage au Québec, qui a pour origine une hausse de 75 % des frais de scolarité universitaire. On connaît par cœur le discours justifiant ce type de mesure, aux Amériques, en zone euro ou ailleurs: c’est la crise, l’heure est à l’austérité, plus tard, plus tard, la remise en question de notre modèle économique, car le temps presse, la dette des États maintient plusieurs pays au bord du gouffre, on suit à en perdre haleine les aléas du moral des marchés, plus insondable mais, probablement, aussi fragile que le moral des ménages. On a demandé aux États d’opérer le sauvetage des banques, et de ce fait, encore une fois on privatise les gains, on nationalise les pertes. Les budgets adoptés sous la contrainte d’autres États craintifs de voir l’économie sombrer, invoquant le principe de responsabilité, commandent aux citoyens de faire leur «juste part», de se serrer la ceinture, d’en faire un peu plus. Ainsi, période d’austérité oblige, en mars 2011, sous l’autorité d’un gouvernement soupçonné de corruption reconduit de justesse, le ministère des Finances du Québec déposait son budget : afin de régler la délicate question du financement universitaire, celui-ci prévoyait de hausser les frais de scolarité de 325$ par an pendant cinq ans, à partir de l’automne 2012.
À quelques mois de l’entrée en vigueur de ces mesures visant à renflouer les caisses universitaires, dit-on, sans pénaliser ceux qu’on appelle les contribuables, déjà trop sollicités en ces périodes de coupes budgétaires, voilà qu’une bonne partie de la jeunesse québécoise a refusé de payer une part qui ne lui paraît pas si juste. La majorité des étudiants ont voté en faveur d’une grève qui depuis plus de 100 jours paralyse le système d’éducation collégial et universitaire et monopolise l’espace public voué au débat, espace qu’on avait sans doute depuis trop longtemps laissé vacant.
Lorsqu’après 82 jours de grève, le gouvernement de Jean Charest a finalement accepté d’entamer un dialogue avec les leaders des associations étudiantes qu’il avait jusque-là choisi d’ignorer, il a présenté comme un important compromis la proposition suivante : pour que l’éducation demeure accessible à tous, nous allons élargir le régime de prêts aux étudiants issus de la classe moyenne, ce régime qui jusqu’ici était réservé aux classes moins aisées. Pour le formuler plus clairement, aux associations étudiantes qui, pour débattre et chercher des solutions, demandaient simplement un moratoire, Jean Charest a répondu : élargissons l’endettement. Naturellement, la proposition a été rejetée, et ce faux compromis a eu pour effet de renforcer le mouvement contre la hausse, symbolisé par le carré rouge.
On pourrait s’étendre à l’infini sur le discours qu’on a vu émerger de la droite québécoise et de ses ramifications dans les médias, les arguments de responsabilité invoqués, les demandes d’injonction visant à neutraliser le vote étudiant et à forcer le retour en classe sans tenir compte de la position des professeurs appuyant massivement les étudiants, la brutalité policière et les centaines d’arrestations abusives au nom d’un retour à la paix sociale, la loi 78 adoptée le 18 mai dernier, dite loi spéciale, visant à restreindre le droit de manifester et affaiblir le pouvoir des associations étudiantes, etc.
Ne l’oublions pas, en usant de tous ces stratagèmes, le gouvernement en place, en défenseur d’un système néolibéral déjà en perdition veut nous faire avaler principalement une chose : l’idée d’un endettement des jeunes considéré comme une juste contribution en cette période d’austérité pré-programmée. En des mots plus crus, quelque part au sommet, là où politique et économie sont depuis trop longtemps confondus, on tente de nous faire croire que les étudiants (ou plus largement les citoyens) ne sont rien d’autre qu’une colonne de chiffres dont on attend un rendement. Et c’est cette vision marchande de l’éducation, voire de tout un système, voire de l’humain, que les jeunes québécois questionnent et rejettent aujourd’hui, et depuis plus de 100 jours, avec tous ceux qui les appuient et qui, encore hier soir, faisaient résonner leurs casseroles sur les trottoirs.

Je suis née en 1976 dans un petit village de Montérégie — qu’on me pardonne cette parenthèse personnelle qui servira, je l’espère, à illustrer mon propos. Ma génération a goûté au régime de prêts étudiants et s’en est trouvée très affaiblie. Au Québec et au Canada, il est permis de faire faillite pour avoir trop joué à la loterie, mais la loi [*] interdit la faillite pour avoir trop longtemps étudié. J’ai terminé, ou plutôt j’ai cessé mes études en 1999 avec une dette de 19 000 dollars et une dépression en bonne partie causée par cette précarité. Ayant échelonné le remboursement de mon prêt sur vingt ans (mon salaire ne m’aura pas permis d’assurer ma survie autrement qu’en y allant de paiements de 180 dollars par mois), j’aurai au final, en 2019, remboursé à mon institution financière la rondelette somme de 39 000 dollars. Je vous laisse le soin de déterminer qui est le gagnant de ce système à colonne de chiffres que l’État défend aujourd’hui, au Québec, à coups de matraque et de loi spéciale, adoptée à la sauvette afin de calmer ce qu’ils appellent un caprice d’enfant-roi.
J’ai souvenir d’avoir perdu le goût des études et de la vie dans le contexte de l’endettement. J’ai souvenir d’avoir consulté un psychologue en milieu universitaire, gracieusement offert, et de l’avoir entendu dire : mon but mademoiselle est de vous rendre fonctionnelle à l’université. J’ai souvenir d’avoir cessé pendant quelques années de croire au modèle universitaire en regard de ces conditions. J’ai souvenir d’avoir envié ces habitants de pays où l’éducation est réellement accessible à tous et ne vous sera pas imposée en boulet au pied pendant douze ou vingt ans. J’ai souvenir d’avoir souscrit à une assurance-vie à la demande de mon père, assurance qui lui éviterait de contracter ma dette s’il me prenait l’envie trop forte de mourir. Car les pauvres gens ont de ces préoccupations prosaïques : mon père survivant à peine de son métier d’artisan, ma dette l’aurait certainement acculé à la faillite. Enfin, contrairement à ceux qui n’auront d’autre choix que d’y laisser leur peau en bons sacrifiés de l’austérité, c’est heureux et c’est une chance : j’ai souvenir d’avoir choisi de me faire autodidacte plutôt qu’hara-kiri.
Les défenseurs de la hausse des frais de scolarité au Québec, inspirés par les membres du gouvernement en place, utilisent souvent cet argument qui nous égare et évacue un débat pourtant plus que nécessaire : le Québec est la province canadienne, et l’endroit en Amérique du Nord où les frais universitaires demeurent les moins élevés. Étrangement, on met plus d’énergie à asséner ce simple fait qu’à nous expliquer pourquoi il faudrait perdre cet avantage et ériger en modèles ces contrées où le fossé entre riches et pauvres est encore plus profond que chez nous.
Car en tentant d’éveiller notre sens de la responsabilité (celle de la fameuse juste part), il est une chose primordiale qu’on veut nous faire oublier. Endetter une population, qui plus est la jeunesse, c’est la bâillonner, c’est lui enlever la voix et lui enlever le goût de la connaissance. Endetter la jeunesse, c’est lui faire perdre la mesure de ses capacités à vivre et à s’exprimer, c’est produire des milliers de femmes et d’hommes inaptes à devenir et à contester car trop occupés à rembourser. En plus d’alourdir le fardeau des jeunes, par l’endettement, le gouvernement actuel cherche à réduire toute une population au silence, tout comme les régimes d’austérité cherchent actuellement à nous faire payer à coups de suicide au travail les excès d’une poignée d’hommes occupés à construire une tour d’ivoire qui restera pour nous tous à jamais hors d’atteinte. En ces jours de retour aux négociations entre gouvernement et associations étudiantes, espérons que, ici comme ailleurs, le vent de la contestation sera plus fort que le bâillon. Merci à vous étudiants de nous réveiller et de nous redonner une voix !»

[*] Au cours de la deuxième moitié des années 1990, les modifications apportées à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (LFI) ont enlevé aux emprunteurs la possibilité d’acquitter leurs dettes d’études en faisant faillite si la faillite se produit dans les dix années suivant la fin de leurs études.  Ce changement fait en sorte que les obligations des étudiants demeurent après une faillite, même si d’autres dettes sont annulées. Cette période a récemment été réduite à sept ans, mais elle fait toujours l’objet d’un débat considérable. Les prêteurs l’appuient parce qu’elle améliore leurs chances d’être remboursés. Les étudiants, certains spécialistes de l’insolvabilité et certains universitaires ont contesté son bien-fondé. [Info ici même]

En simple complément à la lettre ouverte de Hélène Frédérick, on trouvera des outils conceptuels pour réfléchir à la notion de «dette infini » à l’œuvre dans les restructurations capitalistiques actuelles, et sur la prise en étau des populations et des individus par deux discours faussement contradictoires, l’un de «responsabilisation», l’autre de «culpabilisation».
Un extrait éclairant ci-dessous. Et pour l’analyse in extenso, c’est sur le site de la Coordination des Intermittents & Précaires,
ici même.

«Revenons à présent à Nietzsche, pour qui « le rapport social le plus ancien et le plus primitif qui soit entre personnes » est le rapport entre créancier et débiteur. C’est dans ce rapport que « pour la première fois, la personne affronte la personne [c’est là que] la personne se mesure avec la personne pour la première fois ». Dans La Généalogie de la morale, Friedrich Nietzsche affirme que la possibilité d’extraire de l’ «homme-fauve» un «homme civilisé», c’est-à-dire un homme «prévisible, régulier, calculable», passe par la production d’un homme capable de promettre. La tâche d’une communauté ou d’une société est d’abord d’élever un homme à même de « se porter garant de soi », de façon qu’il puisse s’acquitter de la dette envers ses différents créanciers (la communauté, les ancêtres ou la divinité). Pour honorer la promesse de rembourser la dette qu’il a contractée avec son créancier, il faut fabriquer, à cet « oubli incarné qu’est l’homme », une mémoire, une conscience, une intériorité qui le rende à la fois coupable et responsable de ce à quoi il s’est engagé. La dette implique ce que Nietzsche appelle un « travail sur soi, une torture de soi », un « travail de l’homme sur lui-même ». L’implication de la subjectivité dans l’économie néolibérale, la fabrication du «capital humain» s’expliquent précisément par l’économie de la dette.
Le capitalisme contemporain, d’une part, encourage les gouvernés à s’endetter (aux États- Unis, où l’épargne est négative, on contracte tous genres de crédits à la consommation, pour acheter une maison, pour poursuivre ses études, etc.) en ôtant à l’endettement en général toute charge culpabilisante ; d’autre part, il culpabilise individuellement les citoyens en les rendant responsables des déficits publics (de la Sécurité sociale, de l’Assurance-maladie, de l’Assurance-chômage, etc.), qu’ils sont invités à combler en sacrifiant leurs droits sociaux. Cette incitation à contracter des crédits et cette obligation de faire des sacrifices pour réduire le déficit des dépenses sociales ne sont pas contradictoires, puisqu’il s’agit d’installer les gouvernés dans un système de dette infinie : on n’en a jamais fini avec la dette dans le capitalisme financier, tout simplement parce qu’elle n’est pas remboursable.
La dette infinie n’est pas d’abord un dispositif économique, mais une technique sécuritaire pour réduire les risques des comportements dangereux des gouvernés. En dressant les gouvernés à « promettre » (à honorer leur crédit), le capitalisme « dispose à l’avance de l’avenir », puisque les obligations de la dette permettent de prévoir, de calculer, de mesurer, d’établir des équivalences entre les comportements actuels et les comportements à venir. Ce sont les effets de pouvoir de la dette sur la subjectivité (culpabilité et responsabilité) qui permettent au capitalisme de jeter un pont entre le présent et le futur.
Dans la logique néolibérale, les allocations que le chômeur ou le bénéficiaires de RSA reçoivent ne sont pas tant des droits que des dettes. Les allocations chômage ne sont pas un droit acquis par les cotisations, mais une dette qui doit être remboursée avec intérêts. La conscience de cette transformation lente, mais qui progresse depuis les années1980, commence à émerger chez les usagers de Pôle emploi. (…)»

Pour celles & ceusses plus amplement intéressés, on se procurera le dernier essai de Maurizio Lazzarato, La fabrique de l’homme endetté, aux éditions Amsterdam.

En attendant, un petit résumé ci-dessous.

«Selon la logique «folle» du néolibéralisme – qui prétend substituer le crédit aux salaires et aux droits sociaux, avec les effets désastreux que la crise des subprimes a illustrés de façon dramatique –, nous devenons toujours davantage les débiteurs de l’État, des assurances privées et, plus généralement, des entreprises, et nous sommes incités et contraints, pour honorer nos engagements,
à devenir les «entrepreneurs» de nos vies, de notre «capital humain» ; c’est ainsi tout notre horizon matériel, mental et affectif qui se trouve reconfiguré et bouleversé. (…) Comment échapper à la condition néolibérale de l’homme endetté? Si l’on suit Maurizio Lazzarato dans ses analyses, selon lesquelles la dette est avant tout un instrument
de contrôle politique et l’expression de rapports de pouvoir, force est de reconnaître qu’il n’y pas d’issues simplement techniques, économiques ou financières. Il nous faut remettre en question radicalement le rapport social fondamental qui structure le capitalisme : le système de la dette.»

Et pour se détendre les méninges, un florilège d’actions plus ou moins récentes, en direct du Québec.

Retour sur la manif ironique des «étudiants super-riches» en vidéo, ici.
Quelques dessins satiriques de haute volée, qu’on doit à Clément de Gaulejac, étudiant au doctorat en arts à l’UQAM, c’est là.
Des manifs en direct, malgré le décalage horaire sur CUTV, la télévision communautaire de l’Université Concordia, à mater quand ça nous chante.

Et même une reconstitution des manifs en modèles réduits pour les éternels bambins. Peluches et jouets contestataires, en libre accès.

Quant aux tentatives de fraternisation ironique de la mascotte Anarchopanda, le 16 mai dernier, ça vaut le coup d’œil.
Sans oublier les défilés bruitistes, tous les soirs, à partir de 20heures et de n’importe où, dans la tradition des endettés argentins après la faillite étatique de 2004. Topez-là.
Ni le récapitulatif chronologique de l’inventivité visuelle et sonore du Printemps Erable ici même.
Et, pour finir, le relais français du mouvement québécois, dans ce coin-là.

Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même

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