29 août 2013
[Légendes urbaines
& rumeurs à la chaîne —
Paraboles, ras-le bol !?]

Chez nous, les aiguilles de la montre se sont arrêtées y’a perpète, pile en octobre 88, et depuis vingt-cinq ans plus rien qui tourne rond en Algérie, sauf l’ennui en boucle dans la tête, comme qui  dirait en parabole, cinq cents morts d’après le compte à rebours officiel, toute ma génération zombifiée, c’était ça le prix à payer pour s’être révolté trop tôt, t’imagines, faire le printemps arabe en plein automne, drôle d’idée, fatale erreur de jeunesse, on n’a jamais raison avant la bonne saison, et aujourd’hui, c’est mort, interdit de sortir depuis un quart de siècle, et leur loi du silence, un vrai croissant de lune au fond de la gorge, comme qui dirait en parabole, chacun chacal pour bouffer ses martyres, d’ailleurs aux élections d’après, en 89, on n’a pas eu le choix, enfin si, la peste ou le choléra, comme qui dirait en parabole, soit t’absous les corrompus soit t’adores les barbus, dix ans de ballotage, et pour quel résultat ? deux cent mille morts au fond des urnes, tous rayés de la carte électorale, et les autres sans opinion publique, une guerre qui a même pas de nom, juste la décennie trou noir, entre frères ennemis sortis du ventre de la même mère, l’aîné sous l’uniforme et le cadet sous sa barbe postiche, deux chances sur deux de se tromper, et à chaque barrage routier que des brebis tondues et des ânes battus, comme qui dirait en parabole, le cheptel des vaincus, ensuite passé l’an 2000, il a bien fallu réconcilier les morceaux, proclamer la paix des braves entre GIA et FLN, cinquante-cinquante sur le racket import-export, gaz naturel ou Marlboro clando, chacun ses torts amnistiés à part égale du bizness, et même si le pire est derrière nous, l’horizon, lui, il arrête pas de reculer, comme qui dirait en parabole, c’est le temps mort qui n’en finit pas, ça remonte à plus loin qu’on croit, l’âge d’or des années 70, les cadeaux empoisonnés de Boumédienne, tout le pouvoir au soviet des généraux, et les imams en embuscade, le grand bond en avant, mon œil, retour aux sources du désert, l’arabisation coranique puis le code la famille, et ça, dans le genre, c’était la pire des paraboles, mais du coup on leur a renvoyé dans la gueule, dix vingt trente millions sur le toits et les balcons, des paraboles partout!, vu que c’était couvre-feu permanent, on a fait semblant d’obéir au doigt et à l’œil, tous cloîtrés chacun chez soi pour mieux dégager ailleurs, chez Canal + ou Al Jazeera, juste avec sa télécommande et même le décodeur pirate, histoire de zapper où tu veux sans visa, parce que ça sert d’abord à ça la parabole, une idée fixe pour se barrer sans que ça se voie.

Ce petit monologue fait suite à d’autres textes courts de la même sensibilité paranoïaque-critique et pseudo-auto-réalisante, une série entamée sur ce blog depuis plus d’un an. J’en ai regroupé l’essentiel dans un petit fichier pdf. qui évoluera au gré des ajouts ultérieurs. Ça aurait pu s’intituler Micro-mytho-récits.  On a tranché pour Choses tues, dont le fichier est consultable ici même.

Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même