4 mai 2013
[Démultiplication des stickers d’extrême-droite —
Propagande décomplexée & banalisation rampante.]

Si on s’intéresse aux autocollants qui fleurissent de-ci de-là sur le mobilier urbain, force est de constater la montée en puissance, depuis un an, de ceux colportant des messages phobiques : antiarabes, antisémites, antipédés, etc. Sans négliger le fait qu’à Paris, ces stickers-là ont fait des petits hors le périmètre habituel des quartiers bon chic bon genre (le XVème par exemple), pour se disséminer dans le Quartier Latin, puis rive droite, des Halles à la Bastille. Ça n’a l’air de rien, ou presque, juste un regain d’activisme des groupuscules d’extrême-droite, pour occuper le terrain ouvert par le « retoilettage » électoraliste du Front National. Et pourtant, ces signes adhésifs, en se fondant dans le décor, provoquent, sinon une adhésion massive, du moins un effet de banalisation qui intronise des expressions choc ou des blagues douteuses, bref de nouveaux idiomatismes qui font salement écho au désespoir social ambiant. D’ailleurs, c’est bien le but des « créatifs » fascistoïdes qui se cachent derrière les prête-noms d’une nébuleuse de mouvements fantoches, caresser la parano complotiste, le ressentiment haineux et la beaufitude  nationaliste dans le sens du poil.
Attention, il n’est pas question ici de jouer les Cassandre ni de prophétiser le retour imminent de la « bête immonde ». Comme on l’a vu récemment, lors de la mobilisation contre le droit au mariage pour les couples du même sexe, les franges d’ultra-droite demeurent quantités assez négligeables. Elles ont eu beau jouer au simulacre d’une contre-révolution populaire sur la place des Invalides – mansuétude des forces de l’ordre aidant – le remake du 6 février 34, au nom du « Printemps français » (c’est-à-dire ni arabe ni érable), n’a pas eu lieu. C’est sur un autre champ de bataille, sémantique, que leur offensive marque des points, au diapason de la droitisation des débats publics et, a contrario, d’une crise des valeurs d’émancipation collective.
Au vu de l’abject florilège ci-dessous, on objectera sans doute qu’il est abusif de faire l’amalgame entre les autocollants zemmouriens dénonçant « le racisme anti-blanc, riche et en bonne santé » et ceux de la bande à Soral & Dieudonné défendant la laïcité contre l’emprise du « mondialisme sioniste ». Soit, mais il est clair qu’aujourd’hui les vieux clivages de l’extrême-droite, entre tendance royaliste et bonapartiste, catho-intégriste et aryano-païenne, nationaliste-révolutionaire et poujado-libertarienne, annoncent moins une décomposition en cours qu’une arborescence dynamique qui ratisse large et fait se côtoyer dans les « Manifs pour tous » des néo-réacs de tous horizons, issus de familles politiques jusque-là incompatibles. Avec un sens du marketing viral sur le Net et du recyclage inversé des formules « gauchistes » qui sème la confusion et fait tache d’huile. Pour preuve, ce slogan rassembleur des groupies de la Rigide Bardot : « Première, deuxième, troisième génération… Nous sommes tous des enfants d’hétéros ! » qui permet aux faux-culs de l’homophobie d’instiller en douceur, sous leur détournement verbal, d’autres préjugés biologique & racialiste contre le « métissage » produit par le péril démographique de l’immigration.
Ultime scrupule, avant de céder la place à cette série de clichés écœurants – zoomés par mes soins ou empruntés sur le Net –, difficile de reproduire ces outils de propagande à l’identique sans risquer de leur faire une quelconque publicité, même involontaire. Du coup, via Photoshop, j’ai passé chacun de ces stickers au filtre d’une révélation négative. D’où, pour les visages figurant parfois dessus, un air de vampires qui leur sied à merveille.

Quant au dernier autocollant ci-dessous – photographié il y a quelques mois à Rome –, c’est l’exemple d’une contrefaçon néo-fasciste quasi parfaite.

On l’a laissé tel quel, dans son inquiétante familiarité, pour donner à voir le type de confusion qu’il cherche à semer au cœur de tout esprit critique.

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