1er avril 2013
[Fausses-bonnes intentions, hors saison
Soixante irrésolutions permanentes
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Chaque nouvel an, ça recommence : l’improbable ultimatum. On a l’entier mois de janvier pour prendre du recul, réviser son audit existentiel, peser le pour & le contre, changer de régime élémentaire, arrondir ses angles, tirer des plans B sur la comète… Bref, faire vœux à volonté! Bonnes résolutions, ça s’appelle, à mots couverts, en aparté, via le surmoi qui vous interpelle : bouge d’ici! arrête ça! essaye autrement!
Pas besoin d’un ange gardien, on la connaît déjà par cœur la litanie des injonctions entre soi et soi. Velléités perpétuelles, avec leurs mots de passe inchangés d’un millésime à l’autre. Méthode Coué, en boucle tautologique : «Si c’était à refaire, j’aurais dû le parfaire.» Et puis merde, ça repart comme c’était venu, ces voix de la raison ressassante. Perte sèche sans grand profit, sitôt dit que déjà dans le déni. On s’était pourtant engagé juré craché, sauf que ces codes de conduite assistée, ça ne rime à rien de précis, une fois que le double bind quotidien vous a repris en traître. Promesse d’ivrogne & serment d’hypocrite, et au bout du compte, à rebours: gueule de bois & camisole psychique.
Du coup, plutôt que de céder à ce foutu impératif fantasmatique – juste fais-le –, selon le rite obligé du calendrier, on a préféré attendre le 1er avril pour prendre date. Canular ou pas? Trop tard pour tergiverser, c’est parti. Et puisqu’il est bien connu que ce jour-là même le ridicule ne tue pas, on a relevé le défi, glané ici et là des expressions fétiches, des formules presque magiques, dès qu’on en médite le sens au pied de la lettre.
Attention, il ne s’agit pas de procrastiner dans le vide, ni de regretter ses futurs antérieurs ou d’autres imparfaits du subjectif. Rien à voir avec les méthodes du développement personnel, sa cure de sevrage et son mieux-être palliatif. Juste rouvrir les perspectives du possible, de l’ailleurs, du commun. Et pour mettre des mots sur ces envies provisoires, faillibles, disparates, trouver les moyens termes qui font cohabiter l’éthique et la pratique. Alors, sans se bercer d’aucune illusion ni s’aigrir des déceptions qui vont de pair, on a couché sur le papier quelques hypothèses fétiches, histoire de rêvasser à voix haute. Au total, soixante suppositions en l’air qui, faut de répondre à mes dernières volontés, s’attachent à un état d’apesanteur familier. Nulle déclaration d’intentions mort-nées, mais l’inventaire de mes irrésolutions permanentes. Autant de bouteilles à la mer, sans aucun programme à la clé puisqu’on ne saurait conjuguer ensemble des verbes à l’infinitif. Et que, une fois mis bout à bout, ces segments de phrase ne trament aucun message unitaire, mais un tissu épidermique de contradictions.



[Un grand merci à l’ami Alex Mouawad,
pour son regard inventif sur la maquette.
On retrouvera ce recueil d’autosuggestions

illustrées par quelques photos de mon cru
sous format .pdf de ce coté-ci ou bien là.
]

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