1er janvier 2013
[Le Street Art dans tous ses états
Collecte de graffiti de l’année dernière,
textes & images pour sortir de l’hiver.]

Il y a quarante ans et des poussières, les murs prenaient la parole aux alentours de la Sorbonne occupée. On a rendu trop d’hommages officiels à ce graffitisme made in 68, comme s’il fallait à tout prix embaumer le défouloir scriptural pour mieux passer sous silence ses mutations successives et traiter tous les tags d’aujourd’hui au Kärcher sous prétexte de vandalisme autistique.
 Alors, pour refaire émerger la permanence anonyme & clandestine de la poésie subversive depuis quatre décennies, on a fureté un peu partout, depuis les bombages des années 69-71 à Londres par les enragés british de King Mob, jusqu’au renouveau du pochoir révolutionnaire place Tarhir, en passant par les petits mots doux & rageurs qui font partout des petits : à Dijon ou Melbourne, Niort ou New York, Saint-Étienne ou Berlin. Et même à Paris malgré l’efficacité implacable des nettoyeurs municipaux.

D’où cette compilation numérique, comme un chantier à ciel ouvert, qui voudrait recenser ces bribes d’écritures maladroites, lacunaires, éphémères, glanés depuis trois années dans des livres, revues, sites web ou, pour les plus contemporaines, avec mon appareil photo toujours aux aguets… Ici, nul souci d’exhaustivité, puisque la tâche est infinie par définition même. Mais, tout de même, déjà plus de 2300 graffiti distincts – pris en note, datés et localisés – dans ce recueil perpétuellement provisoire, à feuilleter ou télécharger en format pdf  ici même….

Et dans la foulée, pour donner envie à quelques amateurs de me prêter main forte, pour enrichir la liste de leurs récentes trouvailles ou pour en inventer d’autres à faire soi-même, à découvrir ci-dessous, quelques tags piochés parmi tant d’autres

il n’y a pas d’obligation
de résultats


je sais où je suis
mais parfois je ne sais plus
d’où j’en suis


il faut trouver
la ligne de crête

[Rennes, hôpital Guillaume Régnier,
«Frères Ripoulain», mi-décembre 12 ]

publiminal

[Strasbourg, 9 décembre 12 ]

bah oui!

[Paris III, rue des Jardins Saint-Paul, 23 novembre 12 ]

ils ont enterré les pauvres vivants

[Tunisie, Sousse, «Zwawla», 3 novembre 12 ]

dans quel monde vuitton?

[Paris XIII, Butte-aux-Cailles, novembre 12 ]

tout vient à point
à qui sait le prendre…

[Reims, 26 octobre 12 ]

on n’est pas là
pour être ici

[Paris XIX, au pochoir, 17 octobre 12 ]

l’âme a la dalle

[Lyon, Croix-Rousse, papier collé, 4 octobre 12 ]

on voudrait bien qu’on nous installe
des amoureux sur les bancs publics

[Besançon, septembre 12 ]

on est tous
l’étranger
de qq’un

[Suisse, Lausanne, au pochoir, 8 août 12 ]

œil pour œil
et le monde sera aveugle

[Avignon, papier collé, 17 juillet 12 ]

joyeuses dettes de fin d’année

[Annecy, au pochoir, «wbx», juillet 12 ]

phoque œuf

[Villeurbanne, sur macadam, juillet 12 ]

il y a des gens qui ont un air
de liberté sur les lèvres
et qui ne sont pas nécessairement
des assassins

[Nantes, Centre International
des Langues, 18 juin 12 ]

dans votre réalité normalisée
je suis une orgueilleuse complexée

[Grèce, Athènes, mi-juin 12 ]

dors moins, rêve plus

[ParisXVIII, «Peaner», 3 juin 12 ]

avalanche d’ersatz
monticule d’aura

[Toulouse, à la craie, 3 juin 12 ]

au lieu de faire comme si
on devait faire comme ça

[Dijon, sur passage clouté, rue Berbisey, juin 12 ]

coma idyllique

[Avignon, rue Pasteur, 26 mai 12]

bourdieu
ni maître

[Saint-Étienne, au pochoir, 21 février 12]

respect existence or
expect resistance

[Egypte, Le Caire, au pochoir,
«keizer», 6 juillet 11]

si le cercle est vicieux
le carré est chiant

[Marseille, mi-juin 11]

le passé n’est plus là
l’avenir n’est pas encore là
alors tout ce qu’on a
c’est ça le présent

[Villeurbanne, campus Doua, 27 avril 11]

et ève tua adam

[Toulouse, avril 11]

vous aurez beau
nourrir les loups
il regarderont
toujours vers la forêt

[Grenoble, au pochoir, 6 mars 11]

l’amour n’a rien de meetic

[Besançon, 15 février 11]

mal acquis sert aussi

[Genève, 26 février 11]

quand je sera grand
je sera chômeur

[Lyon, Croix-Rousse, papier collé, 10 décembre 10]

pétition
piège à cons

[Bruxelles, 7  janvier 08]

je ne suis plus sûr de moi
je n’ai plus de surmoi

[Montréal, le Plateau, mi-novembre 07]

finalement
on voit de moins en moins
de personnes que l’on
rencontre réellement

[Bruxelles, mi-mars 07]

on est tous les 1er
à avancer en même temps

[Paris III, 07]

légaliser la carotte

[Paris, avril 03]

Outre cette compilation systématique & hasardeuse de quarante ans d’écritures murales, on trouvera sur le site deux diaporamas sur le même sujet, l’un consacré aux bombages des années 70 et l’autre s’enrichissant au jour le jour d’inscriptions plus récentes, glanées sur le Net ou prises sur le vif, sur cette page-là.

Et pour conclure ce florilège de l’an douze, une fois n’est pas coutume, un hommage au versant plus institutionnel de Street Art, du côté des Frères Ripoulain qui ont su détourner/ contourner les limites de tout travail de résidence, en couvrant de bombages les murs de l’hôpital Guillaume Régnier à Rennes. Ça ne sent pas le travail de commande, ça fait vibrer le quotidien à l’air libre.

Encore une piste à explorer, à propos des murs obstruant les alentours de la place Tahrir, couverts de graffiti, fresques et pochoirs par les insurgés de novembre-décembre. J’y avais consacré un article illustré 2011. Je viens d’y ajouter un post-scriptum touchant au dernier événement graphique de cette guerre des nerfs et des murs. C’est par là, tout en bas.

Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même