Il y a plus d’une dizaine d’années, j’ai aperçu ce minuscule graffiti, frappé du sceau d’un tampon encreur, sur un mur de la rue Ramey, au pied de la Butte Montmartre.
Je n’en ai jamais repéré aucun autre depuis, de visu, à l’air libre. Bien sûr, j’ai suivi de près l’épopée industrieuse et foutraque du tampographeur Sardon, dont l’anti-mail art atteint des sommets de mauvais goût assumé.
J’ai plus récemment découvert les opuscules tamponnés de la main de Fabienne Yvert, dont ce petit dernier, d’un rouge intimiste et rageur, qui vient de sortir aux éditions La Ville brûle.
De mon côté, l’idée a fait son chemin, pour apporter ma modeste contribution à ce parent pauvre de l’inscription anonyme, mais pas sur papier couché, dehors, sur tous les supports susceptibles d’être tamponnés au vol. Même si, minimalisme oblige, il s’agit là d’encres murales aux limites de la visibilité, d’un modèle si réduit qu’ignorés par la plupart des passants et d’une technique d’impression si éphémère que vouée à disparaître à la première pluie. Signets insignifiants qui balisent le décor urbain sans tapage ni outrage spectaculaires, selon un genre de diableries qui préfère se nicher dans le détail justement. Face cachée du bombage extra-large.
À l’origine de cette série, une contrainte de départ et de menues variations: prendre deux proverbes distincts et en intervertir exprès une moitié de l’un avec l’autre à demi tronqué, à la façon d’un mot-valise mais avec deux bouts de phrases dans le même sac, en accolant chute et incipit à revers du bon sens commun, cul par-dessus tête. Et alors? Ça rime à quoi ce procédé? À soumettre la foutue sagesse populaire, et ses dictons, à leur propre contradict(i)on. Bref, faire faire fourcher la langue au cœur de ses réflexes conditionnés, démembres les formules toutes (sur-)faites, prêter vie à d’autres cadavres exquis. Et surtout faire mentir l’adage qui voudrait que les chiens ne fassent pas des chats en s’inventant un bestiaire chimérique, le chevauchement de quelques faux amis et même plus, si affinités maximales, une dialectique qui casse les briques.
Ci-dessous les huit premiers essais en rangs d’oignons sur la page…
et puis chaque coup de tampon en situation.
Pour revenir ici-même.
post-scriptum du 21 mai 12:
L’exception confirmant la règle, j’ai aperçu hier un joli coup de tampon face à la porte des toilettes d’un bar de la rue Madame, dans le dix-huitième arrondissement.
post-scriptum du 17 septembre 12:
Encore un coup de de tampon qui m’avait échappé, figurant dans l’incroyable archive visuelle du photographe Zerbi Hancok.
post-scriptum du 25 février 13:
En retournant fouiller dans le «photostream» de Zerbi Hancok sur flickr, cette découverte datant de l’été 2010, sur un mur de nord-est parisien.
Ainsi que, issue d’un autre site – Fragmentsdetags.net – cette curieuse série de notations express du paysage urbain, rue Gambetta, à Metz, remontant au début du même été 2010.
Post-scriptum, peu après le 1er avril 2013 :
Au détour d’une rue Bordelaise, dans le quartier Saint-Michel, rue Sauvageau très exactement, sur un poteau de stationnement, les traces encore lisibles de plusieurs coups de tampon bien arrondis à la manière d’oblitérations postales, mais sans autre date ni destination que ce laconique… minuit blanche.
Post-scriptum de fin janvier 2014 : :
Petite découverte en composant le digicode, avant d’aller bouffer chez des amis du centre-ville parisien, ce coup de tampon outrageur & très basiquement orthographié.
Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même