3 novembre 2011

[Allergie à l’air du temps —
Feu Charlie-Hebdo
rideau de fumée & silence de plomb.]

Dans le Nord-Est parisien, les incendies se suivent, mais ne se ressemblent pas. Du point de vue de leur écho médiatique, en tout cas, y’a pas photo. Qu’un journal satirique, surfant depuis des années sur la phobie du péril islamiste, se fasse salement cramer boutique par des inconnus (intégristes barbus ou débiles postiches), et c’est le tollé général, la Une de tous les confrères outragés et un élan de solidarité immédiat pour héberger la rédaction mise au chômage technique. Mais qui se rappelle, il y a un peu plus d’un mois, dans la nuit du 28 septembre, de ces six réfugiés tunisiens & égyptiens, brûlés vifs dans un pavillon occupé de la rue Hoche à Pantin ?

Eux n’ont pas eu les honneurs de la presse au-delà d’un quelconque fait-divers sans lendemain. On aurait pourtant bien aimé que Charlie-Hebdo consacre une enquête fouillée sur le parcours de ces jeunes migrants-là, sur leur rapport complexe et transgressif à la religion, sur les espoirs et désillusions du « Printemps arabe », sur le double langage du Maire de Paris ou du ministre de l’Intérieur à leur égard (compassion & répression). Y’avait matière à réfléchir, s’interroger, inverser certains préjugés, hors le simple réflexe « bête et méchant » : tailler un short à Mahomet pour faire prospérer son petit fonds de provoc commercial. Mais non, les centaines d’orphelins de la Révolution tunisienne ne cadraient pas avec la grille d’analyse manichéenne des disciples de Philippe Val. Alors les nouveaux boat-people de Lampedusa ont continué, dans l’indifférence générale, à subir rafles policières, manipulations barbouzardes d’anciens fidèles du RCD et instrumentalisations humanitaires de tel ou tel imam intégriste de Belleville ou d’ailleurs. Jusqu’au non-événement suscité : la mort de six d’entre eux. Liberté de circulation ou liberté d’expression, on croyait pourtant que ça allait de pair. Indissociablement. Mais non, une fois opéré le tri sélectif de l’information, les zombis de la misère demeurent indignes de l’indignation officielle. On leur préfère les cadavres exquis des caricaturistes de Charlie-Bobo.

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