14 juillet 2011
[Inscriptions murales — no copyright.]

En 68, les murs de la fac de Nanterre puis du Quartier Latin ont «pris la parole», l’espace d’un printemps. Durant les années 70, chaque lutte, occupation, grève, cortège a marqué son territoire à l’encre noire ou rouge, côtoyant d’autres traces de révoltes loubardes, junkies, baba cool, punk, sans oublier l’humour corrosif de l’anti-sexisme et la provoc des pédés sortis du bois. Mais cette contagion-là n’a pas eu les honneurs de l’édition commémorative. Et rarement droit de cité puisque, selon une légende rétrospective, tout était déjà écrit en mai-juin 68. Comme si l’imagination ayant eu le pouvoir deux mois durant, ça suffisait comme ça. Plus rien à signaler, ou alors de très pâles copistes, émules redondants & scribouilleurs sans intérêt.
Bref, après l’âge d’or des premiers mots «d’ordre & de désordre», serait venu l’âge mûr, vite faisandé, de la contestation stéréotypée. Et pourtant, ça n’a jamais cessé depuis… de faire des petits, avec des flux et des reflux, des moments de crispation dogmatique et des états d’expressivité massive. Sauf qu’à force de fétichiser le seul graffitisme made in 68, de lui faire un sort si particulier que séparé et réifié, on a manqué ses métamorphoses ultérieures, ses subjectivations protéiformes, ses renouvellements vivaces.

Pour assurer le lien, refaire émerger la permanence anonyme & clandestine de la poésie subversive depuis quatre décennies, on a fureté un peu partout, entre l’avant-hier et l’immédiat aujourd’hui. D’où ce petit livre numérique, comme un chantier à ciel ouvert, qui voudrait recenser les bombages méconnus de nos quarante dernières années, retrouvés dans des livres, revues, albums de photos, sites web ou, pour les plus contemporains, au premier coin de rue, si d’aventure….
Et ici, nul souci d’exhaustivité, puisque la tâche est infinie par définition même. Mais pour donner envie à quelques amateurs de me prêter main forte, pour enrichir la liste de leurs récentes trouvailles ou pour en inventer d’autres à faire soi-même, à découvrir ci-dessous, quelques tags piochés parmi plus d’un millier d’autres déjà compilés ici-même

Si dyeux est mort
kill le sait
?

[Montreuil, rue des Roches, mi-juillet 11]

Nos martyrs ne sont pas à vendre

[Tunisie, Kasserine, juin 11]

Écoute la nuit

[Paris, rue Michel Le Comte, à la craie, 2 juin 11 ]

Essayer, cest résister

[Paris, rue de Bagnolet, papier collé, 26 mai 11 ]

Être humain
se conjugue au présent

[Paris, place de la Bastille, sur trottoir, 23 mai 11 ]

I love elles

[Paris, rue Francis Picabia, 14 mai 11 ]

Poetic futur or not!

[Paris XX, Belleville, immeuble en construction, 4 mai 11]

Un mec dans mon pieu
pas dans ma peau

[Paris XIII, rue Jeanne d’Arc, fin avril 11 ]

ton patron a besoin de toi
tu n
as pas besoin de lui!

[Besançon, 26 avril 11]

À bas le libéralisme existentiel

[Marseille, 30 mars 11 ]

Heureux soient les félés
ils laisseront passer la lumière

[Paris, Canal Saint-Martin, 22 mars 11]

Laisseznous écrire notre histoire

[Paris, quartier Goutte d’Or, mars 11 ]

Non à lest non à louest

[Libye, Benghazi, 21 février 11 ]

Plutôt chômeur que professeur

[Grenoble, porte de l’IUFM, 19 février 11 ]

Le moi ne

[Paris, rue de l’Orillon, 11 février 11 ]

Fiché, fauché, fâché

[Toulouse, rue Jaurès, 5 février 11]

Nous voulons la liberté,
nous voulons vivre,
nous voulons du haschich

[Le Caire, 30 janvier 11]

À les vies dansent

[Paris, rue Maubeuge, 19 janvier 11 ]

Aimerai bien essayer lenfer des autres
c
est où?

[Genève, rue des Étuves, janvier 11]

Marre des banalités en grand format

[République, métro, sur pub, fin novembre 10]

Qui promène son chien
est au bout de sa laisse

[Marseille, Cours Julien,  fin novembre 10]

Pôle emploi tas de beaux yeux tu sais

[Dijon, fac, 10 novembre 10]

Je cours derrière rien
mais rien me suit

[Marseille, novembre 10]

En grève jusqu’à la retraite ha ha ha!

[Paris, Odéon, octobre 10]

Soyons désinvoltes n’ayons l’air de rien

[Le Mans, 12 octobre 10]

My body is your body

[Istanbul, octobre 10]

Tout vient aux mains qui savent sétendre

[La Baule, septembre 10 ]

La sagesse ne viendra pas

[Besançon, placard publicitaire, août 10]

Masque télépathique à vendre

[Saint-Girons, août10]

J’ai des papillons dans le ventre

[Paris XI, bd Magenta, sur asphalte, 20 juin 10]

Pauline partout Justine nulle part

[Rennes, 1er mai 10]

En raison de l’indifférence générale
demain est annulé

[Lille, rue de Cambrai, mars 10]

Notre monde est en sommeil
faute d’imprudence

[Paris, rue des Francs-Bourgeois, à la craie, mars 10]

Il ny a pas dailleurs où guérir dici

[Montreuil, à la craie, février 10]

Trop de chefs
pas assez d’indiens

[Besançon, place Pasteur, 16 octobre 09 ]

Tiens, t’es radié!

[Lens, mur de l’antenne Assedic
incendiée la veille, 17 janvier 06
]

Le travail est à la vie
ce que le pétrole est à la mer

[Paris XIX, rue Haxo, 03]

Ici personne nest normal

[Sarajevo, 95]

La mélancolie est un style de vie

[Uruguay, Montevideo, «leyenda ingeniosa», 89 ]

Bourvils not dead

[Lyon, entrée fac Lyon II, 86]

Chiez sur les cadres
tapez dans le décor

[Paris XX, passage Stendhal, 81]

Rasez les Alpes qu’on voit la mer

[Lausanne, Lôsane Bouge, été 80 ]

Votez les visions

[Nice, mars 78 ]

Il delitto paga

[Bologne, 20 février 77]

Futurs ancêtres
que vos os pourissent sous la lune

[Paris, pro MLF, juin 71]

Y atil une vie avant la mort ?

[Belfast, Bogside, 71]

Si ça continue faudra que ça cesse

[Flins, usine Renault, juin 70]

Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même