2-5 mai 2011
[Antidote au pessimisme ambiant —
Le collectif des réfugiés tunisiens & libyens
s’est installé dans un gymnase parisien,
au 100 rue de la Fontaine au Roi, à suivre.]
Depuis hiers après-midi, vers 16h, le gymnase de la Fontaine-au-Roi est investi par des réfugiés tunisiens & libyens, ayant pour la plupart participé à l’occupation précédente du 51 de l’avenue Bolivar. Après discussion avec quelques responsables de la Ville, promesse a été faite, cette fois, de ne pas recourir à la force publique (sous condition de limiter la présence dans les locaux à 150 personnes). La police s’est faite discrète pour l’instant, tout en propageant des rumeurs mensongères auprès de la Mairie sur le fumeux & fameux péril «anarchiste». Après Assemblée Générale bilingue des sans papiers & soutiens divers — entre méfiance épidermique, fatigue accumulée et évaluation contradictoire des possibles —, les Tunisiens ont décidé de rester sur place en acceptant certaines conditions préalables (pas de tabac à l’intérieur, présence nocturne du directeur du gymnase et d’un autre employé municipal.) Les élus de la majorité municipale, dont Jean Vuillermoz (PCF) ont promis une nuit «tranquille», sans coup fourré ni de matraques aux aurores, avec approvisionnement en nourriture dès dimanche, via l’association Aurore, et de prochaines propositions d’hébergement.
Reste que la Mairie semble toujours craindre une jonction de ce collectif agissant avec les centaines d’autres Libyens et Tunisiens en déshérence autour du Parc de La Villette, soumis à des arrestations sporadiques quotidiennes. Comment diluer, diviser, diffamer pour empêcher un regroupement trop massif et son expression politique autonome… Pourtant, il suffit de discuter avec les Tunisiens présents dans le gymnase pour sentir que dans les têtes & les cœurs il y aurait une solution légitime à portée de main: la mise à disposition de ces réfugiés des milliers de mètres carrés que la clique Ben Ali ou son Parti inique (le RCD) possèdent à Paris. Et c’est peut-être ça le mot d’ordre qui pourrait faire le lien entre toutes les sensibilités en présence: exiger auprès de l’Etat militaro-humanitaire Sarkozyste ou/et de la Mairie socialo-écologique parisienne la réquisition immédiate de l’ensemble des biens immobiliers acquis par les anciens régimes corrompus de Tunisie et de Libye pour restituer ces locaux vacants aux plus réprouvés de leur population.
Ce n’est pas un mirage ou une lubie, juste une façon de reposer dans le bon sens certaines lois de l’hospitalité. Mais, à voir comment l’actuel pouvoir tunisien continue de réprimer ses contestataires (plusieurs morts dans des manifestations cette semaine), ou comment la résistance libyenne est dirigiée par d’anciens ministres kadhafistes, on comprend l’hésitation de nos responsables (de droite & de gauche) devant un tel acte de rupture: la confiscation des avoirs mafieux des despotes déchus et redistribution aux acteurs de la Révolution qui ont choisi, plus ou moins provisoirement, l’exode. Encore une proposition «irresponsable», nous objectera-t-on. en ce matières diplomatiques, il ne faut pas insulter l’avenir, et surtout pas se fâcher avec les pouvoirs fantoches issus du Printemps arabe qui comptent bien conserver et faire prospérer les acquis et les méthode de la même corruption. Ceci étant dit, c’est un objectif pratique plus réaliste qu’on ne croit, et surtout plus propice à populariser cette lutte.
Par ailleurs, toutes les aides matérielles sont toujours bienvenues au Gymnase de la Fontaine au Roi, ainsi qu’une vigilance envers les demi-mesures caritatives que la Mairie (obsédée par le quota de 100-150 personnes maximum) risque de proposer pour déballonner ce mouvement trop visible, à un an d’échéances électorales…
Plus d’infos, régulièrement remises à jour ici même.
Post-Scriptum: Impossible d’évaluer le nombre réel d’anciens occupants de l’avenue Bolivar mis en Centre de Rétention, puisque la plupart des retenus en voie d’expulsion administrative ont été arrêtés dans la rue en d’autres occasions. Mais rien dans ce bilan qui ne donne envie au collectif de réfugiés de baisser les bras. Un exemple parmi d’autres, sur 7 sans papiers enfermés au centre de rétention de Mesnil Amelot qui sont passés hier en audience à Meaux, 6 ont été libérés, et le maintenu en rétention a engagé une procédure d’appel.
Hyper-Post-scritpum: Quant à l’épineuse question des médias, comme qui dirait, chat échaudé craint l’eau froide. Quelques Tunisiens, hier, en Assemblée Générale se sont fait l’écho de manipulations diverses, dont la présence de civils se faisant passer pour des journalistes. Il a donc été confirmé de façon clairement unanime qu’aucun son ni image ne pourrait être pris à l’intérieur du gymnase. Par contre, rien n’interdit aux preneurs d’infos audio-visuelles d’entrer en contact avec des membres (les rares francophones ou avec l’aide d’un interprète) du collectif aux abords de l’édifice. Donc, pas d’intox ni de contre-intox, les médias ne sont pas bannis, juste soumis à certaines règles de déontologie…
Néo-Hyper-Post-Scriptum: Querelle de mot et amnésie partielle… Pourquoi a-t-on si vite oublié que, il y a quelques décennies de cela, d’autres réfugiés arrivés par voie maritime, sur d’autres Radeaux de la Méduse, portaient le nom de «Boat-people», et que, sous d’autres prétextes idéologiques, ils étaient traités avec moins de cynisme discriminatoire et répressif. Non pour opposer les uns aux autres, réfugiés du sud-est asiatique ou du Maghreb, mais pour souligner que cette occupation a lieu en plein cœur de Belleville, là où certains cherchent régulièrement à raviver exprès des conflits inter-communautaires. Et pourtant, toute l’histoire de ce quartier s’est constituée comme ça, en accueillant plusieurs générations de diasporas. Alors, merde, faudrait peut-être avoir la mémoire plus longue que le bout du nez… de nos futurs candidats à la prochaine présidentielle, avec d’un côté des préjugés xénophobes explicites et de l’autre tout un tas de scrupules du bout des lèvres, dénis discrets, haussements d’épaules et silences assourdissants .
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