15 septembre 2010
[Allergie à l’air du temps —
Picasso… mis à nu par ses légataires mêmes.]
Qu’un électricien à la retraite se retrouve en possession de collages, ébauches, gouaches, lithographies… soit 271 œuvres de Picasso, et la famille héritière aussitôt s’emmêle… les pinceaux. Aucune preuve de vol avec effraction, ni d’extorsion de fonds, ni du moindre chantage et autres abus de faiblesse, mais peu importe, le présumé receleur doit s’expliquer devant la Justice. Lui jure que c’est bien Pablo et Jacqueline, sa dernière épouse, qui lui auraient donné l’ensemble du lot, pas en une seule fois, non, au fur et à mesure qu’il effectuait tout un tas de travaux dans leurs quatre résidences alentour. Bref, rien d’un cadeau inexplicable, mais plutôt un échange de bons procédés, un troc entre le maître et l’artisan, autrement dit, à mots couverts, une sorte de deal au black, payé en nature, hors impôt…
Bien sûr, on est libre de ne pas croire ce type sur parole, de trouver sa fausse naïveté suspecte, d’imaginer quelque arnaque derrière l’arrangement à l’amiable. Moi, ça m’a rappelé les confidences de l’ancienne patronne du Café de la Mairie, à Vallauris – quand j’y passais mes vacances dans les années 70. Rumeur malveillante ou secret de Polichinelle, il paraît que Picasso, faute d’avoir jamais un sou en poche, ni bifton, ni menue monnaie, laissait partout des ardoises, même chez le coiffeur ou le boulanger, dettes qu’il réglait avec retard… en dessins de son cru. À l’heure des anisettes de comptoir, les langues des habitués se déliaient : certains lui reprochaient une méchante pingrerie au quotidien, d’autres soutenaient l’inverse, un total désintéressement pour les choses de l’argent. Mais tous s’accordaient pour conspuer son entourage parasite, tant de flatteurs à ses basques et la proche parenté qui lorgnait déjà l’incalculable magot… Ce ne sont là que de vagues souvenirs, glanés dans les bistrots d’un arrière-pays provençal aujourd’hui disparu, mis aux enchères spéculatives depuis et racheté par les plus offrants des maffieux mondialisés.
Mais justement, en entamant une procédure judiciaire contre ce prétendu escroc, les six héritiers officiels du peintre se déchargent à peu de frais de leur propre imposture, eux qui sont allés jusqu’à vendre sa signature autographe à une marque de bagnole – le Xsara dite Picasso de chez Citroën – et qui depuis 1997 profitent de ces contrefaçons posthumes en série illimitée.
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