27 avril 2012
[Arts muraux & Street Art —
Avis de recherche pirates.]
Parmi tous les arts mutins de l’écriture murale – des aphorismes aérosol aux blazes indélébiles, des pochoirs typo sur bitume aux messages perso typex, des silhouettes parlantes sur papier collés aux posters sauvages XXL, du slogan adhésif des stickers aux mosaïques perchées des space invaders –, il en est un qui se contente de peu, pirater l’air de rien les avis de recherche scotchés à la va-vite sur les poteaux qui parsèment les trottoirs. On y tellement habitués à ces affichettes d’un voisin qui a perdu chien ou chat qu’elles font déjà partie du décor. Mais avant d’aller voir du côté parodique, pour se mettre dans le bain, quelques spécimens pour de vrai.
Des avis d’un autre type, en quête d’un emploi à domicile, se trouvent plutôt sur les gouttières d’évacuation. Ces petites annonces-là – qui en disent long sur les conditions précaires de la survie –, souvent manuscrites, et d’une main féminine, comportent une sorte de collerette à franges vers le bas, permettant à chacun d’y détacher un numéro de téléphone, pour mémoire. Là encore, ça va se nicher dans de tels recoins qu’on finirait par oublier l’omniprésence de ces billets, d’une si troublante délicatesse. Depuis un an ou deux, j’en ai photographié toute une série, sans but particulier, juste pour ne pas oublier que ça existe. Quelques spécimens ci-dessous, dont deux intrus qui ont dû me mettre la puce à l’oreille.
Suivre à la trace ces drôles d’affichettes, s’inspirer de l’ambivalence de leur écriture, entre lettre ouverte et non-dit intime, pour en fabriquer d’autres, de pure fiction, dérisoires mais sans céder au sarcasme. En ces matières, l’art du détournement se doit d’être au diapason d’une neutralité fragile, sensible, discrète, et fuir la tentation du démarquage tapageur, du canular graveleux, de la lourdeur satirique. Le sempiternelle dilemme de l’ironie et de l’émotion, transposé sur la voie publique.
À ce petit jeu, on apprend justement à disparaître autant que possible, à s’effacer dans le geste même de l’exposition, à ne parsemer ici ou là que des motifs imperceptibles d’interrogation. Puisque l’idéal serait que ces flyers fantoches se fondent dans le paysage urbain, selon la stratégie de la lettre volée. Et plus c’est banalement contrefait, proche de l’original, mieux ça passe inaperçu. D’ailleurs, comme je m’y suis essayé récemment, dans mon quartier, j’ai pu voir sur le visage des passants à l’arrêt, en train de déchiffrer la chose, quelques moues dubitatives et pas mal de sourires en coin.
Et sitôt après cette timide tentative, dans quelques rues de Montreuil, j’ai bien dû m’apercevoir que cet art mutin de l’affichette fictive avait d’autres adeptes de part le monde. D’où ce nouveau jeu de piste : recherche avis de recherche sur Internet.
Bonne pioche, j’ai fini par en collecter un large échantillon, du pur canular potache à la démarche plus conceptuelle. Comme quoi, une fois n’est pas coutume, en Street Art, il y a encore des zones de contact entre une créativité désinvolte, passionnée, amateur, et des œuvres promises à la reconnaissance esthétique. Entre la blague d’un goût douteux et le dadaïsme porté aux nues par ses collectionneurs même.

Made in SanFransisco, mai 2010.

Made by Redboy, in London, 2010.

Made in Lyon (Croix-Rousse), 2010.

Made by Redboy, in Minneapolis, mars 2011.

Made in Portland (USA), mars 2010.

Made by Jaitoutperdu.blogspot, in Bruxelles, 2010.

Made by Cali Rez, in Paris, mai 2011.

Made by Joon Mo Kong, in New York, 2010.

Made by Jaitoutperdu.blogspot, in Bruxelles, 2010.

Made in Irlande, juillet 2012.

Made in Paris, rue de Lancry, août 2012.

Made in Nantes, bd Albert Thomas, novembre 2012.
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