15 janvier 2011
[En roulant en écrivant, stylo-scooter —
Extinction du paupérisme.]
Depuis quelques mois, place Martin Nadaud, à deux pas du Père-Lachaise, quelqu’un avait élu domicile dans une cabine téléphonique. Un studio d’à peine 1 mètre carré, sans la douche mais avec caniveau sur le palier. Juste un petit jardin d’hiver pour ne pas finir légume au cimetière d’à-côté ou, mieux encore, un cagibi futuriste avec baie vitrée sur les quatre côtés pour essayer de conjurer la mort lente. En tout transparence, cet usager-là croyait avoir trouvé protection auprès du service public, un précaire refuge à son infortune. De façon illicite, certes… mais quel mal y aurait-il à ce qu’un gueux profite un peu du bien commun ?
Et pourtant, c’en était déjà trop. Trop de misère en libre exposition. Une insulte à toutes les vitrines de Noël. Une faute de goût en plein centre ville. Un attentat à la pudeur sociale. Une honte qui risquait fait tache d’huile. Un spectacle si salement exhibitionniste qu’il méritait censure immédiate. Comme quoi, dès que les pauvres s’occupent d’eux-mêmes, ils ne font plus pitié, ils font peur.
Alors, vendredi dernier, en fin de matinée, on a choisi en haut lieu de faire cesser ce scandale, de déloger l’intrus, de l’expulser de ce drôle de squat miniature : une boîte vocale en grand dérangement. Et tant qu’à faire, aux grands maux, les grands moyens : un camion 12 tonnes. Non pour mettre en demeure l’occupant de quitter les lieux, mais pour transporter sa demeure ailleurs. Et virer tout le vrac d’affaires qui s’entassait à ciel ouvert, direct à la benne. Il a fallu desceller le cube de verre, le tracter sur le hayon arrière du véhicule de chantier… et basta!
Ça y est, il n’y paraît déjà plus rien, ou presque. Deux plots sur le trottoir pour que des employés de la voirie viennent bientôt, d’une couche de bitume, effacer la trace du délit. Un sans-abri de plus à la rue, mais désormais ni vu ni connu.
PS : Dans le même esprit, avec l’adoption récente d’ un article de la loi LOPPSI 2, dite de sécurité intérieure, on pourra bientôt démolir tous les habitats précaires – yourtes, cabanons, mobile home – qui outrepassent les bornes de la propriété foncière et privent de taxes les élus locaux. Ce qui mettra sans doute quelques milliers de gens dans la merde, mais ces hors-la-loi n’ont qu’à coucher dehors, ça leur apprendra à habiter le monde n’importe comment.
Pour faire circuler ce texte, le lien est ici même