13 décembre 2010
[En roulant en écrivant, stylo-scooter —
Défense de ne pas se tromper.]
Traversée de Paris, rive gauche puis droite, sous la neige, après une soirée très arrosée. Déjà un gros quart d’heure à l’aveuglette malgré les flocons qui collent au pare-brise. Plus aucun marquage au sol, tout le macadam hors piste, et attention, au moindre écart, blanc sur blanc… tout fout le camp. Alors self-control maximum, ne pas abuser des freins, traîner plutôt des pieds pour faire halte à chaque carrefour et repartir en douceur, sans forcer les gaz, sinon ça va patiner de l’avant, chasser roue arrière et finir à la renverse. Place Gambetta en vue, plus qu’à descendre la rue Belgrand jusqu’à la Porte de Bagnolet. Encore cent mètres, et là, nouvel arrêt au feu rouge, face au mur d’enceinte d’un dépôt RATP.
Très machinalement, en attendant ça passe au vert, je relis l’inscription légale, en grosses majuscules : LOI DU 29 JUILLET 1881. Sauf que non, y’a un détail qui sort de l’ordinaire, c’est plus marqué DÉFENSE D’AFFICHER, juste un mot de changé : DÉFENSE D’ÉLÉPHANT. J’écarquille, m’y reprends à deux trois fois pour déchiffrer toujours pareil. Ou alors, c’est que je suis gravement atteint, plus étanche du tout, que j’hallucine un éléphant même pas rose, lapsus visuel, mirage en direct…
Et puis, dix minutes plus tard, une fois rentré au bercail, coma dépassé au fond du lit. Sauf que le lendemain matin, au réveil, ça se complique, plus tout à fait sûr de rien. La tête dans le sac des lendemains de fête. Faux souvenir ou vue de l’esprit ? Gros doute en eaux troubles. Vrai canular ou songe-creux ? Difficile de trancher. J’y pense et puis j’oublie. Jusqu’à l’heure de renfourcher mon scooter, maintenant que la neige a entièrement fondu. Même trajet que la veille, en sens inverse. Et là, pour en avoir le cœur net, un coup d’œil au passage sur le mur.
Clic-clac, preuves à l’appui.
Comme quoi, c’était pas du chiqué éthylique cet éléphant plus vrai que nature, affiché à l’identique, juste un piratage d’expert typographe, tellement subliminal que les passants n’y prêtent aucune attention, huit lettres volées sous nos yeux sans que ça se voit, un tout petit écart de langage, une subversion qui ne prétend à rien, un incident poétique de peu de réalité, un delirium très très mince.
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