10 février 2012
[Pour copie (non) conforme : Proudhon, 1848 —
Idées générales de la révolution… managériale]
«Être gouverné, c’est être évalué, motivé, relooké, forwardé, expertisé, formaté, radié, traçabilisé, retoqué, vérifié, auto-censurée, culpabilisé, muté, calibré, délocalisé, téléporté, invalidé, flexibilisé, recadré, consumé, dégraissé par des corps intermédiaires qui n’ont ni visage ni scrupule ni remord… Être gouverné c’est être, à chaque phase de spéculation ascendante, aimanté par l’espoir, désinhibé sur parole, porté au pinacle, transcendé par sa fonction, et à chaque krach intérieur qui s’ensuit, pris au dépourvu, dominé par la peur, mis en pièces détachées, privé d’issues de secours. C’est, sous prétexte de capital risque et de développement personnel, être pris en tenaille maniaque & dépressive, associé à l’innovation & essoré pire qu’un citron, addicté à l’adrénaline & sevré dès que ça piétine, sondé chacun son avis & quantifié négligeable aussi, offert à la demande & déstocké si ça débande, boursicoté à la hausse & replongé dans le fond de sauce, subjugué à la tâche & réduit au sujet qui fâche, apprivoisé dans le sens du poil & liposucé jusqu’à la moelle, promu à taux préférentiels & recyclé dans la poubelle, maximisé ès qualité spéciale & réduit au minimum vital, encouragé au subjectif pluriel & soustrait à son bilan virtuel, dopé aux objectifs chiffrables & voué à tricher sous la table, surqualifié en vue polyvalence & soumis à délais de carence, augmenté au mérite & préretraité dès l’arthrite, distingué parmi la masse & étouffé dans la nasse, tenu pour irremplaçable & ravalé en bout de table, mis à libre contribution & vidé de soi comme un con, bonifié à la dépense & endetté dès la naissance, valorisé en participatif & soldé avec le passif, satisfait de son triste sort & résigné more and more, pistonné pour ton bien & biodégradé à la fin; puis au moindre écart d’inconduite, au premier éclat de voix dissonante, c’est être décloisonné & atomisé, renfloué & floué, consulté & insulté, boosté & débouté, coaché & décoché, impliqué & dupliqué, briefé & biffé, primé & déprimé. C’est paraître son propre chef & se self-contrôler derechef. Voilà la gouvernance managériale, voilà son éthique équivoque, son ressort à double extension, son épuisant double bind, viscéralement désirable et désespérément comptable. […]»
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