10 décembre 2011
[Souviens-moi — (suite sans fin).]

De ne pas oublier que, sortant de ce rêve où je parlais couramment italien et très mal le français, il m’a fallu plusieurs minutes d’un dialogue de sourds avec ma compagne pour m’apercevoir qu’en réalité c’est plutôt le contraire.

De ne pas oublier qu’au lendemain de sa mort, ma mère, ancienne agent dite « contractuelle » au CNRS, n’avait pas fini de payer le rachat de sa retraite de fonctionnaire et qu’il lui restait encore six mensualités pour avoir droit au taux plein.

De ne pas oublier que lors d’une adaptation théâtrale du Livre de l’Ecclésiaste, alors qu’un imperceptible décrescendo des projecteurs plongeait le comédien dans le trou noir de ses derniers mots – « tout n’est que buées et poussières de vent » –, j’ai dû être le premier à frapper dans mes mains, sitôt apostrophé par mon voisin – « Chut! » –, qui n’était autre que Claude Régy, le metteur en scène, soucieux que le public quitte la salle en silence, sans applaudissement final, ni bravo, ni aucune de ces vaines manifestations de contentement.

De ne pas oublier que lorsqu’une balle de ping-pong est légèrement enfoncée, il suffit de la plonger dans une casserole d’eau bouillante pour qu’elle retrouve sa rotondité initiale.

De ne pas oublier que le plus fauché d’entre nous, Jean-philippe, étudiant aux Beaux-arts, ayant refusé de payer l’addition sous prétexte qu’une sale petit bestiole gisait au fin fond de sa soupe thaïlandaise, n’en était pas à son coup d’essai, et qu’à la troisième blatte, mouche ou punaise échouant au creux de son assiette en moins d’un trimestre, on eut beau le charrier, vanner, mettre en boîte, il n’a jamais voulu avouer qu’il les collectionnait exprès, ses insectes nuisibles, pour bouffer à l’œil au resto.

De ne pas oublier qu’aux États-Unis 8% des personnes interrogées croient qu’Elvis Presley n’est pas décédé en août 77, soit vingt-quatre millions de fans persuadés que le King a fait le mort pour de faux et ressuscité ailleurs dans l’anonymat, et que, toujours aux USA, on compte exactement le même nombre d’athées, convaincus que Jésus, comme son père, n’ont jamais été que deux imposteurs parmi tant d’autres.

De ne pas oublier que, la semaine dernière, avachi devant l’écran, j’ai mis une demi-heure à m’apercevoir que ce DVD, j’en reconnaissais les scènes à mesure et qu’il m’avait d’ailleurs fait le même effet, de déjà vu, il y a des années de cela, mais comme de bien entendu, à force de rechercher la date de sa première sortie au cinéma, le titre du film vient à nouveau de m’échapper.

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